La Belle Rouge : scène de ville et scène des champs

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Tout le mois d’août nous vous proposons un best-of des articles publiés sur 37° depuis septembre dernier. Aujourd’hui retrouvez cet article consacré à la salle jocondienne « La Belle Rouge ».

Le bonheur existe, nous l’avons rencontré. Il suffit d’oser descendre à l’arrêt de tram Pont-Volant, à la frontière entre le nord et le sud (entendez « Tours » et « Joué »), faire quelques dizaines de mètres et vous voilà au bord d’un ruisseau, avec des vaches, des bottes de paille et même des barbelés. Un ancien hangar, une grande salle avec un bar au fond et trois cowgirls qui n’ont pas du tout le blues, mais qui complètent le tableau du bon vieux road movie US, entre Jarmusch et les frères Coen. Bienvenue à La Belle Rouge, le seul saloon de l’agglo.    

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Fréquemment au fil de nos rencontres avec les acteurs culturels de l’agglomération se dresse un même constat : il manque des salles intermédiaires, comprendre « de quelques centaines de places, sur Tours pour faire jouer les groupes locaux »). Cette réflexion maintes fois entendue avec l’exemple nostalgique du regretté Bateau Ivre comme corollaire, les créateurs de la salle La Belle Rouge à Joué-lès-Tours se la sont faite il y a quelques années, ce qui les a conduit à créer cette salle.

« On voulait organiser des soirées, mais avec la problématique qu’il y a peu de salles à Tours, c’était compliqué. Un jour on a réussi à louer la salle Paul Bert et on a réussi à faire venir 500 personnes, ça nous a donné envie de continuer. Au départ on voulait ouvrir un café associatif en embauchant des personnes en réinsertion et faire des activités culturelles à côté pour qu’on puisse organiser nos propres soirées » nous explique Charlotte, créatrice de La Belle Rouge en 2011 avec quatre autres proches. Face à l’ampleur des travaux dans le lieu envisagé au départ, ils font finalement volte face et trouvent l’actuel lieu de La Belle Rouge via une annonce sur Le Bon Coin. Comme quoi Le Bon Coin mène vraiment à tout.

Belle des champs

Depuis locataires de cet ancien showroom de véhicules d’occasion, ils ont fait beaucoup de travaux pour en faire une salle de concert correcte. « Le lieu est top, on est à la campagne tout en étant en ville » nous racontent les trois jeunes femmes pétillantes (une salariée à temps partiel et deux bénévoles, toutes les trois « à fond » dans le projet) qui nous reçoivent en mentionnant fièrement la mitoyenneté du dernier champ de la ville de Tours sur lequel broutent une dizaine de vaches à l’origine du nom de la salle : « Le nom La Belle Rouge est un hommage aux vaches parce qu’elles nous supportent toute l’année. C’est aussi un clin d’œil à d’autres lieux qui nous inspirent comme La Belle de Mai à Marseille par exemple ».

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La Belle Rouge c’est ainsi une salle de 200 places environ, installée à deux pas des Deux Lions, dans la plaine de la Gloriette et ouverte depuis 2012 par l’association Terra Ceramica. Une salle que les gérants souhaitent ouverte au plus grand nombre et qui repose sur un fonctionnement cool : « On ne fait pas de location de salle, on met le lieu à la disposition des organisateurs de concerts. Souvent le deal c’est qu’ils gardent les recettes des entrées et nous on s’occupe du bar et on leur demande des frais de participation pour payer le technicien et un agent de sécurité ». Un dispositif avantageux qui permet de garder des tarifs bas et qui démontre une volonté d’ouverture au détriment peut-être d’une rentabilité des lieux : « On ne fixe pas de seuil poursuit Charlotte, même si tu es un petit groupe qui ne peut pas faire venir 100 personnes, tu pourras jouer ici. Le but c’est justement d’être ouverts à tous ». Dans le même état d’esprit, elles ne refusent aucun style, que ce soit du Métal, du Hip Hop, du Rock… « Le seul truc pour le groupe, c’est qu’il ne faut pas qu’ils viennent ici en s’imaginant se faire du fric, ce n’est pas le but » précise Charlotte.

Un lieu de vie à préserver à tout prix

La Belle Rouge c’est donc une salle de concert mais pas que : « c’est une salle associative culturelle, on organise plein d’évènements différents comme des ateliers pour les enfants, des gratiférias (marchés gratuits), on accueille La Ruche qui dit oui… »

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Cette volonté d’ouverture a permis à La Belle Rouge de voir son calendrier se remplir rapidement, ce qui a du coup brouillé un peu l’image de la salle. Un constat qui amène actuellement l’équipe à réfléchir et à se rapprocher de la Fracama pour « ré-identifier et labéliser La Belle Rouge, mais tout en gardant bien son état d’esprit initial ». Parmi les réflexions engagées, il y a aussi un besoin d’accroître la visibilité de la salle par une communication plus poussée, ce qu’une des trois drôles de dames va pouvoir assurer puisqu’elle fait des études dans la com, justement. Des réflexions qui ont été mises en stand-by pendant quelque temps à cause d’une frayeur due à la construction d’un immeuble en voisinage direct. Le jour de notre entretien, Charlotte se montrait rassurée et nous expliquait :  » Le promoteur a apparemment changé d’avis en ayant appris que contrairement à ce qu’on lui avait dit, la Belle Rouge ce n’est pas une salle de réunion, mais une salle culturelle. Du coup, les appartements qu’il envisageait vont finalement être des bureaux ».

Un soulagement, face à l’épine dans le pied qu’auraient pu être des habitations à proximité de la salle. Le fait que la zone est inondable et que le propriétaire du champ d’à-côté est aussi celui du bâtiment laisse penser que l’avenir de La Belle Rouge s’annonce bien, à condition bien entendu que les spectateurs soient au rendez-vous. Un cadeau pour la Ville de Joué qui peut au passage s’enorgueillir d’accueillir sur son territoire une initiative associative aussi dynamique et sérieuse, projet qu’elle va sans aucun doute continuer à soutenir dans les mois et les années à venir, contribuant ainsi à son développement et à sa pérennisation.

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Une aubaine pour les groupes locaux

La Belle Rouge va ainsi toujours pouvoir se vanter d’être une salle à la campagne en pleine ville. Une particularité appréciable (notamment pour le sempiternel problème des nuisances sonores, de moins en moins supportées par de plus en plus de monde) et une opportunité précieuse pour les groupes locaux qui peuvent pour 100 euros se voir accompagnés sur scène par un technicien professionnel et jouer dans une belle salle très bien placée et ouverte toute l’année, avec une logistique rôdée servie sur un plateau.

Côté spectateurs, c’est également le bon plan : programmation très variée avec des prix d’entrée de zéro à 10 euros grand maximum selon les soirées, terrasse avec vue sur le bocage tourangeau, consommations à prix raisonnables, impression de partir en week-end à la cambrousse pour le prix d’un billet de tram.

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Ce petit havre de paix, convivial et festif, rappelle à quel point le Bateau Ivre nous manque et qu’une agglo de la taille de celle de Tours ne peut pas se contenter de quelques salles publiques très « normées » et ouvertes seulement les soirs de concert (ce qui, à l’exception du Temps Machine, ne fait pas bien lourd). Les initiatives privées de ce genre, « underground » comme ici ou plus « chic », sont nécessaires à la survie d’une certaine idée de la culture.

Reportage réalisé par Mathieu Giua et Laurent Geneix.

Crédits photos : Laurent Geneix pour 37°

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