Acculé sur la sécurité, le maire de Tours tente de reprendre la main

Facebook
Twitter
Email

Des interpellations de l’opposition au conseil municipal, des pétitions en cascade et de nouveau des communiqués de la droite et du centre : en quelques semaines, la municipalité de Tours a été bombardée de critiques sur sa politique en matière de sécurité. Fait rare : pour s’expliquer, le maire a monté une conférence de presse commune avec la police et le préfet. On y était.

« D’habitude on reste discret sur le sujet mais je voulais rétablir la vérité » dit Emmanuel Denis en préambule de la réunion devant les médias. A sa gauche il y a son adjointe à la tranquillité publique Philippe Geiger et le directeur de la police municipale Nicolas Galdéano. A droit, le préfet d’Indre-et-Loire Patrice Latron et la directrice départementale de la sécurité publique Laurent Lairet. Un bataillon d’officiels pour parler spécifiquement de la sécurité sur le territoire de la ville de Tours. Opération commando pour répondre aux habitants, aux oppositions et aux articles de presse avec l’espoir d’éteindre les différentes polémiques.

Si l’on a d’abord eu peur que le rendez-vous ressemble à un exercice de langue de bois (le maire revenant sur le bilan global de l’action municipale en matière de sécurité depuis sa prise de fonction en 2020), il y a finalement eu du concret avec des annonces :

  • Une brigade de 10 policiers prendra ses fonctions d’ici la fin de l’année au commissariat de Tours avec pour mission de sécuriser le tram, les bus et les gares de l’agglomération
  • Le quartier de Beaujardin sera équipé de vidéosurveillance après le braquage de son bar-tabac en septembre, mais aussi une multiplication des trafics ou incivilités dénoncés par des habitants
  • 6 bars, épiceries de nuit ou commerces recevront très prochainement des sanctions préfectorales pour vente d’alcool tardive sans autorisation, musique trop forte ou infraction à la législation sur le tabac et les médicaments

« On entend et on ressent les craintes de la population » assure Emmanuel Denis. D’où ces annonces à grand renfort de communication pour que le message passe le plus largement possible. En revanche il ne veut pas qu’on lui mette tout sur le dos :

« On reconnait les difficultés mais il est important de rétablir la vérité sur des sujets complexes et sensibles. »

Ainsi, il cite l’augmentation du budget dédié à la police municipale : 7 millions d’€ en 2024 contre 6 millions d’€ en 2019 afin d’augmenter les agents et les faire rester à Tours, face à la grosse concurrence d’autres villes qui gonflent les salaires. Il parle aussi de l’achat de 2 motos, de boucliers, de casques, de nouvelles armes ou de 3 voitures neuves pour les effectifs sans oublier l’extension du réseau de caméras de surveillance : 174 aujourd’hui, 129 à la fin du mandat précédent (près de 1 200h de bande ont servi à des enquêtes en 2022).

Néanmoins, la ville de Tours reconnait qu’elle n’est pas d’une fermeté absolue. Ainsi, l’adjoint à la sécurité Philippe Geiger assume avoir « laissé filer » les barbecues sauvages au début de l’été pour ne pas réactiver les tensions nées pendant les violences urbaines consécutives à la mort du jeune Nahel, tué par un policier en région parisienne. Elle espère juste réguler les initiatives en passant des conventions avec des associations pour éviter les débordements, « car il faut des moments de respiration et de convivialité dans des quartiers très denses comme le Sanitas » argumente Emmanuel Denis.

Pourquoi ce geste ? Car globalement cela ne semble pas générer de gros problèmes de sécurité. « On ne peut pas affirmer que la situation se dégrade à Tours, bien au contraire » relève le préfet d’Indre-et-Loire Patrice Latron. Face aux propos laissant croire à une hausse de la délinquance ces derniers mois, la police est venue avec des chiffres officiels issus des plaintes… Des données à priori optimistes :

  • Environ 4 000 atteintes aux biens recensées de janvier à août 2023 soit -22% de cambriolages ou autres vols par rapport à la même période de 2022 sur la commune de Tours
  • -41% de vols avec violence
  • -25% de vols sans violence
  • -36% de baisse de vols dans les voitures
  • +5% d’atteintes aux personnes
  • 1 734 atteintes volontaires à l’intégrité physique contre 1 656 début 2022
  • Une dizaine de squats encore recensés au Sanitas contre 140 au plus fort de la crise

Si ce bilan apparait positif, pas question de fanfaronner. « Ce n’est pas un satisfecit, on ne peut pas dire que les choses vont très bien » nuance le maire de Tours. Il le sait, les chiffres ne peuvent rien face au sentiment d’insécurité, notamment lié aux trafics de drogue se déroulant au vu et au su de tout le monde en pleine rue. Les forces de l’ordre reconnaissent d’ailleurs une forte activité, matérialisée par exemple par une hausse des contraventions de consommateurs. La présence de chiens agressifs peut jouer aussi : le préfet annonce une campagne de contrôles sur le sujet pour vérifier qu’ils sont tenus en laisse et que la réglementation sur les molosses est respectée.

De son côté, la mairie de Tours va relancer un « Conseil de nuit » avec habitants, police nationale et police municipale pour traiter des nuisances dans les quartiers festifs. La Brigade Verte composée de 8 agents sera davantage mobilisée pour surveiller les dépôts sauvages de déchets, voire verbaliser les jets de poubelles par les fenêtres (elle dresse actuellement entre 300 et 400 contraventions annuelles). Emmanuel Denis va également recevoir les pétitionnaires qui le souhaitent et s’exprimera devant les Assemblées de Quartiers, compétentes en la matière. En revanche, il dénonce « l’instrumentalisation politique » des comités de quartier qui se sont exprimés sur le sujet alors qu’ils sont plutôt chargés de créer des animations.

Justement, le sujet politique numéro 1 de la semaine à Tours concerne la sécurité… Ancien adjoint à la sécurité en mairie (2014-2020), Olivier Lebreton fulmine sur les axes prioritaires de la commune, dénonçant par exemple le temps important passé par la police municipale sur la vidéoverbalisation « au lieu de suivre les personnes qui pourraient commettre des délits ». L’élu passé dans l’opposition déplore aussi que la ville peine toujours à atteindre son objectif de plus de 100 policiers municipaux ou les rapports tendus entre l’équipe municipale et la police nationale. Surtout, il y a eu un tollé de deux groupes d’opposition quand ils ont appris que la municipalité voulait étendre l’extinction de l’éclairage public testé de 1h à 5h du matin depuis un an quartier Febvotte, aux Douets de Tours-Nord et à Blanqui près de la Loire. L’ancien maire Christophe Bouchet parle d’une décision « irresponsable » :

« Les citoyens qui rentrent tard le soir ou qui partent tôt le matin, que ce soit pour le travail ou les loisirs, ont le droit, tout comme chacun, de se sentir en sécurité et protégés. La décision de diminuer l’éclairage public ne fait qu’accroître l’anxiété, et cela ne peut pas être toléré. »

Benoist Pierre a embrayé sur le même ton :

« Plutôt que cette solution radicale, il aurait mieux valu mettre l’accent sur l’éclairage « intelligent », comme cela est le cas dans plusieurs villes de France depuis plusieurs décennies (Lille par exemple), en déployant l’éclairage au Led, les candélabres solaires et les détecteurs de présence… D’autant que cela a été fait, à titre expérimental, rue Colbert à Tours et que les habitants en sont très satisfaits. »

Forcé de s’expliquer, Emmanuel Denis à chercher à déminer le terrain :

« Nous sommes déjà très bien équipés en LED avec 35% de lampadaires concernés quand la moyenne européenne est à 15% et on va continuer. On ne ralenti pas sur ce point. »

Le maire assure au passage que l’insécurité n’a pas augmenté dans les quartiers sans lumière de 1h à 5h, « au contraire » et assure que les grands axes ou les quartiers comme le Vieux-Tours resteront allumés toute la nuit. En revanche, il refuse de généraliser les détecteurs de présence car selon lui ils sont uniquement efficaces dans les zones où il y a pas mal de passage piéton (ok pour le centre-ville mais pas à Velpeau, par exemple). 

A noter : pourtant pas réputé pour sa fibre écologiste, le préfet soutient la mairie sur ce point d’une extinction étendue : « si c’est fait en bonne intelligence ça permet d’économiser de l’électricité et de protéger la planète donc il ne faut rien exclure » dit Patrice Latron. L’élu Philippe Geiger chargé de la tranquillité publique complète en assurant qu’il est possible de rallumer tout un quartier d’un simple clic à toute heure depuis le Centre de Supervision Urbain en cas de signalement d’un problème ou d’une intervention de police. La Ville n’a donc aucune intention de faire marche arrière, espérant à terme économiser autour de 500 000€ par an d’électricité. D’autres grandes villes ont suivi le chemin dont Orléans, qui n’est pas connu pour être laxiste en matière de sécurité.

Facebook
Twitter
Email

La météo présentée par

TOURS Météo

Inscription à la newsletter