Elle a travaillé pour l’artiste électro Fakear ou encore pour le prestigieux festival américain Burning Man et la voilà impliquée dans un projet au long cours avec le laboratoire de recherche tourangeau sur les insectes (l’IRBI). Dans les prochains mois, Alexia Defluff va disséminer ses créations dans le bois de Grandmont et publier une série de gazettes à l’esprit rafraîchissant. Nous l’avons rencontrée.
« Si vous ne comprenez pas tout c’est tout à fait normal car il s’agit d’un projet artistique, et que c’est un milieu dans lequel il est important de produire des objets que les gens ne comprennent pas pour être pris au sérieux » : Alexia DeFluff a choisi l’autodérision pour se présenter aux étudiants de l’Université de Tours. En ce début de mois d’octobre, elle a rédigé un petit journal de 4 pages avec des punchlines dignes du Gorafi, des fausses pubs et des textes aux phrases énigmatiques. On peut y voir un projet humoristique, mais il faut bien explorer le contenu pour saisir son but ultime : via cette gazette, l’artiste démultiplie l’impression du sigle IRBI, ou Institut de Recherche sur la Biologie de l’Insecte. Tellement qu’il finit par vous paraître familier.
Installé sur le campus de Grandmont, ce laboratoire de l’Université de Tours est en pointe en ce qui concerne la recherche autour des insectes. La classe ! Encore faut-il avoir connaissance de son existence. Pas sûr qu’une majorité des étudiants en lettres, en droit ou en musicologie soient au courant. Ça vaut aussi pour l’ensemble du contingent d’une rame de tramway aux heures de pointe. Ce n’est pas grave – on ne peut pas tout connaître – mais du coup c’est peut-être l’occasion de s’y pencher… D’autant qu’il fêtera ses 60 ans l’an prochain.
Un intérêt de longue date pour les insectes
Pousser à la curiosité, voilà une des ambitions d’Alexia DeFluff. Elle va passer l’année en résidence à l’IRBI à raison d’une semaine par mois. Assurant être passionnée par les insectes quand beaucoup de gens en ont peur (ou les anéantissent à coups de produits chimiques), elle voit ce projet comme une aubaine même si la jeune femme reconnait qu’elle ne comprend pas encore tout quand elle discute avec les chercheurs. Comme elle le dit pour l’art, c’est probablement « tout à fait normal »… Au cours des prochains mois, son rôle va consister à lever un peu plus le voile sur ce le travail de l’équipe de l’institut. Pas à la façon d’une conférence avec diffusion de Powerpoint mais via la création. Donc si vous voyez apparaître des sortes d’insectes géants entre les arbres du bois de Grandmont dans les prochaines semaines, repensez à cet article, vous serez sur la bonne piste.
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Alexia DeFluff a commencé par des études dans l’animation 3D pour le cinéma… un cursus qui l’a dirigée vers la pub : « J’aimais bien raconter des histoires et créer des personnages mais dans le monde du travail je me retrouvais à faire uniquement du Rolex ou Duracell. Ça ne m’a pas plus donc j’ai opéré une transition vers les arts numériques et interactifs. » Résidente de Bagnolet en Seine-Saint-Denis et membre d’un collectif d’artistes avec ses amis, elle évolue progressivement vers un mix entre œuvres numériques et physiques en utilisant principalement des matériaux recyclés (« dans les poubelles, on trouve bien plus que ce qui est nécessaire »). Parmi ses créations marquantes : une clé, attraction du célèbre festival américain Burning Man en 2018 mais aussi un labyrinthe itinérant à base de bambou, chambre à air et tissu.
Des œuvres souvent éphémères
Avant d’arriver à Tours où elle passera une semaine par mois, l’artiste francilienne (mais originaire du Sud-Est) a travaillé sur un projet d’exposition consistant à imaginer un faux salon pour présenter les robots capables de remplacer les insectes en cours de disparition. Un chantier avorté en raison de l’épidémie de coronavirus mais l’appel de l’Université de Tours pour une résidence avec l’IRBI a fait office de Plan B de 1ère classe : « C’était un signe du destin. Le format est assez génial » s’enthousiasme ainsi Alexia DeFluff qui imaginait au départ un projet 100% numérique mais qui a tout retravaillé après avoir bien pris conscience de ce qui se passait à Grandmont. Ses plans consistent donc à créer « un folklore imaginaire » autour des insectes, dans le bois de Grandmont à Tours-Sud, au cœur du campus.
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« Il y aura des énigmes, des choses à résoudre » poursuit la jeune femme qui complétera ses entretiens avec les chercheurs par des ateliers avec les étudiants. Les premières œuvres concrètes devraient voir le jour en novembre, composées notamment à partir de bois récupéré dans la forêt. L’une d’elles pourrait y rester définitivement, les autres étant à visée éphémère ou en tout cas temporaire (avec du son, de l’électricité…).
Un degré en plus :
Il y a un mois, Alexia DeFluff a installé une tête de chèvre en bois tout près de chez elle, dans le cadre d’un projet artistique sur un terrain vague voué à devenir une galerie urbaine. Une première sortie marquante après des mois de disette en raison de l’épidémie de Covid : « L’intégralité de mes projets ont été annulés. Si je n’avais pas eu cette résidence à Tours ça aurait été un enfer » explique-t-elle. Travaillant beaucoup pour le monde événementiel, l’artiste est inquiète de l’avenir : « Pour que les festivals se remettent ça va prendre beaucoup de temps. Leur économie est fragile et instable. C’est une erreur de faire payer à la culture le prix de la crise sanitaire. »
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