Tupperware : La fin !

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Ce mercredi 28 février, l’usine Tupperware de Joué-lès-Tours a définitivement fermé ses portes. La fin d’une histoire entamée en 1973. Sur place, ils étaient encore 235 salariés présents. Beaucoup ont tenu à marquer le coup avec un pot de départ commun. Reportage

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Ils s’étaient préparés à ce jour. Depuis plusieurs semaines, ils l’attendaient ou le redoutaient. Ce mercredi 28 février 2018, le couperet est tombé : l’usine Tupperware de Joué-lès-Tours a officiellement et définitivement fermé ses portes en ce jour de février glacial, comme un symbole. Ici, depuis 1973, les célèbres récipients en plastique de la marque américaine étaient fabriqués. Une des 4 usines du groupe implantées en Europe. Le 19 octobre dernier, l’annonce brutale de sa fermeture pour cause « de manque de compétitivité » selon le communiqué officiel, avait été vécu comme un traumatisme chez les salariés. Une onde de choc qui s’était propagée à l’ensemble de Joué-lès-Tours, ville encore marquée par la perte de 700 emplois à Michelin quelques années plus tôt, mais aussi à toute la Touraine.

Après des négociations âpres avec la direction, mais aussi 15 jours de grève et de manifestation, les représentants du personnel avaient réussi fin janvier à obtenir un PSE (Plan de sauvegarde de l’emploi) jugé convenable. Depuis, l’attente de la fermeture se faisait au sein des ateliers tournant au ralenti. « Le cœur n’y était plus, ces dernières semaines on a un peu erré dans les ateliers » explique Valérie, une salariée.

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Usine Tupperware à l'arrêt - février 2018 (c) Pascal Montagne
Usine Tupperware à l’arrêt – février 2018 (c) Pascal Montagne

« On n’était pas préparés à gérer une crise comme cela, on a fait du mieux que l’on pouvait afin de satisfaire un maximum de monde, j’espère qu’on a réussi ». (Pascal Moreau, représentant du personnel)

Ce mercredi 28 février, les salariés avaient décidé de marquer le coup, en organisant un moment convivial autour d’un barbecue, histoire de partager encore un instant leur quotidien. Un quotidien de plusieurs dizaines de décennies pour beaucoup de ces salariés à la moyenne d’âge de 51 ans.

Sur place, c’est une ambiance de pot de départ que l’on retrouve. L’ambiance est calme et bon enfant. Mais si la majorité des 235 salariés est présente, certains n’ont pas voulu venir, visiblement trop touchés par la fermeture.

Une ambiance de dernier jour a toujours quelque chose de particulier, une atmosphère à part, entre nostalgie, sourires et rires partagés mais aussi une envie de figer le temps. « On a vécu quelque chose de fort ensemble et il est l’heure de se dire au revoir, cela me fait penser au dernier jour de mon service militaire avec mes camarades de l’époque » dira un salarié. « Pendant des années on a vécu en petits groupes, dans nos services respectifs, le plan social a soudé un peu tout le monde, cela a permis de mieux se connaître, mais maintenant il faut tourner la page ». 

Derniers moments d’échanges entre salariés Tupperware le 28 février 2018 (c) Pascal Montagne

Une page difficile à tourner pour certains encore sous le coup de l’émotion. « Certains sont un peu perdus. Ils ne veulent pas encore partir, mais là le couperet tombe et demain ils se retrouveront chez eux. Ils vont prendre conscience de la réalité. psychologiquement il va falloir être forts » explique Pascal Moreau, délégué du personnel.

Pour ce dernier comme pour l’ensemble des délégués et représentants du personnel, les 5 mois écoulés ont été également éprouvants. « On n’était pas préparés à gérer une crise comme cela, on a fait du mieux que l’on pouvait afin de satisfaire un maximum de monde, j’espère qu’on a réussi » poursuit-il.

Antonio Constantino (c) Pascal Montagne
Antonio Constantino (c) Pascal Montagne
Pascal Moreau (c) P. Montagne
Pascal Moreau (c) P. Montagne

A ses côtés, Antonio Constantino, délégué CGT qui a été en première ligne des négociations, mais aussi face aux médias. Un apprentissage là aussi avec en prime le devoir de s’oublier un peu face à celui de représentativité. Pour Pascal Moreau comme pour Antonio Constantino, la page Tupperware n’est pas encore tournée. Ces deux derniers font en effet partie de la commission de suivi chargée pendant 18 mois de vérifier que l’accord signé soit respecté à la lettre et que les anciens collègues soient reclassés correctement. « On mettra notre veto à chaque fois que l’on estimera que les conditions ne sont pas suffisantes » préviennent-ils.

La fonction de délégué ou représentant du personnel a quelque chose de presque sacerdotal dans ces moments de crise. « Les gens ne le voient pas forcément, mais on ne pense plus trop à nous, on se sert en dernier en quelque sorte » explique Antonio Constantino. Une responsabilité lourde à gérer humainement et émotionnellement. « Quelque-part je suis soulagé que ça se termine. On va essayer de penser un peu à nous aussi maintenant » poursuit Pascal Moreau. Même discours chez Patrice Richardeau, secrétaire général du CE de l’usine : « J’avais hâte d’arriver au bout, psychologiquement et émotionnellement c’était dur à la fin. Mais là, maintenant qu’on y est cela fait bizarre il faut le reconnaître ». Un sentiment que l’on retrouve chez beaucoup de salariés en ce mercredi, avec d’un côté le soulagement d’enfin tourner une page douloureuse et de l’autre la plongée vers une période d’incertitudes et d’inconnu. « On se rend compte que l’on va être confronté à une autre vie. On est rentré pour certains il y a 30 ans à Tupperware, on a fait la même chose pendant tout ce temps et là on va retourner dans la vie extérieure, dans un monde professionnel qui a évolué depuis, on va devoir se remettre à niveau avec en plus pour beaucoup l’handicap de l’âge » explique un salarié.

Patrice Richardeau (c) Pascal Montagne
Patrice Richardeau (c) Pascal Montagne
Jean-Yves Bauche (c) Pascal Montagne
Jean-Yves Bauche (c) Pascal Montagne

Un plan social n’est jamais anodin. Derrière la brutalité de l’annonce et des chiffres, il casse des vies installées, modifie le cours de l’histoire pour des familles entières. Ainsi évoquant son cas personnel, Patrice Richardeau témoigne : « Il va peut-être falloir devenir mobile géographiquement parce qu’en Touraine il n’y a pas trop d’emplois. Je réfléchis à tout, y compris à vendre ma maison. Il faut se faire à l’idée que l’on doit peut être bouger ailleurs ».

Quelques mètres plus loin, un autre délégué du personnel, Jean-Yves Bauche, s’active au barbecue. A 57 ans, ce dernier fait partie des 38 salariés qui resteront sur place pendant 4 mois pour le démontage des machines et des ateliers. « Une période qui va être un peu étrange » reconnaît-il.

Usine Tupperware de Joué-lès-Tours à l’arrêt. (c) Pascal Montagne

Pour les autres, ce sera donc la recherche de formations et d’emplois, accompagnés par le cabinet Altedia missionné pour accompagner les salariés dans le PSE. D’autres espèrent encore que les négociations avec le repreneur potentiel de l’usine avancent rapidement. Une petite cinquantaine d’emplois pourraient alors être sauvés. Des négociations qui pour le moment trainent, notamment pour des questions financières nous explique une source proche du dossier.

Du côté de Tupperware, c’est donc la fin de l’histoire à Joué-lès-Tours. Enfin presque, l’entreprise gardant finalement une activité logistique sur son site avec 12 emplois. Des emplois pour lesquels Tupperware peinerait néanmoins à trouver des volontaires parmi les 235 employés. Malgré des garanties négociées par les syndicats (certitude d’entrer dans le PSE si l’activité qui devrait être reprise par un prestataire s’arrête dans les 5 ans), seule la moitié des 12 postes seraient aujourd’hui pourvus. « Le problème c’est que les gens n’ont plus confiance dans l’entreprise » explique Jean-Yves Bauche. « Un ressort est cassé et beaucoup n’ont plus qu’une envie, celle de tourner la page ».

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