Un jeune Ephèbe en Amérique

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Axel en Amérique

Axel a rapporté des images et des souvenirs de cette petite tournée américaine 100 % artisanale. Il nous livre ici son récit, dans un style très «Roadie», sublime magazine papier qui semble malheureusement avoir disparu après une poignée de numéros (qu’on ne vendrait pour rien au monde). Une bien belle vadrouille avec plein de gens qui donnent une image rassurante de l’Amérique de 2016.

«Rêver des Etats-Unis est assez commun je crois chez nous, jeunes gens biberonnés à la culture US. On se projette dans ces lieux célèbres et différents qui nous paraissent magiques, démesurés. J’entretenais ce fantasme depuis longtemps.

Puisqu’en France je ne suis personne si on parle musique, tenter quelques dates là-bas ne devait pas être bien plus difficile qu’ici. Ce fut en tout cas très différent. Tout seul sur scène pour la première fois de ma vie, avec un ordinateur et deux trois contrôleurs, je voulais vivre le truc à l’arrache et je savais très bien que j’allais me prendre des râteaux.

On m’avait dit « Aux Etats-Unis tout le monde s’en fout, il est très facile de choper une date même avec un quart d’heure de set ». Encore faut-il savoir où aller. Je n’y connais personne, je n’ai jamais mis un pied sur le sol américain. J’envoie des dizaines de messages à tous les petits bars que je trouve sur Google. Avec le salaire de mon job d’été je planifie le voyage suivant : New York, Washington D.C, Miami, La Nouvelle-Orléans, Las Vegas, Los Angeles et San Francisco.

L’idée est de dormir chez l’habitant, mon budget m’y oblige puis c’est bien plus intéressant. J’utilise Couchsurfing, selon moi le meilleur réseau social, si on peut l’appeler ainsi, qui ait jamais existé. A l’inverse de Facebook, Twitter ou autres, on passe peu de temps sur Couchsurfing. C’est un réseau où l’on demande simplement à un ou une inconnu(e) si on peut dormir chez lui/elle, et ce sans aucune contrepartie sauf celle de partager quelques jours de notre vie.

J’arrive à New-York en pleine nuit, pour moi il est 8 heures du matin. Je chope un bus qui m’emmène dans Manhattan et rejoins Jeff, le mec qui doit m’héberger pendant 6 jours. Après une nuit blanche trop longue à décrire ici, à squatter en secret l’appart d’un vieux à Greenwhich Village, je découvre Manhattan au matin, épuisé, n’ayant pas dormi depuis plus de 24 heures.

Jeff habite une chambre minuscule à Brooklyn et nous devons partager le même lit. On va partout, des lieux touristiques aux clubs les plus perchés. C’est un gars de sa génération, toujours en train de skyper même quand il me parle et croyant dur comme fer en la théorie du complot. Un gars adorable.

Après plusieurs jours à appréhender ce gros monstre qu’est New York, le premier concert du voyage a lieu au Rockwood Music Hall du côté de East Village. Le club est une salle de jazz. J’ignore vraiment pourquoi ils m’ont programmé. Je joue vers minuit devant une vingtaine de personnes éméchées et le concert est très cool. Les gens dansent, me regardent à peine, se laissent attraper par la musique. Cela me procure un sentiment de délivrance sur scène, je peux jouer à peu près ce que je veux sans l’avoir vraiment préparé. Je me rends compte que l’image du musicien français en vadrouille plaît beaucoup aux américains.

1Une inconnue à Chinatown
2Avec Jeff au This n’ That (club qui aurait fermé depuis)

Je pars pour Washington. Je dois y retrouver El, un Indonésien qui m’héberge au pied levé. Il est lui même à D.C depuis seulement 3 semaines. Je débarque dans une baraque à plus d’une heure de route de la capitale. Plusieurs familles indonésiennes y habitent et passent littéralement leur temps à faire des karaokés. La baraque est infestée de cafards, jusque dans les lits. Je dois également partager le lit de El. Comme souvent avec Couchsurfing ils sont adorables et hyper intéressés par à peu près tout.

Je fais un concert le soir même de mon arrivée au Electric Maid. Ils m’ont annoncé sur leur programme comme un artiste de cabaret, ce qui me fait beaucoup rire. Après deux heures de métro avec mon matos sur le dos je trouve enfin la salle. Elle sent le moisi. J’y retrouve un vieux qui m’attend assis sur un canapé. Il m’explique que le groupe qui devait jouer avec moi ne viendra pas et que, par conséquent, il n’y aura sans doute pas de public. Je ne comprends rien à ce qu’il me dit, il a un accent louche et n’articule pas. Il est attachant et a l’air désolé de me voir ici. Cela me fait sourire, ce genre de plan était inévitable et j’en avais même envie. Un autre petit vieux vient pour faire le son et manque de me tuer avec plusieurs larsens. Je finis par jouer devant eux deux et une fille qui passait par là, sans doutes attirée par la musique. Entre chaque chanson on cause, et ces mecs sont bien plus ouverts que beaucoup de gens avec lesquels j’ai pu causer musique. Ils essaient de me brancher avec la fille, mais c’est raté.

N’ayant pas trop aimé Washington, ville trop propre et lisse en surface, je prends l’avion pour Miami. Je dois y retrouver du monde avec qui j’ai échangé sur Couchsurfing : Ruben et toute sa bande de potes. Ma rencontre avec eux va changer le cours du voyage. Ruben est dans l’impossibilité de me trouver un hébergement alors qu’il l’avait promis, aucun problème de mon côté, mais il décide de me payer un Airbnb… Depuis plusieurs semaines je suis programmé à une soirée de son collectif Mean Pugging. Des gars et des filles inconnus chez eux, qui se foutent du genre de musique qu’ils jouent, le genre hyperactif qui fait 4000 trucs à la fois et qui a tout le temps quelque chose à raconter. Ruben a un cœur énorme. Dès mon arrivée on prend la voiture et visite Miami Beach, le rap à fond dans la caisse, comme dans les films. Le premier soir à Miami mon père me rejoint pour partager un bout du trip avec moi jusqu’à la Nouvelle-Orléans.

On passe notre deuxième soirée dans un club de hip hop, le Coyo Taco, caché derrière un fast food mexicain dans le quartier Wynwood. Tout le monde fume sa weed là-dedans. On finit à pas d’heure et sur le chemin du retour, on se fait arrêter par les flics. Je finis plaqué contre un capot. Ils nous expliquent qu’ils croyaient m’avoir vu en train de cacher de la drogue dans le siège arrière de notre voiture. Le troisième soir je joue pour leur soirée « Miami Paradise » au Made At the Citadel, sorte de grande baraque vide. Deux artistes locaux jouent juste avant moi, ils sont super intéressants. Je joue à une heure du matin, mon set plaît bien. Je quitte Miami en pleine nuit, avec regrets, le son à fond dans la caisse, avec mon père, direction La Nouvelle-Orléans.

3A la sortie du « Coyo Taco »
4Avec l’équipe de Mean Pugging devant « Made At The Citadel »

Suite à cette nouvelle nuit blanche, je m’endors sur un canapé en attendant que la chambre de notre hôtel se libère. La Nouvelle-Orléans est une ville grouillante de vie même si je n’y vois presque que le quartier français, qui reste sans doute très touristique. La ville pue le poisson, chaque soir les gens sont bourrés dans les rues, envahies par la musique. Principalement du blues, de la soul, les grands classiques américains. J’improvise Summertime avec des musiciens dans un café et une lady complètement arrachée me prend le micro pour brailler. C’est un moment très drôle.

Je quitte mon père et la Nouvelle-Orléans pour Las Vegas. Survol du désert du Nevada et apparition de cette ville au beau milieu de nulle part. Je prends le mauvais bus et me rends à l’autre bout de Vegas. Je m’y perds pendant deux heures. Je rejoins John chez qui je dors. Un gars totalement perché qui travaille au Venetian, immense casino dans lequel ils ont tenté de recréer Venise. C’est complètement irréel. A Las Vegas presque tous les clubs sont ouverts à toute heure. On sort la nuit, on va sur le strip (le boulevard où sont réunis tous les casinos connus de Vegas), dans des clubs gays. Je n’aime pas l’ambiance de la ville, factice, finalement assez oppressante. Les lumières grossières, le déluge d’argent… Je joue un unique dollar au casino alors que John, qui a ses machines à sous préférées tatouées sur les bras, en dépense 60 d’un coup et perd tout à chaque fois. Quasiment chaque soir il est drogué à la MD ou au GHB. C’est un gars extrêmement généreux, qui parle tout le temps et divague dans des délires mystiques et philosophiques que j’adore partager avec lui. L’après-midi je reste chez lui, je ne sors pas. La ville, parc d’attractions à ciel ouvert, est déprimante la journée. La plupart de mes expériences là-bas paraissent virtuelles. Dernier soir, je vais jouer à une fête privée chez un type en banlieue qui a installé dans son salon des enceintes énormes et des lumières, histoire de récréer l’ambiance club omniprésente à Vegas.

5Le désert du Nevada, en route pour Los Angeles

Je quitte John et prends le bus pour Los Angeles. J’y rejoins Christian, un pote de Ruben (le gars de Miami). C’est une des rencontres les plus marquantes du voyage. Le mec vient de Floride et espère percer en musique à Los Angeles. On se rejoint sur chaque chose qu’on évoque, sur notre vision du monde. On passe nos soirées dans des clubs grunge, sur le toit d’un immeuble en centre ville et je passe mes après-midi à flâner sur Hollywood Boulevard ou à grimper les collines. Le dernier concert du voyage a lieu au The Short Stop et c’est sans aucun doute le meilleur concert de la tournée. C’est un club dans lequel on trouve un public hyper varié, des looks queer, des looks gangsta. C’est une soirée gay dans un club hétéro avec un show de drag queens et des sons qui vont de Phil Collins à Dr. Dre. Je n’étais initialement pas prévu à cette soirée, alors je m’incruste et ne peut jouer que trois morceaux. Dès les premières notes les gens lèvent haut les bras, gueulent et sont complètement avec moi. C’est l’un des meilleurs moments qui m’ont été donnés de vivre sur scène.

6 Los Angeles – Santa Monica Beach
7Au « The Short Stop » juste avant le concert
8  Avec l’équipe de « The Cafeteria »
9
Avec Christian au « The Short Stop »

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Je regrette de partir de Los Angeles, je fais un long trajet pour San Francisco en bus. Je n’y trouve aucun endroit pour jouer alors qu’il y en a un peu partout. Je passe mes journées à traîner seul dans différents coins de la ville, au Castro, à Twin Peaks, du côté du Golden Gate. Je dors chez un prof à Oakland, dans la baie de San Francisco. A cette période c’est le « Folsom Street », un grand rassemblement sado-maso en pleine rue. C’est le truc le plus inhabituel que j’aie pu voir en me baladant. Je passe ma dernière nuit chez Steve, un pote de Christian, lui-même pote de Ruben. C’est gens là sont des saints. Je vis le débat Trump-Clinton en direct à la télé dans un bar la veille de mon départ pour Paris. Sur le retour je ne dors pas, je n’arrive pas à assimiler tous ces souvenirs qui n’en sont pas encore. Il y a des aurores boréales par la fenêtre de l’avion, ce qui me fascine totalement.

J’entame la dernière nuit blanche du voyage. J’essaie de ne pas oublier toutes les nombreuses petites choses que j’ai vécues et que je n’ai pas écrites ici, que je n’ai pas dites, qu’on n’arrive pas trop à saisir lorsqu’on voyage. Et j’ai déjà envie de prendre mon sac, mon ordi et de me barrer, aller jouer ailleurs. Voir de nouveaux visages et presque aussitôt les quitter.»

11The Golden Gate Park à San Francisco

Crédits photos : Axel Nadeau

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