Le temps d’un 16 mesures #7 : Davodka, « la plume capable de laisser un coquard sur une figure de style ».

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« Le temps d’un 16 mesures » c’est une nouvelle chronique régulière sur 37° sur la thématique du hip-hop, en partenariat avec « hip-hop is not dead », une chronique réalisée par Loann pour l’émission de Radio Campus Tours 99.5 FM intitulée Wabam Cocktail.

37 degrés est allé à la rencontre du rappeur Davodka, quelques heures avant de monter sur scène où il a conquis le public présent, néophyte ou amateur de hiphop, durant le festival Aucard de Tours. Du Paris Pôle Nord Crew en 2003 en passant par le collectif Mentalités Sons Dangereux, le MC du 18ème a réellement débuté son parcours solo en 2013 . Il a annoncé pour la fin de l’année la sortie de son quatrième projet solo. Reconnu pour la rapidité de son flow, le lyriciste éduqué au hiphop des années 90 n’en néglige pas moins les textes.

Beatmaker, auteur et interprète, rencontre avec cet artiste à plusieurs cordes militantes à son arc et qui n’hésite pas à s’en servir.

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Bienvenue en Touraine ça fait plaisir de pouvoir t’accueillir ici ! Tu connais un peu la région ?

Davodka : La touraine non, mais je connais le Mans qui n’est pas très loin. Le côté Sarthe, c’est un endroit où j’ai habité très peu de temps mais que j’ai pas mal fréquenté fut une époque.

Pour apprendre à te connaître musicalement, peux-tu nous donner le nom d’un album hiphop que tu as beaucoup écouté adolescent ?

Davodka : Je peux mettre un « S » à albums pour le coup. J’ai rongé « Je boxe avec les mots » d’Arsenik. J’étais plus ado mais j’ai beaucoup écouté « La Main sur le coeur » et « Artiste triste » de Sinik mais également Suprème NTM, les Fonky Family mais aussi tout ce qui est de mon quartier du 18ème comme la Scred connexion, Assassin puis petit à petit les indépendants qui sont arrivés à mes oreilles.

Ce soir tu viens en tant que MC mais quel est ton lien avec la culture hiphop : tu danses, tu graffs, tu scratchs, tu crées des prods ?

Davodka : Alors le graff c’est loin pour moi mais j’ai eu une petite période graff pour l’adrénaline pure et dure. Au final, j’ai pas énormément de talent dans le graff. Je suis capable de te faire un vandale mais je serais incapable de te faire un flop correct (NDLR le « flop » est un lettrage en forme de bulle élaboré généralement d’un seul trait). Mais après, je suis plutôt beatmaker, auteur interprète. J’ai commencé à rapper car ce sont des potes qui m’ont lancé. Il y avait Nico le salop et Kema qui faisait du son de leur côté et qui m’ont dit un jour « Allez, lance-toi ! ». Et puis après un texte, deux textes, trois textes, on s’intéresse au beatmaking car j’en avais marre de kicker les faces B des Américains de l’époque, ce que tout le monde faisait. Et c’est à ce moment là que je suis devenu beatmaker en cherchant des samples de classiques, de films, de soul….

Tu es aussi beatmaker en dehors d’être MC. C’est quoi une bonne prod pour toi ?

Davodka : De très bon drums. C’est parfois trop souvent négligé dans le beatmaking selon moi. Une bonne basse aussi et puis une mélodie qui tient la route. Je suis très mélodie mélancolique mais j’aime aussi quand c’est plus énergique. Mais j’ai du mal avec les compositions synthé. Et enfin un sample. A la base, dans un sample, il y a un sentiment. Et si tu l’ajoutes à un truc qui tape, c’est ça le côté rap pour moi. Mon essence dans le rap c’est ça.

L’un des éléments qui te caractérise est la rapidité de ton flow. Tu nous le démontres à travers tes différents projets. Comment choisis tu tes accélérations ? C’est suivant les thématiques des chansons, suivant la prod’ ?

Davodka : Par exemple « Mise à flow » ou « Le mur du son », ce sont vraiment des exercices de styles. Après j’en cale aussi dans des tempos plus lents car ça ajoute de l’attraction dans le texte en dehors des jeux de mots et de l’écriture. Mais c’est quelque chose dont il ne faut pas abuser non plus. C’est mon côté « performeur » américain dans la lignée de Busta Rhymes ou Eminem que j’ai beaucoup écouté. Aujourd’hui, il y a « Tech n9ne » ou encore « Token ». En gros, je kiffe la rapidité mais j’aime bien le texte effectivement. J’aime bien faire passer des messages, faire des constats. J’habite dans le 18ème arrondissement Porte Saint Ouen et c’est un quartier très riche en terme de culture mais aussi en terme de mixité sociale avec des personnes très riches mais aussi très pauvres, ce qui amène à faire des constats souvent très tristes malheureusement.

En ce moment tu fais des freestyles « one shot » sur Youtube. Est-ce pour annoncer la couleur de ton prochain projet ou c’est simplement un kiff pour faire patienter l’amateur de hiphop ?

Davodka : C’est un grand kiff personnel. C’est aussi pour montrer que la rapidité ça ne fait pas tout si tu n’es pas capable de la faire en live. Les « One Shot » c’est à prendre au second degré. Ce sont des performances et même si des fois je peux avoir des problèmes d’articulations, c’est pour montrer aussi qu’il y a des limites humaines à rapper vite. A travers les prods choisies, c’est également un clin d’oeil à des sons comme KDD « Qui tu es ? » ou l’« Homme de l’ombre » de Lunatic. Il y a beaucoup de gens qui arrivent dans le hiphop aujourd’hui et qui ne connaîtront pas l’essence de ces sons. C’est donc une fierté pour moi de kicker ces prods car j’ai grandi avec ça dans les oreilles. Tout à l’heure, sur les albums que j’ai beaucoup écouté, j’aurais pu citer aussi Lunatic, 3ème œil, Temps mort…

Justement, ton nouvel album a été annoncé courant 2017. Quel en sera le contenu ? On peut voir à travers le premier morceau « Amour Gloire et Beauté » que tu choisis de mettre en avant une chanson plutôt engagée.

Davodka : Très engagée oui. J’avais fait « Le couteau dans la paix » qui était déjà engagé dans une période qui nous touchait tous car ça commençait vraiment à exploser de tous les côtés et malheureusement ça n’arrête pas. « Amour Gloire et Beauté » ça traite des problèmes de société qui misent tout sur l’apparence : Où l’on ne cherche plus à connaître l’autre, où c’est Sexe Bifton et Apparence, où l’on se cache derrière les faux semblants que nous offre cette putain de télé et ces émissions inutiles dont je ne veux même pas faire la publicité. Tout le monde sait de quoi je parle… Donc c’est un morceau que je souhaitais faire car tout le monde le pense et tant pis si certaines personnes vont se sentir vexées. Mais il n’y aura pas que ce type de son dans le prochain album, il y aura un peu de tout mais ce qui est sûr c’est que son nom ne portera pas le nom des « Poings ». Après avoir sorti « Un Poing c’est tout » et « la mise au Poing », j’allais faire quoi « Poing d’ancrage » ou « Poing G » ? Je trouvais pas ça marrant et j’ai préféré recommencer avec un nouveau bouquin à ouvrir, recommencer à zéro.

Une date de sortie plus précise ?

Davodka : Difficile d’être précis mais fin d’année en tout cas. Comme on fait tout en indé, c’est compliqué de mettre des dates car il peut toujours arriver un impondérable entre temps. On fait les pochettes, les mixs, les prods, on écrit. Mais vu comment ça se déroule, entre septembre et décembre ça sera sorti.

Ton engagement se retranscrit aussi par les choix de tes concerts. Si je ne dis pas de bêtise, tu as fait un concert de soutien à une association qui œuvre pour le peuple syrien ?

Davodka : On s’était connecté avec l’association « Alsace Syrie » à l’initiative de Anka, bookeuse et manageuse du « Vers 2 trop ». Le rap ce n’est pas que des paroles et des musiques. C’est aussi des actions, s’investir. On va à la rencontre des réfugiés, des sdf… On fait des petites actions. On va pas changer littéralement les choses mais une petite pierre à l’édifice c’est pas négligeable. Si on met tous une petite pierre, on pourra bâtir quelque chose.

Sur tes premiers projets, tu faisais des featuring avec ton entourage proche. Sur celui-ci on peut s’attendre à des feat avec des MCS dont la visibilité est plus importante dans la continuité de Lacraps et Swift Guad ?

Davodka : J’ai envie de répondre : cela sera surprise ! Mais je suis ouvert et il y a plusieurs rappeurs qui ont de la visibilité actuellement et qui me plaisent artistiquement. Ce qui est sûr, c’est qu’il y aura des featurings sur mon prochain album.

Tu aimes jouer avec la langue française, faire des jeux de mots : d’où vient cet intérêt  ? Tu es un grand lecteur, un cinéphile ?

Davodka : Ce qui est sûr c’est que je suis plus cinéphile que lecteur. Mon film préféré est « Un singe en hiver ». C’est un film sur les addictions dans lequel je me retrouve pas mal. En ce qui concerne l’écriture et les jeux de mots, je trouve que c’est une attraction de plus dans un texte. J’essaye de décrire ce qui fait mal, faire passer la pilule mais avec ironie.

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Tu peux nous dire deux mots sur « le vers 2 trop » et en quoi ce qu’on appelle l’indépendance est importante pour toi ?

Davodka : L’indépendance est importante pour moi car je ne suis pas un produit. Je ne suis pas une pâte à modeler que l’on peut former car c’est comme ça que ça marche. Je veux avoir mes propres prods c’est pour ça que je suis beatmaker et pouvoir les kicker avec les thèmes que je souhaite. Enfin, le tout est mixé comme moi je l’entends. Le « Vers 2 trop » c’est que des proches et qui apportent un plus au projet. C’est une famille qui est dans le partage musical mais aussi humain avec une bookeuse, des beatmakers, des Mcs, des Djs…

Est-ce que selon toi l’avenir du hiphop français passera forcément par la scène indépendante plutôt que par le rap actuellement médiatisé ?

Davodka : Ce qui est médiatisé appartient souvent aux grosses boîtes de production. Mais tu sais, j’en veux pas forcément qu’aux rappeurs du game, j’en veux aussi à une partie du public car s’il n’y a pas d’argent qui rentre, il n’y a pas de game. C’est un tout. Le tort vient des deux côtés. Mais j’espère que les indépendants qui ont une vrai passion pour le hiphop sortiront pour faire perdurer l’esprit de cette culture que l’on appelle « le boom bap » vulgairement. J’espère que l’indépendance et l’undergroung perdureront et que des personnes perceront grâce à leur propres convictions et leur vision de voir la musique. Il faut être curieux et aller au-delà du hiphop médiatisé. Il faut avoir envie de creuser un peu.

Pour finir, as-tu un artiste à nous faire découvrir ?

Davodka : T’as énormément de monde. Je pourrais te citer le TH Crew et tous mes potes du « Vers 2 trop » mais aussi des mecs qui ont déjà leur public comme Lacraps, Melan que j’encourage à continuer dans leur voie. Mais en vrai, je pourrai te citer une flopée d’artistes qui mérite vraiment d’être sur le devant de la scène mais ça, seul l’avenir le dira.

Merci à toi Davodka et santé !

Davodka : Santé !

Un degré de plus :

Une chronique en partenariat avec « hip-hop is not dead », une chronique réalisée par Loann pour l’émission de Radio Campus Tours 99.5 FM intitulée Wabam Cocktail.

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