Région Centre-Val de Loire : 250 identités, couchées sur papier

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La région Centre (Val de Loire) existe : nous l’avons -enfin- rencontrée ! Sous la forme d’un ouvrage de 500 pages, découpé en 250 séquences et 300 illustrations, archives de presse, cartes postales, affiches publicitaires… Du travail universitaire sérieux, documenté, mais à la portée de tous, qu’il soit habitant ou visiteur. Ecrit par 116 contributeurs, cet ouvrage « collectif » n’est pas un inventaire du patrimoine régional dont on connait la richesse incomparable, châteaux de La Loire, cathédrale de Chartres et de Bourges, abbaye de Noirlac…ce serait plutôt un inventaire à la Prévert, le loufoque en moins.

Avec des mots-clés qui ouvrent sur des tranches de vie et d’histoire. La vinaigrerie c’est Dessaux à Orléans, à la fois producteur de vinaigre et quartier, le chemin de fer c’est le Paris-Orléans première compagnie (privée !), Yves Montand c’est Police Python…Jacques Coeur à Bourges c’est son Palais, Jean Moulin sa Préfecture, Mame à Tours l’imprimerie…En feuilletant ces 250 instantanés, ces 250 “papiers” d’identité, le lecteur a  l’impression de lire des journaux ou des chroniques d’époque, de la rubrique politique à la vie culturelle, de la chronique d’humeur, aux faits divers.

« Le patrimoine naturel et culturel régional a suscité de nombreux travaux savants et universitaires sur les territoires du Berry, de l’Orléanais et de la Touraine. Le moment était venu de les synthétiser et d’en faire bénéficier le plus large public en une sorte d’abécédaire amoureux et critique », explique Pierre Allorant à l’origine de ce projet un peu fou dont le résultat est inespéré. Le chapitre « moments » joue à saute –moutons entre les siècles, en passant allègrement de la honteuse poignée de main de Montoire entre Hitler et Pétain à la rumeur d’Orléans en  passant par l’assassinat du Duc de Guise, l’affaire Stavisky et l’arrestation des quatre d’Action directe à Vitry-aux-Loges.

116 auteurs en quête d’une région

C’est une somme de lieux, de personnages et de moments. Mais traités à l’aune d’un environnement régional récurrent, sans le politiquement correct habituel comme cette notice sur « Tours-Orléans la concurrence », le raffinage du sucre à Orléans, l’usine Hutchinson de Montargis et ses révolutionnaires chinois, les origines du quartier le Sanitas à Tours, le vrai centre de la France qui vit s’affronter des villages du Cher comme Bruère-Alichamps ou Dun sur Auron.

Avec humour Pierre Allorant, lors de la présentation de l’ouvrage au Conseil régional devant une partie des 116 auteurs, des universitaires, des historiens, des politiques, des journalistes, a évoqué ces frictions qui fâchent, et  aujourd’hui encore  en région : « comment ne pas aimer un ouvrage qui a su réconcilier les médaillons de la fac de médecine de Tours et les glorieux juristes orléanais ? Où l’Indre et le Cher ont – déjà – laissé place à un article unique Berry ? Où Jean Moulin et Pierre Sudreau viennent laver l’honneur du corps préfectoral sans faire oublier les actes irréparables de Maurice Papon ? Il y a même, vous aurez du mal à y croire, des trains qui circulent et des projets ferroviaires qui aboutissent. ». L’ouvrage ne dissimule pas non plus les plantages comme l’aérotrain dont le « rail » balafre toujours la Beauce au nord d’Orléans, où la « métropole jardin » des aménageurs de la DATAR des années 80 qui croyaient naïvement que Tours Blois et Orléans pourraient un jour faire bon ménage.

La parité en moins

Malgré George Sand et sa belle maison de Nohant, Olympia Cormier, Colette et Diane de Poitiers, la parité est loin d’y être. Le doyen de la fac de Droit constate lucidement : « malgré l’étendue de nos pouvoirs d’investigation, il a été impossible de convaincre l’Eglise catholique, l’Armée, l’Administration de féminiser a posteriori les rangs des préfets, chefs militaires et évêques, de La Guerre des Gaules au gouvernement de Gaulle de la Libération, et même parmi les maires de grandes villes et les présidents de région, chercher la femme s’est révélé une quête vaine. ».

La galerie de personnages plus ou moins célèbres des Demoiselles Tatin à Lamotte Beuvron à Jean Tschumi l’architecte de Famar et du Lab’O, tante Léonie à Illiers-Combray, Colette à Châtillon-Coligny, Alain Fournier à La Chapelle d’Angillon, Michel Debré à Amboise, Jean Royer emblématique maire de Tours, Roger Secrétain, celui d’Orléans et Pierre Sudreau celui de Blois, brossent ce portrait régional attachant à travers la gastronomie, la littérature, l’architecture, la politique… Le lecteur régional pourra y dénicher des « monuments » moins courus que Chenonceau ou Chambord, comme l’imprimerie Mame à Tours, l’Hôtel Dieu de Maillé-Luynes, les établissements militaires de Bourges qui racontent l’Histoire industrielle et politique d’une ville longtemps administre par le PC, le couvent des Cordeliers de Châteauroux, la ligne de Démarcation qui fait surgir l ’occupation, puis l’assassinat des 36 juifs du Puits de Guerry à l’été 44.

L’histoire contemporaine n’est pas oubliée

Un inventaire d’une région-mosaïque où le contemporain n’est pas oublié, comme les Rendez-vous de l’histoire à Blois, le Printemps de Bourges, les fêtes musicales de Touraine, le cheval et l’Equitation à Lamotte Beuvron…La chasse en Sologne y a sa place, tout comme l’agriculture en Beauce.

Depuis des lustres, les politiques,  comme l’a souligné Anne Besnier vice-présidente de la Région à l’Enseignement supérieur et à l Recherche, sont « à la recherche d’une identité ». Ils ont fait semblant de la trouver en épiçant son  nom initial, Centre, parfaitement banal et complètement flou, d’un Val de Loire, un fiasco en terme de communication parce que bien trop long à l’heure des écritures numériques.

Au moment où nous travaillons sur la Renaissance, « ce travail sur la mémoire était nécessaire », a encore dit Anne Besnier, « bien plus qu’un dictionnaire c’est un guide ». D’Anet aux franges franciliennes, à Argenton-sur-Creuse aux frontières du Limousin, tous les enfonceurs de portes ouvertes répètent à satiété que cette Région administrative n’a pas d’identité. Elle a au moins une Histoire et des histoires qui font de ce livre « 250, lieux personnages, moments » un outil indispensable et parfois talentueux, pour tout citoyen éclairé de cette région Centre-Val de Loire, qu’ici nous  appellerons désormais CVL.

« Faire un livre qui irrigue le territoire », c’est l’objectif de Samuel Leturcq, l’éditeur, des Presses universitaires François Rabelais, qui a eu le mérite de reprendre le projet après le forfait de maisons d’édition nationales. Pour « aller dans les villages, au plus proche des habitants, l’ouvrage, tiré à 6 500 exemplaires », bénéficiera du réseau des deux groupes de la presse papier  qui se partagent les six départements de la Région, celui de la Nouvelle République du Centre-ouest et celui de Centre-France. Sa place serait aussi précieuse dans les CDI des lycées et des collèges et bien sûr dans les antennes universitaires.

Ch.B

  • 250 lieux, personnages, moments. Patrimoine en Beauce, Berry, Gâtinais, Perche Sologne, Touraine, sous la direction de Pierre Allorant, Jean Garrigues et Alexandre Borelle. Dans les librairies et les dépôts de presse. 500 pages 19,90€.

 

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