Véropée, une professeure de français devenue dessinatrice de BD

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En 2019, la carrière de Véronique Pot prend un nouveau tournant. Après avoir déjà sorti deux BD, la professeure de français dans un collège de Tours demande une disponibilité afin de se consacrer au dessin. Un choix qu’elle ne regrette pas, même si la vie d’artiste indépendante n’est pas toujours facile.

« En CE1, j’ai décrété que je pouvais arrêter d’apprendre mes tables au-delà de 5 : je voulais être prof de français », écrit Véropée, sur son site internet. Ce rêve de petite fille, celle qui s’appelle en réalité Véronique Pot l’a réalisé. Elle a enseigné le français pendant près de quinze ans mais, à la suite de sa deuxième grossesse, sa carrière prend un nouveau tournant. À peine arrivée en Touraine, il y a dix ans, un problème de garde l’oblige à prendre un congé parental de six mois. Des mois qui n’ont pas été de tout repos, entre un bébé et un petit garçon plein d’énergie. « J’étais parfois dépassée », se souvient-elle.

C’est à ce moment-là que la quadragénaire décide d’ouvrir un blog pour raconter ses aventures avec son aîné, alors âgé de quatre ans. « Raoul en milieu naturel » finit par être repéré par une maison d’édition et devient une bande-dessinée, en 2017. Cet univers lui plaît et Véropée ne souhaite pas le quitter. Elle reprend alors l’enseignement à 80 %. « Lorsque l’on est prof, nous avons toujours l’impression que ça ne fonctionne pas comme nous le voulons. Nous en faisons toujours plus et mon 80 % n’en était donc pas vraiment un. Je dessinais pendant les vacances, le soir… C’était comme une soupape de décompression », raconte-t-elle.

La professeure désormais en disponibilité a toujours aimé le dessin. « Au collège, lors d’un cours sur la révolution française, je faisais de petits dessins sur mes feuilles », se remémore-t-elle. Elle apprécie le côté « monomaniaque » de cette discipline. « Je fais toujours les mêmes personnages. J’adore le côté répétitif : le crayonné, l’ancrage… C’est apaisant », explique-t-elle. À cette corde à son arc, s’ajoute celle de l’écriture, qu’elle aime peut-être encore plus. Elle écrit des chroniques pour différents médias mais aussi des textes qu’elle publie sur les réseaux sociaux. « Si je devais lâcher quelque chose, ce serait le dessin car c’est plus laborieux. L’écriture vient plus naturellement et a un gros pouvoir cathartique. Quand j’ai un truc qui coince, je vais écrire dessus », indique l’artiste indépendante.

Dessiner et écrire pour se souvenir

L’écriture lui permet notamment de conserver des souvenirs. Une chose à laquelle elle n’avait pas pensé lorsqu’elle a commencé « Raoul en milieu naturel ». « Maintenant que mes enfants grandissent, je retourne sur le blog et je réalise que c’était un super moyen de garder des traces sur leur façon d’être lorsqu’ils étaient petits, sur leur façon de parler, d’agir », se réjouit Véronique Pot. Écrire l’aide par ailleurs à libérer ses frustrations. « Je viens d’une famille de quatre enfants, où l’on faisait ce que l’on nous demandait. Ce n’était pas pareil avec mes enfants et cela m’a permis de dédramatiser. » Des voyages en train mémorables qui durent une heure mais paraissent une éternité, un repas qui dégénère pour une histoire de fromage ouvert… Des anecdotes, Véropée en a à revendre.

La dessinatrice s’est inspirée de son premier blog pour sa deuxième BD, « Le Cid en 4e B », sortie en 2019. « Je voulais faire quelque chose de ces difficultés liées à l’enseignement mais aussi de ces moments de grâce, car tout n’est pas toujours compliqué. » Dans cet ouvrage, l’ancienne professeure de français retrace l’étude d’un grand classique avec une classe de quatrième. Au début, les élèves ne comprennent rien puis, petit à petit, les thèmes évoqués commencent à leur parler.

Un extrait de la BD « Le Cid en 4e B », écrite et illustrée par Véropée. (Crédit : Véropée)

S’inspirer du quotidien

Véronique Pot s’inspire de son quotidien. « Pour mes deux premiers livres, quasi rien n’a été inventé en termes de scénario. Pour le dernier, « Le renard, le corbeau et tous leurs potos », il s’agit de réécriture donc c’est différent mais je m’aide aussi de ce que je vois autour de moi. Je ne suis pas un grand auteur de fiction, je ne ferai jamais une grande BD d’aventure, estime-t-elle. J’aime témoigner du réel. » Elle se demande alors si ses histoires ne vont pas blesser les premiers intéressés. Si « Le Cid en 4e B » aurait pu être une BD contenant des perles d’élèves, elle ne se sentait pas à l’aise avec cette idée. « Je voulais pouvoir être lue sans avoir honte. J’ai fait en sorte de mettre en avant les collégiens, qu’ils s’élèvent grâce à la littérature au fil des pages », déclare-t-elle. Aussi, Véropée fait en sorte qu’aucun d’entre eux ne puisse se reconnaître. Elle se pose la même question pour son fils et toute sa famille. Lorsqu’elle écrit une chronique qui parle d’eux sur les réseaux sociaux, elle met un point d’honneur a toujours leur faire relire ses textes.

Au fil des années, la quadragénaire ne s’épanouit plus en tant que professeure. Elle ne veut plus exercer cette profession. Fin 2019, elle décide de demander une disponibilité. « Ça s’est fait tout seul. L’Éducation nationale partait trop en sucette pour moi. Je ne me reconnaissais plus dans cette institution qui est, je trouve, devenue maltraitante pour les élèves comme pour les professeurs. Nous parlons également d’égalité des chances mais nous en sommes encore loin », justifie la dessinatrice. Avant d’obtenir une réponse positive, l’enseignante vit la période Covid. « Il fallait appeler les élèves, leur envoyer des SMS car certains n’avaient pas accès à Pronote… À ce moment-là, je me suis dit que j’avais fait le bon choix. »

Après des études d’arts plastiques, puis de lettres, Véronique Pot commence sa carrière comme professeure de français langue étrangère (FLE) dans un lycée professionnel, à Gennevilliers (Hauts-de-Seine). « Je travaillais avec des jeunes qui venaient de partout : du Cap Vert, de la Corée, du Sri Lanka ou d’Amérique Latine. Ça faisait des classes détonantes ! Ces deux années ont été chouettes mais je ne souhaitais pas apprendre le français, je voulais l’enseigner. » S’ensuivent plusieurs années dans des collèges de banlieue parisienne, avant une mutation en Indre-et-Loire, en 2013. « Nous avions visité quelques villes de province. En voyant la guinguette, je suis tombée amoureuse de l’endroit et cela m’a donné envie de venir ici. Nous avons beaucoup hésité avec Lyon (Rhône) mais nous sommes très heureux d’être à Tours », rapporte-t-elle.

Un extrait de la BD « Le renard, le corbeau et tous leurs potos », écrite et illustrée par Véropée. (Crédit : Véropée)

« L’impression d’avoir quitté le bateau »

Des années de bonheur dans l’enseignement donc, qui se sont arrêtées au profit du dessin. Un choix qu’elle ne regrette pas mais qui la fait parfois culpabiliser. « J’ai l’impression d’avoir quitté le bateau, un métier qui était fait pour moi. Mais, tel quel, il n’est plus praticable », assure-t-elle. Et de poursuivre : « Je m’en veux aussi parfois car je suis passée du côté des livres alors que j’ai fréquenté des gens qui n’en avaient jamais lus. Il est donc important pour moi de continuer à aller vers eux. »

Comme dans son ancien métier, la transmission reste essentielle pour Véropée. Elle intervient désormais dans des établissements scolaires pour proposer des ateliers BD. La dessinatrice explique son travail aux élèves et leur révèle les coulisses de la fabrication d’un livre. Ils doivent ensuite créer un strip (une bande dessinée de quelques cases), sur un thème prédéfini, comme le quotidien, le harcèlement ou les grands classiques. « La BD les renvoie à quelque chose de moins scolaire. Je veux leur montrer ce plaisir qu’il peut y avoir à être dans la création et qu’ils prennent ce temps où ils ne font rien d’autre. J’insiste sur le fait qu’il n’est pas nécessaire de savoir dessiner, que l’on peut être dans quelque chose de symbolique. Cela les désinhibe. Ça les valorise de parvenir à créer quelque chose d A à Z, qui peut être lu par quelqu’un d’autre. »

En arrêtant l’enseignement pour se consacrer au dessin, Véronique Pot a dû diversifier son activité. Elle donne donc également des cours de scénario à l’école Brassart, à Tours, et écrit et dessine pour la presse jeunesse notamment, pour des journaux comme Fritz ou L’éléphant junior, le plus souvent dans les rubriques culture. Une diversification obligatoire pour celle qui ne se voit pas faire uniquement de la création. « Quand je me suis arrêtée d’enseigner, je n’avais pas mille plans B et je ne voulais pas faire uniquement de la BD, reconnaît-elle. La première année, ça n’a pas été évident. J’ai dû me diversifier, ce qui me fait vivre correctement. Mais je ne fais que des choses qui me plaisent. »

Des joies et des désillusions  

Car la vie d’artiste indépendante est loin d’être un long fleuve tranquille. Trouver l’idée qui va plaire, attendre la sortie d’un ouvrage, s’exposer aux critiques… « Le plus dur est de trouver la bonne idée. Nous lançons des sondes aux éditeurs mais peu aboutissent. C’est le jeu de la création, admet Véropée. Il y a un côté frustrant mais les projets qui aboutissent sont souvent ceux qui nous animent le plus profondément. Il faut aussi accepter que, parfois, certaines choses ne marchent pas. » Comme sa dernière BD, sortie en 2022, qui n’a pas eu le succès attendu. « Nous avons un mois pour qu’une BD fonctionne. Après, c’est foutu. Ce qui m’a aidée, c’est de me rendre compte que la deuxième continuait de bien marcher mais c’est dur de garder la foi. La vie d’artiste indépendant est faite de haut et de bas. C’est parfois difficile de se relancer mais j’ai des choses à dire, il faut garder la confiance », affirme-t-elle.

Loin de baisser les bras, Véronique Pot sera en résidence à Blois (Loir-et-Cher), pendant quinze jours cet été, avec la maison de la BD. Pour la suite, la dessinatrice fourmille déjà d’idées. Elle pense notamment réaliser des portraits d’élèves, faire quelque chose avec ses chroniques postées sur les réseaux sociaux ou écrire une BD autour de la rando-vélo, un thème qui lui parle particulièrement. « J’aime bien tous les trucs itinérants, où l’on part avec le duvet et la tente. Même si ce n’est qu’en France, c’est ce qui me dépayse le plus. J’adore être en contact avec la nature », précise-t-elle. Elle imagine également un livre autour des professeurs. « C’est un sujet qui m’anime car les gens pensent connaître le métier mais c’est différent lorsque l’on est derrière le bureau. » Lorsque l’un de ses projets sera validé et prêt, la Tourangelle n’aura plus qu’à attendre sa publication, avec tout le stress que cela génère. « Quand le livre sort, nous sommes mal ! (Rires) Nous attendons les premières critiques, les premières ventes. Nous nous demandons comment il va être reçu, ce que les lecteurs vont en comprendre. Ce n’est pas évident de laisser son bébé au monde ! »

Un degré en plus

En savoir plus sur le travail de Véropée : veropee.ultra-book.com ; Facebook : Véropée.

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