Un an de Covid en Touraine : « Pendant la guerre nous étions en deuxième ligne »

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En Indre-et-Loire, la première vague de l’épidémie de coronavirus coïncide avec le début du mois de mars 2020. Oui, cela fait un an. 12 mois qui nous semblent avoir duré une éternité. Que peut-on en retenir à froid ? Quel ressenti ? Quelles leçons ? Aujourd’hui on en parle avec Mark Eftimakis, à l’origine du vaste projet des Makers 37. Une initiative qui a permis la fabrication de milliers de visières de protection et d’une série de masques spécifiques pour les chirurgiens.

Marc Eftimakis fait partie de ces gens dont l’élan de solidarité a marqué les esprits lors du premier confinement anti-Covid. Un peu à l’image de Mélanie Bresson qui a lancé le mouvement des Couturières Masquées (des milliers de masques en tissu produits depuis) ou Claire Lefranc à l’initiative du réseau de solidarité Tours Mon Amour. Le Tourangeau se souvient de l’origine de son projet :

« C’était un dimanche. J’ai vu une publication Facebook montrant comment les Italiens avaient transformé des masques de plongée Decathlon en masques de protection avec filtre anti-Covid et j’ai trouvé ça génial. Le lendemain je l’avais encore en tête. Je ne connaissais rien à l’impression 3D mais je me suis dit que s’il suffisait d’imprimer trois trucs pour assurer cette transformation ça devait pouvoir se trouver. Après ça tout est allé très vite… »

En quelques jours Marc réunit 3 personnes, puis 5 et jusqu’à 250 sur le forum Discord dédié à l’opération. Nom de code du collectif : Makers 37, similaire à d’autres organisations nées au même moment un peu partout en France. L’idée de base était donc de produire des masques haute performance avec filtre anti-Covid à partir d’ustensiles de plongée : « Decathlon a rouvert son magasin de Tours-Nord exprès pour moi. Ils avaient 53 masques en stock et ils en ont fait don à l’hôpital. » Les ustensiles ont été utilisées par des chirurgiens : « Ils expiraient dans la salle d’opération mais inspiraient de l’air filtré. Ils portaient ça à la place des masques FFP2 pour avoir une protection faciale totale. »

Une organisation quasi militaire… mais à l’arrache

La 2e étape a été plus massive encore : en moins de 6 mois, 12 000 visières de protection ont été réalisées via la mobilisation des bénévoles. « On a livré l’hôpital, les infirmières, les aides à domicile et les EHPAD » se souvient Marc Eftimakis. Une organisation à la chaîne, dans l’urgence… Un poil à l’arrache mais efficace : « Pour les infirmières on avait un réseau de 6 pharmacies où on déposait les visières. On leur disait ensuite où venir les chercher en fonction du stock. » A force de grossir, l’équipe se trouve un rythme de croisière :

« On a été rejoints par Polytech, le lycée Vaucanson ou le Fab Lab de Mame. Nos concepteurs mettaient parfois des réveils la nuit pour maximiser la production. La préfecture nous avait fait des autorisations de déplacements pour 4-5 personnes qui s’occupaient de la répartition des matières premières achetées puis de la collecte des feuilles après la production. L’idée c’était de sortir le moins possible. Pour l’assemblage, on se réunissait au HQ avec des binômes de deux personnes confinées ensembles, équipées de masques et de gel. On travaillait comme ça des journées ou soirées entières. »

L’ensemble des protections réalisées par le collectif Makers 37 ont été offertes gratuitement, « et quand on a commencé à être démarchés par des entreprises privées on les a redirigées vers des sociétés qui commençaient leur propre production » contextualise Marc Eftimakis. Afin de financer l’achat des matières premières il y a eu un appel aux dons sur le site Leetchi : 5 000€ ont été récoltés en quelques jours + 2 000€ apportés par Harmonie Mutuelle. De quoi poursuivre les opérations bien après le déconfinement du 11 mai : « On a pu équiper les dentistes, les orthophonistes ou les kinés. » Ne pas oublier qu’à cette époque le port du masque commençait tout juste à se généraliser.

Le modèle de protection pour des lits de réanimation.

Au cœur du printemps, la cadence ralentit : « On a commencé à dire aux makers d’y aller mollo. A la fin, on leur a juste laissé une bobine au cas où il faudrait reprendre les fabrications en urgence. » Il restait alors 1 500 visières dans les cartons. 1 000 ont été offertes à l’ambassade de Bolivie « qui avait envoyé un message en expliquant qu’elle ne savait pas comment ils allaient s’en sortir dans leur pays. » Le stock est parti dans un avion cargo. Le reste a permis de répondre à quelques besoins ponctuels.

Un engagement pour « reprendre foi en l’humanité »

Et après ? Déjà les membres les plus actifs ont organisé un grand barbecue à la Gloriette, à une époque où les règles sanitaires permettaient ce genre de retrouvailles. Le collectif s’est ensuite constitué en association dont Marc Eftimakis a lâché la présidence pour la laisse à un certain Pierre, qui fait aussi partie des piliers de l’aventure. Avec des subventions de la région Centre-Val de Loire et de la préfecture d’Indre-et-Loire, la structure a produit une dizaine de protections utilisées par les équipes médicales chargées d’extuber des patients, le but étant d’éviter des projections de gouttelettes contaminées par le coronavirus au moment de ces interventions. Les livraisons ont notamment été effectuées à la clinique Vinci à Chambray. Depuis quelques jours, l’activité se concentre sur la production de boîtes pour transporter et stocker les flacons de vaccins à la demande des pharmacies et généralistes pas équipés en matériel pour ce genre de produits : « Certains médecins les transportent dans des boîtes d’œufs » nous apprend-on.

Le modèle de boîte à vaccins.

Justement, dans quelles mesures les Makers de Touraine ont permis de pallier aux carences de l’Etat lors de cette crise sanitaire ? Marc Eftimakis esquive un peu : « Sur le forum on avait une règle pour ne pas rentrer de près ou de loin dans la critique ou la politique. On a fait ce qu’il fallait faire, parce qu’il n’y avait pas d’autre alternative à ce moment-là. Pendant cette guerre nous étions en deuxième ligne. On était hyper contents d’être utiles avec nos dix doigts. J’ai souvent entendu des membres dire qu’avec ce projet ils reprenaient foi en l’humanité. » Lui-même se dit ému par toute cette aventure, malgré le manque de sommeil et l’intensité de la tâche. La récompense ? Les photos des bénéficiaires avec leurs visières sur la tête : « On a reçu des tonnes. »

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