Chantal Colleu-Dumond, directrice générale du Domaine régional de Chaumont-sur-Loire, préside aux choix des artistes qui exposent dans le cadre des saisons d’art contemporain. Une 8e saison qui s’inscrit véritablement en harmonie avec le patrimoine et le Festival international des Jardins.
Andy Goldsworthy, “Cairn” (c) Eric Sander.
Au Domaine de Chaumont-sur-Loire, Chantal Colleu-Dumond, Directrice générale et Commissaire des expositions d’art contemporain, est chez elle. Croyez-vous que cette femme à la carrière éblouissante, dans les plus beaux lieux culturels d’Europe (de Bonn à Rome en passant par Bucarest, Berlin et Fontevraud) puisse s’endormir sur ses lauriers, qu’elle a patiemment tressés ? Pas le moins du monde, et c’est en dénicheuse de talents artistiques, en perpétuelle recherche d’innovation qu’elle conçoit ce qu’elle nomme elle-même « sa mission ».
« Il est fondamental pour moi que l’art soit accessible. Que la barrière de verre qui oppose parfois les gens et les musées explose à Chaumont. Ici, je souhaite qu’ils rencontrent l’art qu’ils ne rencontrent pas ailleurs » explique-t-elle. Du 1er avril au 15 novembre, 13 œuvres sont visibles dont un certain nombre permanentes – notamment « le Cairn » d’Andy Goldsworthy – mais les visiteurs peuvent aussi admirer l’installation d’El Anatsui entièrement composée de matériaux rebut (capsules de bouteilles en aluminium, canettes concassées etc.). Mais aussi « les Tremblements de ciel » de Marc Couturier offrant un vrai parcours poétique ; les sculptures sur bois noirci au feu de Wang Keping ; ou encore, dans le château, les « Pleasant places » de Quayola, vidéo mapping prenant en compte les volumes sur lesquels se posent les images.
« Se côtoyer sans s’exclure », la formule émanant de Chantal Colleu-Dumond peut surprendre par sa facilité, mais c’est elle qui – assumant la fonction de commissaire artistique – sélectionne seule les œuvres qui prendront place au Domaine de Chaumont-sur-Loire. « Je voyage beaucoup et virtuellement aussi, grâce aux possibilités actuelles de voir des œuvres très lointaines sans bouger de Chaumont. Je vais à Venise, à Bâle, à la FIAC », avoue-t-elle. « Un artiste peut être en suspend dans ma tête pendant deux ou trois ans, en attendant qu’il s’inscrive à Chaumont au bon moment, afin d’éviter les juxtapositions inadéquats ». Pour trouver cette cohérence, « ça se joue entre les artistes et moi, c’est très subtil et diplomatique », dit-elle, comparant volontiers cette relation à celle « d’un compositeur et d’un chef d’orchestre ».
Ma réponse à “Comment rendre l’art accessible à tous ?”
Avec un seul billet, les visiteurs peuvent avoir accès à tout : jardins, exposition permanente d’art contemporain, exposition temporaire, château… Mêler art contemporain et patrimoine, un pari dangereux ? « Oui, au départ c’était loin d’être une évidence. Mais on ne pouvait pas se planter. A Chaumont-sur-Loire, on peut ‘tomber’ sur l’art contemporain en venant visiter les jardins par exemple. S’il y avait des artistes un peu ésotériques, un peu provocateur, c’est là que ça serait dangereux ». Malgré la méfiance très franco-française pour l’art contemporain dans le public, n’y aurait-il pas lieu de faire entrer davantage l’histoire de l’art et les arts plastiques dans les écoles ? « C’est une conviction. Lorsque j’étais à Rome, j’avais fait ajouter une heure d’histoire de l’art au Lycée français. Mais aujourd’hui, être à Chaumont-sur-Loire, c’est ma réponse à la question : comment rendre l’art accessible à tous ? »
F.Sabourin.