Pas ou peu de concerts cet été, des festivals réduits au strict minimum et des artistes en panne de prestations. La crise du coronavirus donne un coup de grisou terrible au monde culturel qui ne s’attend même pas à une reprise normale à l’automne. Ne reste qu’à innover pour aller chercher le public là où il se trouve. C’est le pari de Roland Bernard, l’ex-bassiste d’As de Trèfle reconverti dans le ukulélé à domicile.
C’était le 20 juin, à la veille de la Fête de la Musique : une petite scène posée sur l’herbe, un barbecue et des enfants qui dansent. Roland Bernard joue dans un jardin. Du Brassens, du Gainsbourg, Britney Spears ou System of a Down. Il est seul avec son instrument, ses machines pour créer des boucles musicales, sa sono et ses lumières. Roland multiplie les reprises au ukulélé directement chez les gens et il a bien l’intention de faire durer le plaisir tout l’été.
« J’ai eu mon premier ukulélé en 2013 et depuis j’ai délaissé ma guitare au profit de cet instrument. C’est pratique parce qu’on peut l’emmener partout et il y a une vraie communauté autour de lui » raconte l’artiste qui se souvient par exemple du grand nombre de concerts improvisés en Asie pendant ses trois ans d’itinérance, de la fin d’As de Trèfle en 2015 à son retour dans nos contrées en 2018 : « Je suis parti avec mon ukulélé et ma copine avec son violon. On s’est produit dans tous les lieux possibles. Le truc que je préfère pour jouer c’est tout sauf une scène. »
« Pour l’instant la culture est culture est clairement mise de côté »
En ce moment, Roland n’a pas trop le choix : à quelques exceptions près les scènes restent silencieuses. Dommage, il avait un été bien rempli : « Pas mal de dates calées dans les bars ou les festivals. J’avais réussi à obtenir mon dossier d’intermittence au bout d’un an et demi, cette année s’annonçait bien… mais d’un coup tout s’est annulé. Ça fait un peu mal. » Reste peut-être un concert à la guinguette de Saint-Avertin le 14 août si la situation sanitaire le permet. En revanche un passage prévu le 20 à Poitiers vient tout juste de s’annuler :
« Je ne m’inquiète pas trop car je trouverais toujours 2-3 trucs à droite à gauche. Comme je suis tout seul, les prestations sont moins chères. Mais les groupes qui ont de vraies tournées de calées ça va être très compliqué. Plein de petits lieux risquent de mourir et ceux qui vont rester auront de gros soucis financiers. L’avenir me parait plutôt noir : ce serait bien qu’on ait un vrai discours du gouvernement car pour l’instant la culture est clairement mise de côté. »
En attendant des jours meilleurs, le musicien se la joue en mode débrouille. Pour cause de bébé de 20 mois à la maison, son confinement a été bien occupé mais il en a profité pour publier quelques lives depuis son garage. Maintenant, le voici ravi de pouvoir en sortir et de débarquer chez les gens avec son Ukuloops Band, autrement dit les machines qui l’accompagnent. « J’ai environ 1h d’installation » raconte-t-il. Un travail compensé par 2-3h de live avant et après le repas. Les plus grands tubes y passent, « uniquement des chansons que j’aime », et éventuellement des titres bossés exprès pour qui l’accueille : « L’autre jour je savais que la personne était fan d’Elmer Food Beat. C’est avec eux que j’ai appris la guitare il y a 25 ans. J’en ai bossé une dizaine au ukulélé et je vais en garder 2-3 pour le set. »
Un album au ukulélé à venir ?
« Le but c’est d’expérimenter les possibilités avec ma configuration » disserte encore Roland Bernard qui « rajoute des idées à chaque concert. » Prochain défi : ajoute run ukulélé basse à sa panoplie. Pour étendre ses compétences, il mate YouTube où la communauté autour de cet instrument semble sans limite (obligé, tous les grands tubes ont au moins été repris une fois avec). Mais pourquoi tant d’amour ? « On apprend facilement. On peut vite s’amuser sans être un grand musicien, on peut jouer n’importe où. Je le conseille à tous les gens qui veulent faire de la musique. » Charge ensuite à chacune et à chacun de bosser pour progresser et aller plus loin comme un bootleg Daft Punk / Pink Floyd ou – plus surprenant – Patrick Bruel Tryo.
« J’essaie des trucs, je me fais plaisir » glisse le musicien malicieux qui sortira peut-être un album un jour. Quand ? Ouh là… « Je suis toujours très lent, je prends mon temps » répond-il.
Un degré en plus :
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