Allez à la rencontre de Klaus Rinke c’est accepter de voir le temps s’arrêter. Klaus Rinke est un grand bavard, sa montre autour du cou n’étant là que pour rappeler que le temps défile inexorablement, même quand on ne le voit pas passer comme lors de notre entretien. Le temps et l’eau, deux fils conducteurs dans la carrière de l’artiste allemand.
Invité d’honneur du CCC OD, Klaus Rinke y présente une nouvelle version de son instrumentarium qui avait fait sensation au Centre Pompidou en 1985. De cette première version, l’instrumentarium 2017 du CCC OD ne conserve qu’une partie, les tuyaux faisant voyager les eaux des rivières que l’artiste est allé chercher un peu partout en Europe et qu’il mélange aujourd’hui dans 4 jarres gigantesques, symbolisant les 4 points cardinaux.
De l’eau provenant de 12 fleuves européens, de la Loire à l’Elbe, en passant par le Danube, la Seine, l’Oder, le Rhin… « Les rivières ont construit l’Europe et sa culture, elle ont été les veines permettant la circulation et de mélange des peuples. Elles sont fondamentales » explique l’artiste de 78 ans.
« Les rivières ont construit l’Europe et sa culture, elle ont été les veines permettant la circulation et de mélange des peuples. Elles sont fondamentales ». Klaus Rinke
Au cours de notre rencontre, on parle plus philosophie et vision de vie, que d’art, ce dernier n’étant pour notre interlocuteur que la face visible et incomplète de sa pensée. Européen plus que convaincu, celui qui est né en Allemagne en 1939, évoque ses inquiétudes sur l’avenir. En cause, le repli sur soi et le nationalisme grimpant. Le Brexit ? Un choc pour lui et c’est ainsi plus qu’un symbole si la Tamise est absente de l’installation, les autorités lui ayant refusé le droit d’emporter de l’eau de la rivière anglaise. « On a tendance à oublier les bienfaits de l’Europe et à ne pas y faire attention, je trouve cela dangereux pour les générations futures ».
Avant-gardiste, Klaus Rinke l’a été avec l’école de Dusseldorf et sa célèbre Kunstakademie « Entre avant-gardiste c’est accepter de s’aventurer dans un no man’s land, encore non exploré, où personne ne voulait aller avant vous. C’est prendre la liberté d’explorer de nouveaux territoires ».
« Je sais que nous avons peu de temps sur terre, les montres et les horloges sont là pour le rappeler ». Klaus Rinke
La liberté, pièce essentielle du travail et de la vie de Klaus Rinke, personnage atypique à la langue pendue, sujet à controverses dans le passé par ses positions radicales pour les uns, entières pour les autres. « Je ne cherche pas à faire plaisir, je suis comme je suis » tonne-t-il. « Je sais que nous avons peu de temps sur terre, les montres et les horloges sont là pour le rappeler ».
Le temps, l’autre grand thème abordé par Klaus Rinke avec l’eau. Le temps et l’eau, deux éléments impossibles à figer explique-t-il et qui trouvent toute leur relation dans cette essence de l’écoulement permanent et perpétuel. Dans l’Instrumentarium présent dans la Nef du CCC OD se dresse d’ailleurs une grande horloge datant de 1924 qui était dans le hall de la gare de Dusseldorf et que l’artiste a réussi à récupérer.
Dusseldorf, ville à l’honneur dans la galerie blanche du CCC OD également avec l’exposition « Dusseldorf mon amour ». Une ville qui a marqué l’artiste, professeur pendant 30 ans à la Kunstakademie et qui a replongé dans ses souvenirs pour proposer cette exposition composée de noms étant passés par cette académie singulière : Gerhard Richter, Daniel Buren, Joseph Beuys, Gerry Shum… autant d’artistes témoins du foisonnement de cette académie au XXe siècle. Un foisonnement auquel Rinke fut un rouage certain et évident, avec sa liberté et sa folie. La photo des chameaux qui ouvre l’exposition en haut de l’escalier d’accès à la galerie en est une illustration.