Michel Gressier, à ciel ouvert

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Originaire de Savoie se considérant aujourd’hui comme un véritable Tourangeau, Michel Gressier est plasticien du vent. Créateur des pavois du pont Wilson pendant de nombreuses années, il est aussi à l’origine de cerfs-volants originaux et colorés, qui lui ont valu de faire le tour du monde. Cet artiste, qui vit de sa passion d’adolescent, s’amuse depuis 43 ans et ne compte pas s’arrêter là. Rencontre.

Au fond d’une petite cour de l’Avenue André Maginot à Tours, se trouve un atelier haut en couleur. En y entrant, on découvre tissus, bobines de fils, maquettes accrochées au plafond, cerfs-volants et bien d’autres accessoires. Sur le grand plan de travail du milieu, Michel Gressier, lunettes sur le bout du nez et manches de sa chemise à carreaux retroussées, finalise les pavois commandés par la ville de Chambray-lès-Tours.


Michel Gressier
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Si le nom de cet artiste ne vous dit peut-être rien, vous connaissez pourtant son travail. Il a pendant longtemps habillé le pont Wilson, jusqu’en 2014 et le changement de municipalité. « Le fait que ça se soit arrêté, ça m’apporte finalement plus de bien que de mal. Au niveau du renouvellement, ça a été très bénéfique », assure-t-il.

Ce plasticien du vent de 63 ans est un passionné d’arts plastiques depuis son adolescence. « Quand j’avais 15 ans, je participais à un atelier de peinture avec Jacques de Thiersant. Il nous faisait découvrir des peintres, des monuments, des ateliers. Il me faisait rêver », se rappelle-t-il. Avant d’ajouter : « Je voulais m’éloigner de mes peintures et il m’a conseillé de les mettre à l’extérieur. » Le vent s’en est mêlé. Un vent qui, très vite, devient une contrainte pour Michel Gressier.

Faire voler ses peintures

Plutôt que d’en faire un ennemi, il choisit de s’allier à lui et décide de faire voler ses peintures. Cela présente en plus un avantage. « Si le cerf-volant ne va pas trop haut, on voit bien le dessin. Et sinon, plus il va haut moins on voit les détails mais plus les gens peuvent l’apercevoir. » Avant cela, l’artiste originaire de Savoie ne pratiquait pas le cerf-volant. « On n’en fait pas à la montagne », précise-t-il. Il se souvient qu’au départ, « ça ne volait pas très bien ». La rencontre, par hasard, avec le président du cerf-volant club de France en haut d’un col près de chez ses parents est déterminante. Il l’aide, lui donne des conseils et participe aussi au lancement de la carrière de Michel Gressier. Grâce à lui, l’artiste participe à ses premiers festivals, à Caen et à Dieppe.

Afin de se consacrer à sa passion, il étudie aux Arts décoratifs de Grenoble puis aux Beaux-arts de Marseille. « Quand je suis sorti des Beaux-arts, j’avais fait ce dont je rêvais, mais je ne savais rien faire. Avec un ami, on a envoyé des dossiers, notamment à l’école Boulle de Paris. » En 3 ans là-bas, il apprend à se servir de tous les matériaux nécessaires à ses réalisations.

C’est pendant ses années d’étude qu’il se rend pour la première fois en Touraine. « Je suis allé voir une exposition de Calder, Debré et Prieto à la grange de Nazelles-Négron. Prieto exposait des cerfs-volants qu’il peignait. » Coïncidence ? Peut-être pas.

« Plus Tourangeau que Savoyard »

À cette période, il s’achète une presse à gravure mais ne sait pas vendre ses œuvres. Il se fait aider par son oncle, propriétaire d’un atelier de lithographie dans la région. Michel Gressier y passe alors de plus en plus de temps, pour finalement s’y installer. « Aujourd’hui, je me sens plus Tourangeau que Savoyard », lâche-t-il. Par la même occasion, il tombe sous le charme du plus long fleuve de France. « Je suis sensible au vent donc le régime du vent sur la Loire, ça me passionne. Aujourd’hui, je ne pourrais plus me passer de ce fleuve. Toutes les semaines, je vais y naviguer. » Cette affection se traduit par la réparation et la création de voiles pour les bateaux.

Aujourd’hui, cet artiste travaille ses réalisations dans ses trois ateliers tourangeaux. Jusqu’au dernier moment, il modifie ses cerfs-volants. Avant d’avoir terminé, il les fait voler au moins deux fois, sous un ciel gris et sous un ciel bleu. Grâce à ces vols, il se rend compte de ce qui est nécessaire afin d’obtenir la meilleure finition possible. Un détail peut tout changer. « C’est comme les épices en cuisine », plaisante-t-il. Une autre partie de son boulot consiste à parfaitement « travailler les couleurs. On doit les remarquer de loin donc j’utilise des couleurs très appuyées. » Le plasticien est séduit par le côté spectacle et éphémère que produisent ses créations.


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Aussi propriétaire d’une boutique à Oléron, il s’y rend un mois et demi pendant la période estivale, notamment pour donner des cours de pilotage. « On m’a souvent proposé d’ouvrir un magasin de cerfs-volants à Tours mais je n’ai jamais voulu. La période à Oléron me suffit », se justifie-t-il. Aujourd’hui fermé, ce passionné possédait également un atelier à Barcarès, dans le sud de la France. « C’était trop. J’usais tous les gens autour de moi. »

« Pas plus de huit voyages par an »

Malgré l’épuisement de ses proches, cette activité lui a permis de se faire connaître. Création des bols, articles dans un magazine français en Chine puis dans d’autres journaux internationaux… et le voilà propulsé aux quatre coins du globe. L’hiver, il se rend à l’étranger. Inde, Japon, Corée, États-Unis… « Maintenant, je ne m’autorise pas plus de huit voyages par an sinon je ne suis pas assez à l’atelier », estime-t-il. S’il fait moins de voyages qu’avant, c’est aussi parce que tous les festivals commencent à se ressembler.

Ces voyages sont pour lui une véritable source d’inspiration. Il note dans des petits carnets les idées qu’il a récolté grâce à ce qu’il a vu, puis il fait des croquis. « Maintenant, je ne les écris plus. J’utilise le dictaphone de mon portable », ironise-t-il. L’élaboration d’esquisses lui permet de ne pas s’ennuyer dans les aéroports ou les gares. Mais, ce ne sont pas sa seule source d’inspiration. Parfois, il rêve de ses prochaines créations. Après se les être représentées dans son imaginaire, il adore les réaliser et constater le résultat final.

Peintre à l’origine, il continue de peindre et de révéler ses œuvres dans des expositions, aussi bien individuelles que collectives. Il a de nombreux autres projets. Dernièrement, il a notamment habillé l’écluse de Civray-en-Touraine grâce à ses pavois et a même conçu des velums pour le Bistrot’Quai pour le festival fluvial Jour de Cher. « Cette année j’ai habillé une écluse et j’ai créé des petits rappels pour les autres. L’année prochaine j’en ferais deux, l’année d’après peut-être trois… Ce que j’aime, c’est le fait que ce soit un projet à long terme », explique Michel Gressier. Avant de poursuivre : « Ce n’est pas une livraison énorme mais ça permet de faire des choses différentes. » Ce genre d’événement lui permet de ne pas seulement côtoyer les personnes liées à la culture. « Ça fait du bien de voir des gens qui s’intéressent à ce que l’on fait. Je me souviens, ceux qui m’ont aidé à installer les pavois, ils me posaient pleins de questions sur mon travail. »

L’artiste pense d’ailleurs être plus efficace sur ce type de manifestation populaire. C’est selon lui une manière de redonner envie aux gens d’aller dans les galeries. « Dans les festivals, il y a des barrières qui nous séparent du public. On ne peut pas communiquer », regrette-t-il. Le lendemain de Jour de Cher, il a été appelé pour un projet à Levroux, dans l’Indre, et un autre dans le Larzac.

Des retours positifs, il en a très souvent. Il se souvient de celui d’une ancienne étudiante à qui il donnait des cours à l’IUT de Tours. « Il y a trois ans, elle m’a appelé car elle avait vu mon travail et elle voulait qu’on monte un projet ensemble à Mâcon. » D’autres personnes ont par exemple découvert son travail au Danemark et l’ont contacté pour lui en parler.

« Une vie rêvée »

Métier qui le passionne, retombées dans le monde entier, retours positifs… « J’ai une vie rêvée », reconnaît Michel Gressier, tout sourire. « Cela fait 43 ans que je ne fais que m’amuser », plaisante-t-il. S’amuser, mais sérieusement. Il admet toutefois qu’il n’a pas toujours été pris au sérieux. « Mais, quand je dis que j’ai des collaborateurs, des couturières… Ça va mieux. » Et que ce jeu l’a effrayé quelques fois : « Pendant longtemps, j’ai eu peur de devoir accepter tout ce que l’on me demanderait, notamment pour des raisons économiques. Aujourd’hui, je ne suis pas riche mais j’ai l’aisance de dire non quand un projet ne me plaît pas. Quand je l’ai compris, ça a été un déclic. »

« Je me suis souvent dit “le jour où j’en ai marre j’arrête” mais je ne me suis toujours pas lassé », conclut-il. Homme de challenge aimant les créations incongrues, Michel Gressier compte bien jouer avec le vent encore quelques années.

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Crédit photos : Émilie Mette

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