A Tours, le CCC OD accueille l’exposition la plus aquatique de l’été

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Un plongeon dans une salle sombre et trois éclaboussures de lumière : au fond, à gauche et à droite. Sur les écrans, la mer. Ou plutôt un aperçu de la mer, et des allégories visuelles ou sonores pour s’en éloigner. Presque l’oublier. Depuis le 22 juin, Nikolas Chasser Skilbeck s’est installé dans une petite salle du CCC OD tourangeau pour une exposition immersive inédite. Et hypnotique. Nous l’avons rencontré.

Nikolas Chasser Skilbeck est du genre compulsif : toujours de quoi filmer à proximité. Pas pour alimenter des comptes sur les réseaux Internet mais pour agrémenter une grande banque de contenus. Il les garde ainsi en mémoire sur un ordinateur, jusqu’au jour où ils sont prêts à en sortir pour une exposition. C’est un peu ce qu’il s’est passé pour My Mind Is Going (= mon esprit s’en va), présentée jusqu’au 22 septembre dans la petite salle sombre à l’entrée de la galerie noire. Une pièce habituellement remplie de chaises qui n’avait encore jamais accueilli de telle installation depuis l’ouverture du Centre de Création Contemporaine en mars 2017.

2017, c’est l’année d’origine des images de Nikolas. Une séquence de 2 minutes traitée de 6 manières différentes, et diffusée en boucle toute la journée. On y découvre de l’eau qui jaillit, le regard attiré par l’écume et les éclaboussures : « c’est la traîne d’un bateau, en Toscane. Je trouvais que l’eau avait quelque chose d’intéressant, c’est un référent universel chez l’humain. On a tous regardé les gouttes glisser sur les vitres un jour de pluie, ou alors la mer, la rivière voire l’océan avec un peu de fascination » disserte l’artiste tourangeau de 34 ans exposé depuis 2011 à Paris, à Lyon, au Japon ou à Porto après une résidence organisée dans le cadre d’un échange artistique Touraine-Portugal.

Un travail sur le flux, le mouvement et la pensée

Nikolas Chasser Skilbeck est un vidéaste attaché à conférer une histoire singulière à ses séquences via une post-production créative et minutieuse. A Porto, il avait par exemple travaillé sur les monuments de la ville, dont le pont emblématique à double tablier qui enjambe le fleuve. Un projet présenté quelques mois plus tard au Château de Tours : « j’y ai vu le directeur du CCC OD Alain Julien-Laferrière qui avait également découvert ma création autour du chantier de la 3e voie de l’autoroute A10 au sud de Tours. On s’est dit que ce serait intéressant de montrer mon travail dans un espace plongé dans le noir. »

A cette date-là, le trentenaire avait déjà commencé à transformer sa vidéo initiale. Il a poursuivi le processus avec le désir de créer une ambiance particulière : « c’est un travail sur le flux, sur le mouvement de la pensée. » De fait, on se retrouve un peu perdu, circonspect, au milieu de ses écrans. Faut-il les regarder tous ensemble, ou un seul à la fois ? Rester en retrait ou dépasser la ligne tracée au sol ?

Un son venu de l’espace

Quelques personnes entrent, restent plus ou moins longtemps. Parfois silencieuses, ou plus agitées s’il s’agit d’enfants. Certaines osent des selfies qui finissent sur Instagram : « le spectateur est le 4e mur » glisse Nikolas Chasser Skilbeck. Alors à chacune et à chacun de déceler un message, d’aller chercher un sens. Cette eau rouge, est-ce du sang ou une référence à Kubrick ? Ce bleu intense, peut-être de l’encre ?

« Je ne veux pas que les gens s’écroulent mais qu’ils perdent un peu pied »

Nikolas Chasser Skilbeck

« La première séquence est proche de l’image originale puis les couleurs varient » indique l’artiste pour nous guider. Il a accompagné sa boucle d’une ambiance sonore qu’on pourrait croire sous-marine, mais en réalité réalisée à partir d’un son… de l’espace, étiré, et émaillé de quelques repères sonores (des voix, des cloches…). Le tout captive voire hypnotise. On peut même se figurer que c’est l’enregistrement d’une échographie. « Et quand on sort on s’y est habitué, le son nous hante, il reste avec nous. Presque plus que les images. »

Impossible de se fixer définitivement sur un ressenti ou une explication. Ici, rien de terre à terre. Un mécanisme volontaire de Nikolas : « c’est aussi un travail sur la vision de la circulation des informations aujourd’hui. Quelque chose qui va très vite et a du mal à s’arrêter. Avec les réseaux, on est sans cesse confronté à de nouvelles informations. C’est devenu difficile d’avoir une opinion sur telle ou telle chose. Il y a tellement de paramètres que l’on a du mal à se focaliser sur un point précis. »

Une réflexion aussi juste qu’effrayante.

« C’est avant tout un travail sur le sensible et la sensation » résume le jeune tourangeau qui livre ici une exposition toute personnelle, pour ne pas dire intime. Parce que l’eau est la base de la vie, et irrigue son quotidien : « j’ai besoin d’aller à la mer au moins une fois par an. De mettre la tête sous l’eau. Je ne suis pas quelqu’un de mystique ou religieux mais je ne m’empêche pas de croire qu’il y a une certaine synergie entre les hommes et la nature. Je ne l’explique pas scientifiquement, mais il y a quelque chose de très puissant à être sous l’eau. Quand je prends mon ban et que je m’immerge, c’est le moment où j’arrive le mieux à entrer en moi. » D’où le terme de « sas » pour présenter son exposition estivale. Une porte vers un certain subconscient en suspension.

Crédits photos : CCC OD.


Un degré en plus :

Le travail de Nikolas Chasser Skilbeck avec le CCC OD ne fait que commencer. Cet automne il partira en Egypte pour une résidence dans le désert, la deuxième organisée par le site tourangeau. Objectifs : peut-être changer sa manière de filmer et continuer ses recherches. Il aura deux mois entiers pour s’y consacrer.

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