Retrouvez le dossier principal du magazine papier 37° n°9 printemps-été 2023, consacré au tourisme en Touraine.
Pour découvrir une région, on peut s’organiser de façon indépendante ou solliciter une entreprise chargée de nous programmer un séjour. On les appelle des tour-opérateurs, intermédiaires souvent essentiels pour des voyages de groupe. Rencontre avec deux sociétés qui ont leurs antennes en Touraine.
Paris, Nice et les châteaux de la Loire. Les touristes étrangers qui viennent de loin n’ont pas le temps de découvrir la France dans ses moindres détails. Mais, souvent, leurs séjours comportent une étape dans le Val de Loire. A 2h de la capitale et avec des joyaux architecturaux comme on en voit peu, le territoire fait partie des incontournables sur les catalogues des entreprises chargées d’organiser des excursions, au même titre que le Mont-St-Michel ou Reims avec sa célèbre cathédrale. Chaque année, ce sont donc des centaines de cars d’une cinquantaine de places qui se garent sur les parkings tourangeaux le temps de quelques heures, avant de repartir vers leur prochaine étape.
« On choisit les endroits qui ont le plus d’impact pour nos clients » explique Ghislaine Lherbier, directrice de l’entreprise Un Monde Bleu qui propose des excursions supplémentaires aux groupes ayant choisi des croisières sur le Rhône en direction d’Avignon ou la Seine vers Le Havre (mais pas sur la Loire, qui n’est pas navigable pour des gros bateaux de croisière et dont les épisodes de sécheresse récurrents dissuadent aussi l’organisation de tels projets). Un public essentiellement venu des Etats-Unis où les châteaux style Renaissance attirent beaucoup, et cela bien avant d’apparaître dans des séries à gros budget comme The serpent queen (pour Chambord) ou, plus récemment, Emily in Paris avec Montpoupon. Les Canadiens, les Sud-Américains ou les Asiatiques privilégient également fréquemment ce mode de fonctionnement tout inclus (transport, visites, repas, hébergement).
Des séjours à gros budget
Le programme est chaque fois millimétré : « On visite la ville de Tours la première journée, puis les châteaux d’Amboise et de Chenonceau le lendemain. Le troisième jour les touristes repartent en direction de Roissy en passant par Chambord sur le chemin » liste Ghislaine Lherbier. Ce qu’ils et elles viennent chercher ? « Le classique » répond-elle sans hésiter. Une clientèle qui n’a pas de problème de budget et qui loge dans des établissements prestigieux comme le Château de Pray de Chargé (dont le restaurant possède une étoile au guide Michelin). « Il y a une demande pour cette hôtellerie de tradition dans l’esprit des châteaux préférée aux Hilton très modernes qu’on trouve déjà chez eux » précise la professionnelle.
Un tourisme codifié, sans pas de côté, mais très rémunérateur pour les sites concernés. Si bien que l’absence de ces groupes pesait très lourd au plus fort de la pandémie de Covid… avant de repartir en flèche depuis 2022, même si tous les pays ne sont pas revenus (la Chine à cause de la situation sanitaire ou la Russie à cause de la guerre en Ukraine) : « On commence même à avoir des demandes sur 2024 et 2025, les Américains réservent très longtemps à l’avance » annonce la responsable d’Un Monde Bleu qui salue en particulier le retour de la clientèle d’entreprise, « avec des budgets importants ».
Chez EF Tours aussi on constate un fort redémarrage des réservations : « Le Covid n’est pas oublié mais on tourne la page rapidement » commente Ariane McBeath Board, responsable France et Benelux pour cette société spécialisée dans les voyages scolaires et linguistiques (elle possède en particulier une école de langues à Paris, tout près des grands boulevards). A l’année elle réserve 100 000 nuitées, rien que dans la capitale. Là-encore, les séjours qui passent par la Touraine sont des extensions à des voyages de 10-12 jours avec un circuit desservant le Château Royal d’Amboise et celui de Chenonceau, voire potentiellement le Clos-Lucé ou Chambord.
Des touristes friands d’anecdotes croustillantes
Dès qu’une douzaine de personnes réserve une excursion un véhicule est mobilisé et un accompagnateur ou une accompagnatrice embarque avec le groupe. Formés pendant deux jours et demi par l’entreprise, ils et elles ont pour mission de donner les clefs de compréhension sur l’histoire des sites traversés : « On utilise le trajet en car pour la raconter. Et ce que nos clients préfèrent, ce sont les histoires croustillantes. Pour eux, visiter les châteaux c’est un livre d’images et ils veulent rêver. Moi-même qui est d’origine franco-anglaise je suis époustouflée » souligne la responsable, par ailleurs accompagnatrice à ses débuts dans le groupe il y a 27 ans. « Nous avons souvent des élèves de zones agricoles des Etats-Unis qui n’ont jamais pris l’avion et se sont mobilisés en amont pour financer leurs billets. Vous changez la vie des étudiants quand vous les faites voyager, pour eux c’est vital d’ouvrir leur regard sur le monde », et ce quel que soit le plan. Les châteaux de la Loire compensent alors largement l’absence de halte sur des sites comme la Tour Eiffel, devenus surchargés.
Malgré les 800 000 visites annuelles à Chenonceau, et la mise en place d’un système obligatoire de pré-réservation comme ça se fait dans de plus en plus de sites très fréquentés, l’Indre-et-Loire n’en est pas encore là. Le directeur de l’Office du Tourisme de Tours Henri Poignet nous le confirmait d’ailleurs lors d’un récent entretien. Les tour-opérateurs interrogés sont du même avis : « Ce que l’on propose ce sont des voyages éducatifs, pas des photo-stops » insiste d’ailleurs Ariane McBeath Board, prédisant que dans les années à venir les voyages de groupe vont de plus en plus de diriger vers un axe bien-être « plus que sur de la course », soit un peu dans l’esprit d’en voir moins mais mieux. A ce titre, la directrice d’EF Tours aimerait encore plus de supports pour inciter le public à aller plus loin dans sa découverte des monuments : « Plus que des fascicules, par exemple des applications pour mobile afin de prolonger la visite. »
