Zéro chômeur de longue durée en Touraine, un objectif réaliste ?

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En Indre-et-Loire, on recensait 24 880 personnes à la recherche d’un emploi depuis plus d’un an à la fin du mois de septembre, 1 470 de plus qu’en septembre 2017. Ces chômeuses et chômeurs de longue durée représentent près de la moitié des inscrit(e)s à Pôle Emploi, sans compter celles et ceux qui ne font pas partie des listes. Comment les aider à retrouver un travail ? Un dispositif est expérimenté en ce moment, à la suite d’une idée de l’association ATD Quart Monde : les Territoires Zéro Chômeur de Longue Durée, des villes et bassins d’emploi où des structures baptisées EBE (Entreprises à But d’Emploi) embauchent en CDI et se chargent de trouver des missions pour leurs salarié(e)s.

En Indre-et-Loire, plusieurs collectivités réfléchissent à la mise en place d’un tel système, et 3 députés LREM sont impliqués dans le suivi de leurs démarches (Fabienne Colboc, Daniel Labaronne, et Philippe Chalumeau). Pour comprendre de quoi on parle, quels sont les enjeux de cette initiative, et quels peuvent être ses impacts, entretien avec Claude Harout de Pacte Civique, l’un des artisans du projet (avec, également et entre autres, l’Entraide Cantonale de Montlouis).

 

Quelle réflexion est à l’origine de la création d’un Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée (TZCLD) ?

C’est une initiative qui s’appuie sur une loi votée à l’unanimité en février 2016 avec l’ambition de lancer une expérience sur 10 territoires en France. On part de l’idée que personne n’est inemployable. Les gens privés d’emploi ont tous des savoir-faire et des compétences. Ce n’est pas le travail qui manque mas l’emploi : dans nos sociétés de nombreux besoins ne sont pas satisfaits aujourd’hui. Ce que l’on se dit, c’est donc que l’on va utiliser l’argent du chômage autrement. Au lieu d’indemniser des chômeurs, on va transformer cet argent en salaires pour embaucher en CDI et rémunérer ces personnes comme tel. En faisant ceci, vous inventez des emplois nouveaux. Dans les territoires sur lesquels vous intervenez, vous créez de nouvelles prestations de services appréciées des populations.

Donc une association engage des chômeurs de longue durée et se charge de leur trouver des missions ?

Une association, oui, ou alors une structure sous une autre forme juridique, il y a plusieurs possibilités. L’idée est en tout cas de faire de l’intermédiation : on va vers les chômeurs de longue durée, on voit avec eux ce qu’ils veulent faire, ce qu’ils peuvent faire. La démarche est libre : s’ils ne veulent pas faire, s’ils ne sont pas motivés, ils ne rentreront pas dans le processus. S’ils ont envie, on va essayer de trouver sur le territoire une activité correspondant à leur savoir-faire.

« En novembre 2017, plus de 500 CDI avaient été signés dans les territoires expérimentaux. »

Et si vous ne trouvez pas de missions ?

L’échec fait partie du jeu mais lorsqu’on regarde ce qu’ont fait les 10 TZCLD expérimentaux ils ont tous trouvé des emplois aux chômeurs de leur territoire. A Mauléon (Deux-Sèvres), on pense qu’ils auront atteint l’objectif des fameux zéro chômeur de longue durée sur leur territoire par exemple en proposant des missions de plomberie. Il existe également des services de conciergerie et même une production de meubles design à partir de bois récupéré. Les autres nous montrent qu’ils cheminent vers cet objectif qui parait incroyable, donc en Touraine on pense faire aussi bien. Vous avez raison, ce n’est pas sûr. Mais si, sur une collectivité locale, on a – admettons – 120, 130 chômeurs de longue durée, si déjà on réussit à offrir à plus de la moitié un retour vers un travail en CDI on serait fiers de notre boulot.

L’expérience que vous cherchez à mener en Touraine concerne quels territoires ?

Actuellement plusieurs sont en approche : Montlouis-sur-Loire, Nazelles-Négron, Bléré et la Communauté de Communes Touraine Val de Vienne. Ces 4 territoires sont à des niveaux d’évolution différents, celui qui semble le plus avancé étant la CCTVV (Panzoult, Saint-Epain, Courcoué, Braslou, Sainte-Maure-de-Touraine, Pussigny, Richelieu…, ndlr), Nazelles-Négron vient de prendre une délibération en conseil municipal pour lancer une étude de faisabilité. Montlouis et Bléré devraient suivre. Par ailleurs, Avoine et Bourgueil ont été approchées.

L’accord des élus locaux est indispensable ?

Pour nous c’est le cœur de la démarche, c’est fondamental. Après, il faut faire fonctionner la société civile et les élus ensemble ce qui se fait de manière avancée sur la CCTVV et ce qui se prépare à Nazelles-Négron. Sur Nazelles, nous allons en cette fin d’année rencontrer les chômeurs, on en compte 189 sur 4 000 habitants. Il faut qu’on aille vers eux, qu’on les motive pour rentrer dans le dispositif.

Bléré : 5 000 habitants, 240 chômeurs de longue durée

Les solutions on veut les coconstruire avec Pôle Emploi, les associations et les acteurs économiques pour travailler sur les services nouveaux… Il y en a plein : ce sont des pistes mais on peut imaginer qu’au lieu d’investir 200-300 000€ pour une supérette qui a du mal à fonctionner on redécouvre tout simplement les fameuses tournées de commerçants. On achète une camionnette qui servirait tous les villages des alentours. Financièrement ça coûte moins cher avec un meilleur service. Autre éventualité : un élu nous dit qu’il y a un souci pour le ramassage des déchets verts avec des gens qui ne vont pas forcément à la déchetterie. Est-ce qu’on ne peut pas imaginer créer un service de ramassage ? Ce genre de réflexion sont nombreuses, je pense également à l’accompagnement des personnes âgées qui ont besoin d’aller chez le médecin.

Voilà donc ce que nous allons faire : chercher des réponses à des problèmes du quotidien, et ces réponses pourraient être financées par le dispositif TZCLD.

D’où arrivent les fonds pour faire fonctionner l’association et les premiers salaires ?

Actuellement dans le dispositif expérimental encadré par la loi de 2016, vous avez un fonds présidé par louis Gallois (ancien PDG d’Airbus, ndlr). A chaque fois que nous allons créer un emploi en CDI, ce fonds d’expérimentation va verser 17 à 18 000€. On sait qu’un poste à temps complet pèse plutôt 24-25 000€. Il sera donc financé en partie par ce fonds et il vous faut trouver par les services que vous facturez 5 à 7 000€.

On a 5 ans pour regarder si ça marche. Si au bout de 5 ans on constate que cela amène beaucoup de valeur ajoutée au territoire, et que globalement ça coûte moins cher à la société, alors le gouvernement risque de se dire qu’on peut plutôt aller vers ce type de schéma en activant les dépenses relatives et ainsi le généraliser à toute la France.

« Si on démontre que ce schéma-là est bien meilleur que le schéma actuel, parce qu’on remet des gens dans le travail en amenant des services en plus, alors je pense qu’on aura envie de partager de système. »

Ce sont des CDI… à temps plein ?

Au début, les personnes embauchées partent à temps « choisi », à temps partiel car elles ont besoin d’un temps d’adaptation et d’accompagnement. Notre dispositif permet de faire du sur-mesure. On commence à 20, 30, 40, 50% et on peut aller vers le 100%, l’objectif final.

L’idée est que ces chômeurs restent un moment dans l’association avant d’aller ailleurs ?

Absolument. A partir du moment où vous remettez ces personnes dans une vraie entreprise, avec un vrai CDI, elles retrouvent une capacité d’employabilité et demain quitter ce que l’on appelle dans notre jargon des EBE (Entreprises à But d’Emploi) pour aller dans une autre entreprise et continuer son parcours professionnel. Si on réussit à réintégrer 50% de ces personnes, voire plus, dans le monde du travail on aura réussi notre engagement citoyen.

On peut raisonnablement estimer un lancement officiel du projet à quelle échéance ?

L’exercice est enthousiasmant mais très exigeant. Il faut que l’on réussisse à mobiliser le territoire, faire travailler ensemble des acteurs différents (élus, dirigeants d’entreprises, associations) pour coconstruire des réponses qui fonctionneront sur le territoire. Le temps est donc variable d’un territoire à un autre mais, si ça se trouve, dans 6 mois on sera prêts à Nazelles-Négron… mais on ne le sait pas encore. On avance au rythme du territoire.

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