[Cinéma] Regards #51 Cro-Man, La Forme de l’eau (The shape of water) et Winter brothers

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Dans Regards, retrouvez l’avis de Stéphanie Joye sur quelques films à l’affiche dans les cinémas tourangeaux. Histoire de vous donner envie, à votre tour, d’aller passer un moment dans les salles obscures.

La forme de l’eau – The shape of water (Fil fantastique américain, drame, romance)

De Guillermo del Toro

Avec Sally Hawkins, Michael Shannon, Richard Jenkins 

Dans un obscure laboratoire gouvernemental ultrasecret, des scientifiques séquestrent une créature amphibie, l’étudient et la malmènent, l’enchaînant dans un bassin d’eau. Une des manutentionnaires, Elisa, muette et très solitaire, approche en cachette cet être à la fois d’apparence monstrueuse et somptueuse. Elle en tombe tout de suite amoureuse. Sous couverture d’un expert russe de mèche, d’une amie collègue afro-américaine, et de son colocataire gay – un vieil homme artiste – Elisa veut absolument faire évader la créature et l’installer chez elle pour la sauver de sa mort programmée. L’ignoble Richard Strickland, chef des opérations du centre, mène la terreur et enquête en interne sur la disparition de son souffre-douleur.

Plongeon dans la science-fiction. La belle et la bête de Cocteau revisité, hommage à l’univers de Carot et Jeunet (Le fabuleux destin d’Amélie Poulain, La cité des enfants perdus) et des créatures de James Cameron (Avatar), La forme de l’eau est un beau conte de fée pour adultes, lyrique et enchanteur. Un opéra féérique, d’une originalité dingue. Volontairement naïf et exempt de tout cynisme, il est à visée universelle, et porteur de message humaniste de bienveillance, d’amour et de tolérance. Nommé 13 fois aux Oscars prochains, le film est assurément à ne pas rater tant il regorge de perfections. Talent subjuguant de l’actrice principale, Sally Hawkins. Talent de Michael Shannon (Take Shalter, Midnight special). Et talent du réalisateur, qui ne néglige aucun détails fantaisistes, délirants, somptueux, baignant dans un tourbillon aquatique sous-marin, brouillé, émeraude et topaze, qui laisse bouche bée. On reste notamment sans voix devant la mise en scène, l’image, la lumière, les effets saturés et les décors, élégants, rétro années 60, en studios clos, sans confrontation au dehors. Outre cet univers épique et intimiste d’une poésie sublime, outre la prouesse jouant de la laideur ou de la beauté impressionnante de la créature, tout concoure à nous divertir et à nous émerveiller. La force de ce film est de mêler drame, romance, aventure, fantastique et polar avec cohésion, action, suspense, émotion forte et humour subtil. Un film merveilleux, immense, qui fait du bien. Peut-être le meilleur film américain de ce début d’année.

(NB : Guillermo del Toro a récemment obtenu les Golden Globes du Meilleur Réalisateur et du Meilleur Son pour le film)

Un film à l’affiche aux Cinémas Studio (Toutes les informations utiles sur leur site internet) et aussi dans les cinémas CGR de l’agglomération (toutes les informations utiles sur leur site internet).


Winter brothers (Drame danois, islandais)

De Hlynur Pálmason

Avec Elliott Crosset Hove, Simon Sears

Emil est mineur dans une carrière de calcaire. Solitaire, introverti mais capable de provocation démesurée, il vit et travaille avec son frère avec qui il se dispute une petite amie. Un jour, Emil est convoqué au bureau du patron. Ce dernier l’accuse de fabriquer de l’alcool frelaté et de le vendre à ses collègues, mais aussi d’avoir empoisonné l’un d’entre eux. Looser et torturé, Emil reste cantonné à ses habitudes et à ses démons.

Grisâtre et désespérant, c’est ce qui pourrait qualifier en deux termes simples Winter Brothers, un drame intime, une performance autour d’un réalisme social dans lequel rien ne se passe vraiment, et qui fait passer le temps longuement, dans une étrangeté un peu angoissante. Les deux frères de l’histoire sont certes bons acteurs, il y a notamment une scène de lutte entre eux deux qui est très bien mise en scène, avec exigence. Le film n’est pas sans qualités, mais celles-ci détonent bien plus dans la forme que dans le fond. D’un côté, un scénario vide de sens dont la fin est lamentable (une pointe d’humour noir et burlesque au cœur de ce film sombre sauve un peu l’ambiance sourde et asphyxiante). D’un autre, une expérience sensorielle, artistique et avant-gardiste ultra-maîtrisée (le réalisateur, Hlynur Pálmason, est un plasticien islandais), une mise en scène générale abstraite, minimaliste et intelligente, parfois captivante. Des effets dans le noir, ponctués d’éclairages vifs aux lampes torches dans la mine, la caméra qui bascule, le son (incroyable son industriel et réel des profondeurs de chantiers), la très belle photo de terrains, de montagnes et d’arbres sous la neige épaisse, la langueur, les repères identiques et tranquilles, le quotidien des travailleurs aux combinaisons et casques marouflés de calcaire…Il est aussi à noter la scène entre Emil et son patron le suspectant de trafic d’alcool frelaté, coriace et convaincante, qui reste un moment phare de l’histoire. Winter brothers est une bizarrerie sourde et rugueuse, une farce qui peut être tout aussi soporifique qu’inspirante. Tout dépend du point de vue (le fond ou la forme, ou bien encore l’analyse) que l’on lui donne. Reste que de nombreuses actions paraissent bien inutiles, assez choquantes, voire un brin ridicules. Il est à noter un élément déplorable, celui de la question relative à l’affiche du film, un quasi plagia de celle de « Le fils de Saul » de László Nemes : même tissu de masque oxygénant, même regard inquiétant du héros, la seule différence étant la présence du frère en arrière-plan. Un premier film sommes toutes très curieux, aussi léger que pesant, qui ne questionne pas assez la vie d’hommes du « sous-sol », et qui est bien peu marquant.

Un film à l’affiche aux Cinémas Studio (Toutes les informations utiles sur leur site internet)


Cro-man (Animation, britannique)

De Nick Park

Des Studios Aardman

Avec les voix de Pierre Niney, Kaycie Chase, Eddie Redmayne 

De petits bonhommes de la Préhistoire, à l’âge de pierre, vivent en communauté solidaire, rêvant de chasser le mammouth. Ils découvrent l’art pariétal de leurs ancêtres, dont les effigies représentent des matchs de football. Le vaillant Doug et son ami Crochon le cochon se retrouvent à l’ère du Bronze, où un ennemi puissant menace de prendre leur somptueuse vallée. Un deal est programmé : pour conserver leur territoire, Doug et les siens doivent monter une équipe de foot, et remporter le match contre celle du Bronze.

Dans sa nouvelle comédie, Nick Park (grand collectionneur d’Oscars) reprend les ingrédients qui font son succès : univers d’animation en pâte à modeler – avec des personnages guignolesques, stylisés, sympathiques et attachants – et décors de studio miniatures, soin, créativité, absurdité des situations comiques, rebondissement de gags (pas assez exploités), fantaisie et attendrissement. Un style anglais unique, qui permet de passer un bon moment entre petits et grands. Néanmoins, si l’ambiance et la technique sont formidables, le scénario est, en revanche, conventionnel, un peu paresseux, assez plat et décevant. Tout un film sur le foot, sans approfondir les époques abordées et leurs différences didactiques, c’est dommage. Et les personnages auraient du se démarquer davantage, avoir plus d’étoffe, de profondeur dans leur personnalité. Rien de bien magique ou surprenant dans cette aventure qui mise sur de petits rebondissements façons blagues inattendues (et un peu lourdes, il faut l’avouer). Il est davantage question de cliché que de grain de folie. Cro Man ne marquera pas l’esprit des adultes … il est en-dessous des précédentes réalisations de Nick Park. Mais il reste au-dessus de nombreux divertissements pour enfants. Et il offre un joli message de courage, d’amitié et de solidarité.

(NB : Par le réalisateur de Wallace et Gromit, Chiken run et Shaun le mouton)

Un film à l’affiche aux Cinémas Studio (Toutes les informations utiles sur leur site internet) et aussi dans les cinémas CGR de l’agglomération (toutes les informations utiles sur leur site internet).

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