Le « coup de folie » de Marcoville pour l’église Saint-Julien de Tours

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Jusqu’au 22 septembre, l’église Saint-Julien de Tours accueille une exposition exceptionnelle et inédite. L’édifice religieux situé en haut de la Rue Nationale a été entièrement investi par un grand artiste français de 80 ans : Marcoville. Il l’a transformée en un paradis, sa propre vision du paradis faite notamment de 600 anges et 30 000 poissons en verre. Nous l’avons rencontré pour une visite guidée mémorable.

Nous découvrons l’exposition de Marcoville un jour où elle est normalement inaccessible au public. C’est en personne qu’il vient ouvrir la grille de Saint-Julien… mais impossible d’être discret : dans les minutes qui suivent plusieurs personnes s’engouffrent dans le bâtiment pour admirer le travail d’un homme à grande réputation (il a notamment exposé au Grand Palais à Paris). La femme de l’artiste hésite un peu mais n’arrive pas à refuser : « ce sont des Américains, ils n’auront pas le temps de revenir. » Alors qu’on prend des notes près du chœur, une dame insiste également pour le féliciter, visiblement émue par son travail.

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« Il y a des gens qui pleurent » commente Marcoville qui a pu croiser le public durant tout le 1er week-end d’ouverture. Il faut dire que ce qu’il a fait dans ce monument est remarquable, parfaitement unique en son genre.

Quand on passe la porte de Saint-Julien, on traverse d’abord une forêt d’arbres ressemblant fortement à des palmiers ou à des bananiers. Certains sont d’ailleurs ornés de régimes de fruits jaunes… ou bleus. Ces premières œuvres sont composées de verre et – pour une minorité – d’autres matériaux comme du bronze ou des cailloux. « C’est mon jardin d’Eden » prévient Marcoville. « Je ne sais pas à quoi ressemble le paradis alors j’ai voulu en créer ma propre représentation. C’est mon délire » poursuit l’artiste d’un air détaché mais touché d’avoir enfin pu inaugurer cette installation dont il rêve depuis dix ans. Plusieurs refus d’églises ou de cathédrales ont néanmoins contrarié ses plans.

30 000 petits poissons et plus de 600 anges

Une fois la forêt traversée, nous voici au beau milieu d’un nuage d’anges. Plus de 600 petits anges suspendus en l’air par des câbles. Chacun d’entre eux pèse 5 à 6kg. Tous sont en verre. Grâce à un jeu de lumières, leurs ombres sont projetées au sol ou sur les murs. Dès qu’un peu d’air entre dans l’église, ils commencent à virevolter. Plus spectaculaire encore, ce banc de poissons au fond de l’église : pas moins de 30 000 petits poissons pour former « une cascade » qui tombe de la voûte du bâtiment. Ils scintillent dès qu’un rayon de soleil arrive jusqu’à eux. Souvent le souffle de l’air les fait tinter, alors leur cliquetis s’accorde avec la bande-son de l’exposition, une mélodie céleste avec la voix d’étudiantes tourangelles membres de la chorale de Saint-Julien. Elles ont été repérées par Marcoville lui-même, puis il s’est fait aider de son fils pour produire la boucle musicale.

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Sur les côtés de l’église, outres des fleurs de verre au réalisme saisissant, on croise enfin le regard de plusieurs dizaines de vierges à l’enfant dans des accoutrements divers, encore une fois avec une mise en valeur du verre.

Le verre, Marcoville le travaille depuis une vingtaine d’années en particulier pour le jeu de la transparence. Souvent il utilise de la récupération (du verre cassé, comme des bouts de miroir ou de vitrine), « et je montre souvent aux enfants qu’avec très peu de choses on peut toujours faire autre chose. » Ce verre est modelé à froid, juste avec « trois tournevis et un marteau », au sein d’un atelier à Villejuif en région parisienne.

3 semaines d’installation nécessaires

« C’est ma dernière grande exposition en verre » assure Marcoville, désireux de ne pas se laisser enfermer « dans une boîte ». Une création au but particulier : faire descendre vers le sol de l’édifice le verre habituellement utilisé exclusivement pour les vitraux. Voilà où se trouve la racine de ce dédale démesuré, à l’ambiance féérique et planante. 4 semi-remorques de 38 tonnes et 3 semaines d’installation mobilisant près de quinze personnes ont été nécessaires pour la mise en place de 1 200m² de verre, en faisant en prime attention de ne pas impacter la structure du monument… qui plus est après l’incendie de Notre-Dame de Paris.

Si beaucoup de ses arbres apportés à Tours, ses anges et ses vierges sont exposés au grand public pour la toute première fois, Marcoville s’est déjà fait remarquer pour ses bancs de poissons : « j’ai commencé avec 10 000 au début des années 2000, puis 20 000 et enfin 30 000 ici » nous dit-il en assumant sa folie des grandeurs. Derrière il y a aussi un clin d’œil clair à La Bible, en l’occurrence à la multiplication des poissons :

« Jésus leva les yeux et vit qu’une grande foule venait à lui ; il dit à Philippe : ‘Où achèterons-nous des pains pour que ces gens aient à manger ?’ (…) Un de ses disciples, André, frère de Simon Pierre, lui dit : ‘Il y a ici un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons ; mais qu’est-ce que cela pour tant de gens ? ‘ Jésus dit : ‘Faites installer ces gens.’ (…) Jésus prit les pains, rendit grâce et les distribua à ceux qui étaient là ; il fit de même pour les poissons, autant qu’ils en voulurent. »

Extrait de la Bible.

S’il a truffé son installation de références religieuses et qu’elle prend place dans une église, Marcoville confie ne pas être empli de certitudes sur l’existence d’un Dieu : « alors dans le doute je fais moi-même mon paradis. C’est mon coup de folie. Quand je serai grand, j’arrêterai les bêtises mais pour l’instant c’est bien de rêver et de faire des bêtises. » Son exposition devient alors la concrétisation d’un imaginaire plutôt qu’une quelconque offrande. Surtout, en jouant sur le côté spectaculaire, il cherche à attirer dans cette église des personnes qui refusent habituellement de passer la porte d’un site religieux. Parce qu’au-delà de son rôle de lieu de culte, c’est avant tout un morceau de patrimoine commun.

Photos : Delphine Nivelet.


Un degré en plus :

Jusqu’au 22 septembre, exposition du jeudi au dimanche de 13h à 19h à l’église Saint-Julien de Tours. Entrée gratuite. L’église reste en fonction pendant toute la durée de l’installation.

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