Signes des Temps #53 Rubbish Art place Anatole France

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Le pitch : « Signes des Temps » ce sont des images chassées par notre journaliste Laurent Geneix dans les rues, les bâtiments et les chemins de la Touraine ; des traces laissées par l’Homme pour l’Homme, parfois très claires, parfois très floues, violentes, commerciales et/ou drôles, mais toujours signifiantes – que ce soit grâce à des mots, des dessins ou des symboles – et potentiellement visibles par tous.

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Bon déjà, la Place Anatole France peut-elle encore être qualifiée de «place» ? Vous avez quatre heures. Et tiens, on en profite pour saluer les futurs bacheliers qui suent à grosses gouttes avant les résultats alors que le taux de réussite au bac en France ressemble au résultat des élections en Corée du Nord (comment ça, il n’y pas d’élections en Corée du Nord ? J’écris ce que je veux, je suis sur 37 degrés).

Alors que les minous de Chanoir ont rendu l’âme depuis longtemps (un bon coup de pelleteuse, c’est le moyen le plus radical pour se débarrasser des félidés ; les canidés et leurs crocs de tapettes peuvent aller se rhabiller), voilà que le street art repointe le bout de son nez dans le quartier. Enfin bon, on devrait dire «pointe» parce que des personnes très informées sur le sujet disent que Chanoir c’était un vendu qui copine avec les autorités et qu’à partir du moment où tu te mets d’accord avec des gens pour peindre des trucs sur les murs d’une ville, tu ne fais plus du street art, mais un truc un peu naze qui n’a plus aucune valeur artistique. C’est un peu comme l’album «Never mind the bollocks» des Sex Pistols, en fait : comme il est sorti chez Virgin Records, ça veut dire que les Sex Pistols c’était pas des vrais punks, mais des vendus au système. CQFD.

Donc, voilà, on reprend : après une manif (vous savez le truc qui ressemble un peu aux 10km de Tours, mais où certains participants marchent avec des petits drapeaux rouges dans la main, qui a lieu deux fois par semaine et qui change de tracé régulièrement ?), il y a quelques semaines des gens ont tagué sur des palissades de chantier des messages super philosophiques et longuement réfléchis comme «El Khomri, des conneries» ou «Hollande retourne dans ton pays de fromages».

Pas contente, la Ville de Tours a tout repeint dès le lendemain. Mais pas contents non plus, les poètes de la rue ont remis le couvert quelques jours plus tard avec des messages encore plus philosophiques et totalement inédits comme «A la fin c’est nous qu’on va gagner» ou «On n’est pas à la rue, mais c’est la rue qui est à nous», tout ça, tout ça. Bon, au milieu il y en avait des vachement bien, des phrases, mais la plupart ressemblaient étrangement à certaines de Mai 68 qu’on trouve en photo dans les manuels d’histoire de collège, avec des fautes d’orthographe en plus.

Et puis quand même, au milieu de tout ce bordel non censuré (ah c’est vachement beau quand même hein, la liberté d’expression) quelques vérités bien senties, telles que «Luxe partout, justice nulle part», qui résume assez bien le bordel innommable dans lequel l’espèce humaine s’est auto-foutue jusqu’à l’os.

Bref, plus personne n’ose effacer cette littérature engagée et c’est tant mieux parce que, je vais être honnête et arrêter un peu de faire mon vieux réac de droite : trouver pire que des palissades de chantier immaculées, c’est quand même vachement dur.

En fait pour moi, le street art, au final, c’est cette poubelle magnifiquement décorée, avec ses grosses lignes qui tendent vers le trou (ne cherchez pas la contrepèterie), cette irrésistible métaphore, ce mobilier urbain chantant qui te dit «le Monde est magnifique de l’extérieur, mais dedans il y a plein de déchets». Vous voyez, hein, quand on veut faire dans le lyrisme, c’est quand même pas compliqué ?

Je me plais à imaginer l’auteur de ce geste utile, comme le même responsable d’une bonne partie des 176 messages tagués autour, à court d’idées, la tête farcies de fausses bonnes idées dont pas mal ont – faute de mieux – atterri sur la blancheur des palissades, qui fait une halte dans sa logorrhée revendicative et dont les yeux tombent sur cette poubelle. «Ah mais ouais, mais c’est ça le truc, c’est mieux que des mots : je vais décorer cette poubelle».

Que son nom soit sanctifié pour des siècles et des siècles.

Un degré en plus

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