Regards #76 « Lola et ses frères » & « Les veuves »

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Dans Regards, retrouvez l’avis de Stéphanie Joye sur quelques films à l’affiche dans les cinémas tourangeaux. Histoire de vous donner envie, à votre tour, d’aller passer un moment dans les salles obscures.


Lola et ses frères (Comédie dramatique française)

De Jean-Paul Rouve

Avec Jean-Paul Rouve, José Garcia, Ludivine Sagnier, Ramzy Bedia, Pauline Clément

Scénario coécrit avec le romancier David Foenkinos

Nous sommes à Angoulême. Benoit, 50 ans, opticien à la vie tranquille, se marie (c’est sa troisième fois). Dépité, il attend, et attend encore, encore, son petit frère, Pierre, retenu par son travail (il est ingénieur en démolition d’immeubles). Lola, leur sœur cadette, une jeune avocate célibataire, elle, est bien là. Lorsqu’ils sont enfin réunis, Pierre, pris au dépourvu à la table des mariés, doit prononcer un discours, qui se veut alors quelque peu indélicat et gaffeur, ce qui crée le malaise. Sarah, la jeune mariée ingénue, un peu nunuche, ne veut plus le voir. Lola et ses frères se retrouvent devant la tombe de leurs parents (décédés 30 ans plus tôt) pour se livrer leurs petits bobos, s’engueuler, se serrer les coudes … Mais se disent-ils tout ? Car, comme dans la plupart des familles, des petits et grands secrets sont bien gardés. Et il faudrait pourtant bien délier les langues …

Au départ, deux tours s’effondrent, telles les Twin Towers, entraînant des dégâts : une large fissure se creuse à la fondation d’une structure voisine, vieille d’il y a plus de 60 ans. Accusé de faute professionnelle, Pierre perd son emploi et ne parvient pas à faire revenir son ex-compagne : sa vie s’écroule, comme ces deux tours. La symbolique du début est à la fois très simple et très forte, car son impact visuel marque aussitôt les esprits. Cette entaille à la base du mur, c’est celle qui est en chacun de nos trois protagonistes. Et il va falloir que ceux-ci construisent. Pierre, son avenir professionnel, Benoit, une famille (la paternité le fait fuir), et Lola, une histoire d’amour naissante avec un client fraîchement divorcé dont elle a traité l’affaire (Zoher, délicatement interprété par un Ramzi Bedia ultra tendre). Pierre (José Garcia, très émouvant), Benoit (Jean-Paul Rouve, sensible et lunaire) et Lola (Ludivine Sagnier, délicate et lumineuse) se chahutent mais s’aiment fort. Le triangle fraternel, complice, soudé, est d’une justesse et d’une sincérité profondément humaine et touchante. Jean-Paul Rouve réussit un quatrième film (après Sans arme ni haine ni violence, Quand je serai petit et Les Souvenirs) aussi drôle qu’émouvant et attachant, sans temps morts, aux dialogues drôles et savoureux. Les petits mensonges du quotidien rythment cette chronique familiale douce-amère élégante et délicate. On est attendri par le côté petit enfant des deux frères, un peu maternés par leur petite sœur, finalement la plus adulte des trois. Tout en fluidité, humblement et sans jugement, le film traite donc de nombreux thèmes qui touchent à la vie de tout un chacun et à la famille : l’amour, la séparation, la parentalité, le travail, la perte d’un emploi. Le tout avec sobriété et légèreté absolues. Mais aussi avec énormément d’affection. Lola et ses frères est vraiment un petit bijou de film. Il réchauffe le cœur et fait passer un moment de grâce. Il faut le voir, absolument.

Un film à l’affiche dans les cinémas CGR de l’agglomération (toutes les informations utiles sur leur site internet).


Les veuves (Widows) (Drame, thriller britannique, américain)

De Steven Rodney McQueen

Avec Viola DavisMichelle RodriguezElizabeth Debicki, Cynthia Erivo, Colin Farrell, Liam Neeson

Elles sont quatre femmes. Quatre veuves qui ne se connaissent pas, et qui ne savaient rien des actions que menaient leurs maris. Ceux-ci ont péri dans un fourgon qui a explosé suite à leur braquage raté. Veronica, veuve de Harry Rawlins, le chef de file, est menacée : elle a un mois pour restituer les deux millions de dollars (envolés en fumée) que ce dernier devait à une bande de malfrats assassins du camp adverse. Un précieux carnet lui livre plans et indices pour commettre un nouveau casse qui était prévu. C’est sa seule chance pour livrer la somme. Elle va alors à la rencontre des veuves et monte une équipe de braqueuses déterminées.

Quatre ans après son Oscar pour 12 years a slave, le cinéaste anglais Steven Rodney McQueen (dit Steve McQueen) revient avec un bon film de gang façon girl-power dans un monde d’hommes minables et manipulateurs. Son polar est adapté d’une série britannique qu’il regardait adolescent dans les années 80. Il transpose l’histoire dans une circonscription de Chicago, de nos jours. Sous fond de thriller à suspense, il dépeint, d’une part, une société américaine fragile au cœur d’une ville corrompue régie par des politicards véreux et obsédés par le fric. D’autre part, l’ultra violence des blancs, des noirs, de la police, le banditisme et la vente d’armes si aisée aux Etats-Unis. Et puis, un drame intime dans lequel des femmes s’unissent avec courage pour combattre la lâcheté, le machisme et le pouvoir abusif des hommes. Une approche ultra féministe, en somme. Pour ce faire, le scénario retors de Mc Queen repose sur une intrigue prenante, divertissante et efficace. Il conjugue action, violence et émotion. Il met en avant la rivalité des familles politiques (mandats électoraux de père en fils), la pègre à la traque du butin, une société inégalitaire, et le racisme. Mais Mc Queen veut trop en dire et emberlificote la psychologie (pas assez creusée) de ses personnages féminins (à noter que l’alliance des quatre femmes ne dure que le temps d’un casse et de sa préparation, et, comme le dit Veronica : « si ça tourne mal, ce sera chacun pour soi »). A la limite, celle des salauds l’est davantage. Le réalisateur assume pourtant pleinement son ode au féminisme, et, au-delà encore, son film se veut profondément politique. En outre, étant un artiste plasticien, il offre des effets visuels magnifiques (image, cadrage, esthétisme) qui participent à la singularité du film, peut-être plus que tous les autres intérêts que présente, finalement, ce dernier.

Un film à l’affiche aux Cinémas Studio (Toutes les informations utiles sur leur site internet).

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