Une Tourangelle crée des meubles à partir de déchets verts

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On savait la Touraine créative en matière de design. On vous avait déjà parlé de Hors Studio, entreprise qui utilise par exemple des chutes de coquilles d’huîtres et s’investit globalement dans ce qu’on appelle l’upcycling. Il y a aussi Precious Plastic, qui développe une filière de recyclage à Mettray. Dans le même esprit nous avons aussi rencontré Roxane Lihoreau, d’O’Nyme Studio dont la spécialité est la création d’un matériau à partir de déchets verts. Installée aux ateliers de la Morinerie de St-Pierre-des-Corps et récompensée par un prix au concours de l’entreprenariat au féminin et par Pépite Centre-Val de Loire, elle a présenté sa première chaise à la France Design Week de Tours début septembre.

Vous vous définissez comme éco-designer, est-ce que vous pouvez expliquer ce que ça signifie ?

Cela représente une certaine catégorie de designers tournée vers l’écoresponsabilité. Ça veut dire qu’on va faire attention à l’échelle de production d’un objet, on va l’adapter à la cible choisie, faire attention à tout ce qui va être emballage et packaging pour les minimiser et d’en faire des vertueux ; on privilégie la réparabilité, on prévoit en amont la fin de vie de l’objet… Globalement on pense à l’impact environnemental d’un objet dès le départ et tout au long de sa conception.

Cela demande plus de réflexion en amont ?

Au départ oui, après on prend des réflexes. Et si on suit une trame ça devient logique : on va optimiser le packaging d’entrée, penser à des objets avec un process différent… D’ailleurs je n’ai pas compris tout de suite que j’étais éco-designer. C’est arrivé plus tard, en rapport avec ce que j’avais déjà réalisé. J’ai toujours eu une sensibilité à l’écologie, l’environnement, la nature. Pendant mes études, je me suis rendue compte de la quantité de déchets produite à travers mon activité et ce qui en découlait comme les émissions de gaz à effet de serre. J’ai donc voulu agir et décidé de ne pas continuer comme ça pour rester en accord avec mes valeurs. C’est là où j’ai commencé mes démarches de recherche.

Et où êtes-vous arrivée ?

Mon projet principal est le développement d’un éco-matériau que l’on a appelé Bosco. Il est fait à partir de déchets recyclés : tontes de pelouses, feuilles, fleurs… On les mélange, on les transforme et on en fait un matériau utilisable dans le mobilier, la décoration, l’architecture et plein d’autres domaines. A côté de ça on utilise également des matériaux upcyclés comme des structures de chaises vouées à être jetées. Pour le moment ça reste des prototypes mais on veut faire des échelles de production raisonnées et continuer l’écoconception dans le développement du produit.

Donc on peut vous donner les pieds de tomates arrachés du jardin, et ils vont devenir des meubles ?

Exactement. On n’utilise pas le bois, les souches ou les bûches mais toutes les fleurs fanées sont bonnes à prendre : on a d’ailleurs un partenariat avec une fleuriste de Fondettes. Tout le monde peut nous proposer sa contribution.

Mais ça ne reste pas pur, vous y rajoutez d’autres choses ?

C’est mélangé à des liants que l’on tient secrets, puis le matériau est formé en plaques auxquelles on peut donner différentes formes.

Et rassurez-nous ça ne se transforme pas en compost ?

Ça tient dans le temps en tout cas. Et c’est l’objectif : proposer un objet qui dure, sinon on serait en contradiction avec nos principes. On a déjà pu créer une chaise, une lampe, des cadres, des coupelles… Les possibilités sont assez illimitées. On espère collaborer avec l’industrie textile pour de prêt à porter afin de proposer ce matériau à qui veut l’utiliser.

Il y a une certaine fierté à avoir créé son propre matériau ?

C’est un parcours long et on ne s’imagine pas tout ça quand on commence mais oui des fois je m’assois devant et je me dis que c’est moi qui ai fait ça… C’est valorisant mais surtout très encourageant d’un point de vue écologique. Je me dis que si moi, avec deux ans de recherche, et pas du tout de connaissances en chimie, j’ai pu construire cette démarche là je me dis que c’est relativement accessible.

L’idée vous était venue comment ?

C’était pendant le confinement. J’étais chez moi avec un diplôme à passer et je me suis penchée sur cette question des éco-matériaux en ne pouvant commander absolument rien. Tout était complètement à l’arrêt. J’ai commencé à récupérer ce qu’il y avait autour de moi et à les mélanger à des liants que je trouvais par ci par là, les plus naturels possibles. De fil en aiguille ça a commencé à donner des choses intéressantes. Après mon master je me suis dit que j’avais quelque chose à faire avec ça.

Quelles ont été les réactions à votre innovation ?

Très bonnes, notamment lors de la France Design Week à Tours. La prochaine étape c’est de collaborer avec des designers, des artisans, pourquoi pas même ébénistes puisque le matériau ressemble beaucoup au bois. Certains sont déjà intéressés. On a beaucoup de designers qui remettent en question les dommages de leur production et qui cherchent à valoriser des déchets, produire autrement. Rien que dans la région on en a quelques-uns et encore plus dans le monde : coquilles d’œuf, huîtres, marc de café… Enormément de designers veulent utiliser les déchets pour ne plus puiser dans nos ressources naturelles. C’est une très bonne nouvelle.

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