[Dossier tourisme] L’hôtellerie en restauration

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Retrouvez le dossier principal du magazine papier 37° n°9 printemps-été 2023, consacré au tourisme en Touraine.

Développement massif des plateformes de réservation de logements entre particuliers, lancement de la startup hôtelière Gogaille, crise du Covid… Depuis une dizaine d’années, la vie de l’hôtellerie n’est pas de tout repos. Si certains hôteliers acceptent de ne plus afficher complet, d’autres arrivent à sortir leur épingle du jeu en gardant leur personnalité tout en s’adaptant à leur clientèle. Une clientèle qui affectionne toujours les petits hôtels indépendants.  

Avec sa marquise sur la tête, sa petite lanterne pour l’éclairer, une couleur orangée pour la rendre subtilement remarquable, elle a sa petite notoriété. Sûrement pas autant que la tour Heurtault du château d’Amboise, son imposante voisine située à quelques mètres, mais il y a régulièrement un œil ou un objectif qui s’attarde sur ses airs de la Belle époque. La porte d’entrée de l’hôtel du Café des Arts sort de son hibernation et s’apprête à voir ses premiers clients franchir son seuil avec le début de la saison touristique. L’époque où l’hôtel accueillait sa clientèle toute l’année est désormais révolue. « Nous n’avons quasiment plus aucun client en hiver, alors autant le laisser fermer. Ça fait faire des économies », nous racontent, derrière leur comptoir, Emmanuel et Isabelle Honnet sans amertume.

Situé au bout de la place Michel Debré ou « place du Château » pour les locaux, l’hôtel premier prix fait partie des conséquences directes de l’explosion d’AirBnb et des autres plateformes spécialisées dans la location d’hébergements entre particuliers. Propriétaire de l’institution amboisienne depuis 2011, époque où l’hôtel affichait régulièrement complet à l’année, le couple s’est fait une raison. Tout en comprenant leur époque. « Les hôtels comme le nôtre, au confort simple, avec salle de bain commune, sans télévision, attirent beaucoup de moins de monde qu’auparavant. Le touriste, à présent, préfère louer un bien où il a l’impression d’être chez lui durant son séjour, avec davantage de confort, d’intimité. Puis il peut éviter la restauration en extérieur le midi et le soir, car la note globale peut vite grimper. Cette nouvelle tendance est donc compréhensible », analyse l’ancien responsable de la boutique de souvenirs du château de Chenonceau.

De la personnalité, encore et toujours

 Aujourd’hui, la clientèle qui vient séjourner dans les six chambres pour une capacité totale de 20 personnes du Café des arts est essentiellement composée de pèlerins ou de cyclotouristes. De passage généralement pour une nuit, facturée 28 euros pour un lit simple où 42 euros pour un lit double, ils retrouvent ici un lieu de vie authentique, populaire, où ils peuvent se restaurer, s’abreuver et dormir à un prix bon marché. L’une des forces du Café des arts pour Isabelle : « C’est un lieu familial où la clientèle retrouve un endroit de vie populaire, authentique. On est l’un des derniers à proposer encore ce type d’établissement dans le centre d’Amboise. » En moyenne, durant la haute saison, l’hôtel obtient un taux de remplissage de 50 %. « On est loin des chiffres d’il y a 5-6 ans, mais c’est un petit plus pour nous. On pourrait peut-être faire mieux sur le remplissage, notamment avec le développement du cyclotourisme et le côté insolite du lieu, mais ça nécessiterait de l’investissement matériel et humain et je ne pense pas que le jeu en vaut la chandelle. Nous avons fait un choix. On y réfléchira à nouveau dans quelques années, mais la concurrence à notre niveau est trop rude en ce moment. Ce serait un gros risque et on préfère se concentrer sur le bar et la cuisine », confie Emmanuel.

« La décoration, l’ambiance générale du lieu sont devenues encore plus importantes aujourd’hui et arrivent au même niveau que l’accueil et l’offre de services »

À l’hôtel du Cygne, la tendance est différente. Des travaux, David Herbron et David Alzy en ont fait. Beaucoup même dans cette jolie bâtisse de 1850 dont les principales caractéristiques ont été conservées malgré l’importante restauration du lieu. Cheminée en tuffeau ou en marbre, boiserie, moulure, tout est d’origine ou presque et semble en parfaite harmonie avec la nouvelle décoration très soignée du lieu situé à deux pas de la rue Colbert. « Dans beaucoup d’hôtels, pour gagner en espace, les gérants ont tendance à supprimer leurs éléments historiques », regrette David Herbron. L’ancien directeur d’un hôtel dans le 1er arrondissement de Paris et son conjoint ont mis un an pour donner une seconde jeunesse au lieu qui accueille 18 chambres sur deux niveaux pour un prix moyen de 85 euros la nuit. Un investissement nécessaire pour ces trois étoiles qui a ouvert ses portes en juin 2020. « La décoration, l’ambiance générale du lieu sont devenues encore plus importantes aujourd’hui et arrivent au même niveau que l’accueil et l’offre de services que nous proposons. Au-delà de la personnalisation de chacune des chambres, il faut que l’endroit soit caractéristique aussi dans les parties communes, comme le petit salon ou la salle à manger », indique le cinquantenaire. Après avoir accueilli un jeune couple et l’avoir informé sur les sorties à ne pas manquer du secteur, il complète : « Il faut également être avant-gardiste sur tout ce qui est lié au confort. On doit proposer une literie irréprochable, des salles de bains dernier cri… Le confort a évolué chez les particuliers et nous devons toujours être un cran au-dessus en matière de qualité. On est un peu une vitrine globale. » 

Une avant-garde qui s’adapte aussi aux nouvelles méthodes de consommation. Comme le prouve la petite cuisine équipée en accès libre à toute heure. Un investissement pour contrer la concurrence ? Oui et non. « Le client cherche à conserver tout le charme et les services de l’hôtellerie tout en voulant une certaine indépendance. Mais, pour moi, on est sur deux offres différentes. Il s’agit, pour AirBnb, d’une clientèle plutôt familiale alors qu’ici, on est davantage sur des couples ou des personnes seules, en voyages loisirs ou en déplacement professionnel. On a une moyenne de nuit de réservation à 1,3 nuit alors que les séjours sont beaucoup plus longs sur ce type de plateforme », répond David qui annonce également connaître de très bons chiffres de fréquentation.

Arrivée d’un nouveau concurrent

Fin 2021, Gogaille est rentrée officiellement sur le marché de l’hôtellerie. Cette startup bordelaise entend bien s’y faire une place en proposant un hébergement et un bar-restaurant, indépendant de l’hôtel, dans des demeures de charme éparpillé géographiquement. L’objectif ? Redynamiser le secteur et le cœur des villes de taille moyenne en dématérialisant au maximum les services et en utilisant très peu de personnel. Comme la traditionnelle clé de chambre, remplacée par une reconnaissance faciale depuis une application pour smartphone. Après Limoges, Gogaille a jeté son dévolu sur Tours pour lancer sa deuxième loge ». Si l’offre de restauration n’a pas encore vu le jour, la startup a investi dans un hôtel particulier rue Corneille qui a ouvert ses portes le 1er mars dernier et se situe à quelques centaines de mètres de… l’hôtel du Cygne. « Par curiosité, j’y vais dormir demain soir. D’après ce que j’ai lu, le concept à l’air d’être très qualitatif, mais par contre on perd quand même la convivialité et les services de l’hôtellerie, souligne David. Se montre-t-il inquiet devant ce nouveau concurrent qui doit ouvrir deux autres établissements à Orléans et à Poitiers en 2023 ? Je ne suis pas inquiet pour moi. Tant qu’on fait bien son boulot, qu’on peut afficher encore complet et qu’on a d’excellents retours… Par contre, je me pose quand même des questions sur l’avenir des petits hôtels. Une nouvelle génération sera-t-elle prête à sacrifier ses week-ends ? À vivre entièrement sur son lieu de travail ? Ce n’est donc pas étonnant de voir débarquer ce nouvel acteur qui veut gommer ces contraintes. Après, je garde quand même de l’espoir, ça reste un travail passionnant, qui conserve toujours ce côté carte postale, notamment pour les petits hôtels. D’ailleurs, beaucoup de clients me demandent des informations sur le métier. Parfois, c’est même pour une éventuelle reconversion. À n’en pas douter, l’hôtellerie fait encore rêver.

Reportage Pierre-Alexis Beaumont

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