A l’occasion de l’inauguration du Point Haut samedi, nous vous proposons de découvrir ou redécouvrir notre visite des lieux que nous avons fait en compagnie de Maud Le Floc’h du pOlau (à gauche ci-dessous) et Elsa Steward, chargée de com à Tour(s) Plus (à droite ci-dessous).
L’info est passée quasi-inaperçue, on a décidé qu’elle mérite de s’y arrêter : parmi 400 dossiers déposés, Tour(s) Plus a remporté le Grand Prix Cap’Com 2014 pour le Chantier Ouvert du Point Haut, nouveau lieu de création à Saint-Pierre-des-Corps, après un déjà excellent 3e prix en 2012 avec la campagne sur la réduction des déchets. Loin d’être de l’autocongratulation entre communicants institutionnels, ce prix national récompense un vrai travail de fond.
Nous avons rencontré les deux principaux artisans («principales artisanes» ?) de cette victoire : Maud Le Floc’h du pOlau (à gauche ci-dessous) et Elsa Steward, chargée de com à Tour(s) Plus (à droite ci-dessous).
CAP’COM, c’est quoi ?
Le 9 décembre dernier à Metz, les communicants de l’agglomération tourangelle – et à travers eux, les élus, les architectes, le graphiste et le photographe du projet – ont été récompensés par le réseau Cap’Com qui se définit ainsi :
Né en 1988, ce réseau national part du principe simple que «la communication est une dimension essentielle de l’action publique», ce qui la différencie notamment de la publicité qui, elle, cherche à vendre des produits ou services commerciaux payants, quand ce qu’on appelle la «com institutionnelle» sert à valoriser un service public, des actions tournées vers les citoyens ou à créer par exemple des campagnes de prévention.
Un Grand Prix qui fonctionne comment ?
L’idée de ce prix est double, il permet d’une part d’identifier et de mettre en avant de nouvelles tendances dans la communication publique et il permet de récompenser le travail d’une équipe, des élus et accessoirement si la campagne primée a été réalisée en externe – ce qui est le cas ici – un graphiste/illustrateur ou une agence de com.
«Le Grand prix est organisé en sept catégories : faire évoluer les comportements (civisme ou développement durable), animer le territoire, promouvoir le territoire, accompagner les projets et les chantiers, faire comprendre l’institution et communication interne.»
Le jury prend en compte de nombreux critères. Il ne suffit pas de faire de jolies plaquettes sur papier glacé vues par dix personnes pour gagner. La variété des supports, leur diffusion, l’organisation d’événements, la fréquentation de ces événements, les retombées presse et si le thème s’y prête, l’implication des citoyens et/ou de différents types d’acteurs locaux, sont autant d’éléments scrutés et pris en compte par le jury.
Le Point Haut : un projet pas facile «à vendre»
Situé à Saint-Pierre-des-Corps au milieu d’une ex-zone industrielle côtoyant une zone commerciale, porté par deux structures pas forcément connues du grand public local et n’ayant pas pour vocation d’accueillir du public, le Point Haut n’avait pas beaucoup d’atout pour attirer un intérêt pendant sa construction.
Pourtant, à regarder le verre à moitié plein (et c’est la première qualité d’un bon communicant), ce projet est situé au cœur de l’agglo, le quartier devient plus convivial au fur et à mesure des années avec une variété d’activités qui génère un brassage de population très riche (mur d’escalade, structure pour organiser des anniversaires d’enfants, banque alimentaire…). Il est ce que Maud Le Floc’h appelle «la ville connexe».
De plus en plus d’activités ont besoin d’un espace qui n’est plus disponible en centre ville, ou plus exploitable pour différentes contraintes comme le voisinage par exemple, ce qui du coup crée une dynamique périphérique dans lequel Le Point Haut s’inscrit.
Construit sur l’emplacement d’une friche où vit la Compagnie Off depuis 2001, cet ensemble a été conçu par l’agence Construire, habituée des friches culturelles (Lieu Unique à Nantes notamment). Côté inscription dans le paysage urbain tourangeau, il est une sorte de continuation du Point Zéro et son point rouge sur le toit se voit de très loin, s’imposant comme un repère de plus dans la silhouette de cette partie de l’agglo.
Un lieu d’accueil et de création, à rayonnement (inter)national
En 2007, le Pole des Arts Urbains (pOlau) naît d’une réorganisation de la Compagnie Off que Maud Le Floc’h, urbaniste de formation, quitte pour lancer cette nouvelle structure.
Le pOlau intervient sur deux plans :
- En tant qu’incubateur ou producteur de projets artistiques liés à l’aménagement du territoire.
- Au titre d’urbaniste spécialisé en stratégies culturelles auprès de commanditaires publics ou privés.
Quant à la Compagnie Off, pour faire court, c’est une compagnie de spectacles de rue qui dispose d’un lieu adapté pour concevoir et répéter ses créations. D’ailleurs, l’impressionnant volume du bâtiment principal a les dimensions d’un morceau de rue.
Des artistes, des porteurs de projets et des compagnies de l’extérieur vont être régulièrement reçus pour des créations qui, et c’est là que la communication peut être un peu raide, seront potentiellement jouées/montrées dans le monde entier, mais PAS forcément dans l’agglomération tourangelle… D’où la dimension nationale des choses et le soutien du pOlau par le Ministère de la Culture et de la Communication.
37e Parallèle + Point Haut = redondance ?
La question qui fâche est sur beaucoup de lèvres. En période de vaches maigres, qu’une agglo de cette taille se paie deux structures similaires inaugurées à quelques mois d’intervalle pour accueillir surtout des artistes en phase de création et très très accessoirement du public de temps en temps, peut engendrer des interrogations légitimes chez les contribuables. Dans le milieu culturel, on entend de plus ici et là que l’équipe sortante de Jean Germain a «offert» ces deux cadeaux à quelques acteurs culturels au détriment d’autres.
Enfin, on peut déplorer que toutes ces compagnies auraient pu s’entendre et se retrouver toutes au même endroit. Pourtant, historiquement, les résidents du 37e Parallèle viennent du Projet 244, alors que la Compagnie Off a développé son univers plutôt en solo depuis sa naissance il y a une trentaine d’années.
Les arts de la rue : un autre patrimoine tourangeau
A y regarder de près et au-delà de ces polémiques, les deux projets sont donc très différents et complémentaires et il s’agit très clairement d’un choix politique fort autour d’une spécialité tourangelle qui ne date pas d’hier : le spectacle de rue, qui a explosé dans les années 70 a toujours eu depuis lors de dignes représentants dans le coin.
«Personne ne trouverait à redire qu’il y a plusieurs musées ou plusieurs salles de concert, nous dit Elsa Steward, donc il ne me paraît pas choquant qu’il y ait deux lieux dédiés aux arts de la rue dans notre agglomération. Il y a un savoir faire propre à ce territoire, il est donc important de le soutenir par la construction de structures adaptées.»
Bon alors et cette fameuse com, alors ?
C’est d’abord un site internet qui annonce la couleur : ce projet commence par un chantier et un chantier, c’est déjà quelque chose à partager, alors allons-y (ça dure jusqu’en avril 2015).
L’identité visuelle et sa déclinaison sont l’œuvre du graphiste Thibaut Chignaguet et les visuels du photographe Monsieur J, tous deux locaux, un autre bon point pour le jury du prix Cap’Com.
Le principe de cette campagne, avec lequel l’architecte Patrick Bouchain est arrivé dans ses bagages, a été de créer un rendez-vous régulier avec des visites de chantiers et différents événements autour de la naissance d’un lieu nouveau (concerts, blog, projections, mapping, etc), invitant les riverains et les ouvriers à participer à différents aspects du projet, pour ne pas enfermer les ouvriers dans leur boulot d’un côté, les habitants hors du chantier traditionnellement «interdit au public» et les futurs locataires simplement en attente de la livraison dans leur coin. Tout le monde participe à ce moment unique dans la vie d’un lieu.
C’est cette approche globale, alliée à une charte graphique forte et un projet photographique percutant, qui a été récompensée.
Crédits photos : Laurent Geneix et Léonard de Serres