Regards #69 « Girl » et « L’amour flou »

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Dans Regards, retrouvez l’avis de Stéphanie Joye sur quelques films à l’affiche dans les cinémas tourangeaux. Histoire de vous donner envie, à votre tour, d’aller passer un moment dans les salles obscures.


Girl (Drame belge)

De Lukas Dhont

Avec Victor Polster et Arieh Worthalter

Prix de la Caméra d’or et prix d’interprétation masculine Un certain regard, Cannes 2018

Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs

Lara, une adolescente de 15 ans, est née Victor, garçon. Elle se plie à une discipline de fer pour réussir une carrière de danseuse étoile autant qu’elle malmène son corps pour le rendre différent. Vivant avec son petit frère de six ans et son père aimant qui l’aide dans son souhait de transformation radicale, elle a besoin urgemment, viscéralement, d’être ce qu’elle est vraiment.

Ce premier film du réalisateur flamand Lukas Dhont est somptueux et est une vraie claque. On en sort bouleversé. Il aborde non seulement le sujet sensible de l’identité (transgenre), mais il décortique également ce qu’est la période charnière et confuse de l’adolescence telle une étude complexe, profonde et hyper précise, ainsi que l’art de la danse, où l’ambigüité comme la souffrance des corps raisonnent. Victor Polster, jeune danseur vraiment garçon dans la vie, livre une performance inoubliable, douce, puissante, époustouflante … : il émeut profondément. Sa crédibilité va au-delà des espérances du cinéaste : il incarne, il est incarné, à fleur de peau, vraiment fille dans son attitude et dans son regard, dans son corps complexé et en souffrance.

Ce portrait sensible montre la quête d’identité sexuelle et l’affirmation de soi grâce à la rage de réussir. Lara veut devenir ballerine et s’y obstine avec un perfectionnisme et un courage inouïs. Dans une intimité pudique, la caméra filme au plus serré Lara dans ce qu’elle observe d’elle-même. On est scotché par la beauté de ces scènes fortes qui révèlent tant de puissance émotionnelle qu’on en frissonne. L’introspection est retranscrite avec une minutie singulière et sincère, grâce à une mise en scène brillante. Etre, comment être est parfois injuste. « Girl » parle de l’acceptation de soi, tel que l’on est vraiment en soi, et, aussi, de l’acceptation des autres. Tout est question de regard dans le monde qui entoure Lara : regard de son père bienveillant et vigilant quant à son suivi médical (prise d’hormones et future opération), regard qu’elle porte sur l’innocence de son petit frère, regard sur la beauté de son univers de ballerine, et, enfin, regard des autres filles sur ce qu’elle est, et qu’elles savent.

La force de « Girl » est de traiter de son sujet identitaire sans entrer dans un débat sociétal qui, dans la réalité, n’avance malheureusement guère. Le film montre. Il montre un personnage transgenre de l’extérieur comme de l’intérieur, en évitant l’écueil du pathos. Il montre la difficulté de l’émancipation et la douleur de la solitude. Il montre l’injustice, qu’il n’y a pas de choix à l’état de nature, mais il rend lumineux les perspectives de transformations pour un être qui veut renaître. Avec retenue, de façon esthétique et épidermique, ce film éblouissant hante durablement.

Un film à l’affiche aux Cinémas Studio (Toutes les informations utiles sur leur site internet) et aussi dans les cinémas CGR de l’agglomération (toutes les informations utiles sur leur site internet).


L’amour flou (comédie française)

De Romane Bohringer, Philippe Rebbot

Avec Romane Bohringer, Philippe Rebbot, Rose Rebbot-Bohringer, Raoul Rebbot-Bohringer, Reda Kateb

Prix du Public au Festival du Film francophone d’Angoulême

Ils ne s’aiment plus, mais ils n’acceptent pas l’idée que leurs enfants ne puissent pas vivre sous le même toit que leurs deux parents. Alors Philippe et Romane, après dix années passées ensemble, décident de se séparer mais de trouver une solution pour ne pas s’éloigner l’un de l’autre. C’est alors qu’une opportunité de faire construire un « sépartement » (deux appartements distincts séparés par la chambre de leurs deux enfants) se présente à eux comme la meilleure des aubaines. Mais cette organisation n’est pas sans complexité, car il faut respecter la vie intime de l’autre, le chien de Philippe, chez qui de papa ou maman Rose et Raoul vont-ils choisir de manger les meilleures pastas de ce soir … Romane et Philippe détiennent-ils la clef de la réussite d’une séparation ? Comment se quitte-t-on lorsque l’on s’adore quand même, quand c’est l’amour flou ? Le film regorge de questionnements et de jolis délires.

Les acteurs Romane Bohringer et Philippe Rebbot forment vraiment « à la ville » un couple (et une famille) qui se sépare. Cette séparation, ils ont tous deux décidé de la mettre en scène, non pas dans un « documentaire », mais à travers une fiction autobiographique fantaisiste et pleine de joie de vivre, dans laquelle ils se laissent aller à l’improvisation après un long travail d’écriture. Ils ne sont plus amoureux, mais ils n’arrivent pas à ne plus vivre ensemble et à éclater leur foyer. Alors, dans cette histoire, ils ont trouvé cette solution saugrenue (ou de génie ?) que d’inventer leur « sépartement », un appart’ deux en un, chacun chez soi avec un espace enfants communiquant pour que ces derniers aillent et viennent à leur guise chez papa ou chez maman. En free style ! C’est plein de vie, drôle et optimiste malgré la touchante mélancolie planante. Toutes les scènes du film sont aussi douces et émouvantes que drôles et imaginatives. Que ce soit dans l’annonce de la séparation faite aux parents, frères et sœurs (authentiques), dans le personnage de Reda Kateb, ami passionné par les chiens et le vieux pote fumeur de chichon légèrement alcoolisé (les potes de Philippe), le couple de voisins homos en quête d’une mère porteuse, et les différents personnages d’amants/maîtresses qui traversent cette vie un peu en transit au fond, « L’amour flou » nous offre des scènes toutes mémorables et jouées par d’excellents acteurs. Il nous donne également une tendresse infinie, nous fait partager son trop plein d’amour, avec tant de sincérité et de pudeur … Et puis, avec son lâcher-prise, son naturel, ses scènes cocasses, son autodérision et son joyeux foutoir, « L’amour flou » fait un bien fou.

Un film à l’affiche aux Cinémas Studio (Toutes les informations utiles sur leur site internet)

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