Rencontre avec des chercheurs dans les cimes du bois de Grandmont

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Situé au sud de la commune, le bois de Grandmont fait partie des poumons verts de la ville de Tours (comme le sont le Jardin Botanique, les Prébendes ou Ste Radegonde). Une forêt dense qui, comme tout espace naturel, subit les affres du changement climatique. Mais dans quelles mesures exactement ? C’est tout l’enjeu du vaste programme de recherche que l’Université de Tours souhaite y mener. Pour ça, ses équipes ont besoin de grimper au sommet des arbres. Nous les avons suivies.

Il faut suivre un petit chemin qui débute à l’arrière du restaurant universitaire. On parcourt quelques dizaines de mètres puis on lève la tête. Là, 18m au-dessus de notre crâne on distingue ce qui pourrait ressembler à un avant-poste de tour de contrôle aérienne, voire une soucoupe volante qui n’a pas fini d’atterrir si on a vraiment pas mal d’imagination. En fait c’est le poste avancé d’équipes de recherche de l’Université de Tours, et notamment de sa section IRBI spécialisée dans la biologie de l’insecte.

Le projet est mené en commun avec le CNRS et l’INRAE. Il consiste à grimper dans les arbres pour explorer leur comportement en hauteur et la richesse de la biodiversité. Si le dispositif ressemble à s’y méprendre à un parcours d’acrobranche comme ceux qu’on trouve à Joué-lès-Tours et Mettray, tyroliennes, plateformes et filet suspendus ne sont là que pour servir de chemin d’accès, de base d’équipements ou de site d’observation. Nom de code : Opération Canopée (la canopée définissant toute la partie la plus haute de la forêt.

Une étude sur plusieurs années

« Cet agencement hors du commun permet aux chercheurs de collecter des données mais aussi de mettre en place un suivi à plus long terme. Ils pourront alors caractériser les différentes espèces présentes dans la canopée, étudier les évènements saisonniers, ou encore mesurer les effets du stress environnemental sur les organismes » explique l’université. Un programme tourangeau, national et même mondial, mené loin des villes, à proximité des centres urbains voire sur des arbres isolés au cœur du béton.

« On essaie d’aller là où la recherche ne va pas habituellement » explique ainsi David Giron, perché dans les branches avec ses outils de mesure. Ce qu’il veut comprendre, c’est comment la forêt réagit au changement climatique, quels types d’insectes on trouve à 30m de haut alors qu’ils sont absents au sol puis comparer ses résultats avec ceux d’une centaine d’autres sites d’exploration (le bois de Larçay dans l’agglomération, mais aussi bien d’autres en France et à l’étranger). De quoi confirmer certains constats déjà évidents :

« On voit le dépérissement forestier, des arbres fatigués et vieillissants. Par exemple le pin sylvestre a quasiment disparu du fait des canicules. Il y a aussi certaines espèces d’insectes qui étendent leur influence, dont certaines pour qui la prolifération est favorisée par le stress des arbres. Dans certains cas c’est bénéfique à la forêt, mais parfois ce sont des espèces invasives et nocives. »

Au total l’étude doit durer 6 ans, avec un début concret en 2023 à Tours. Ce que nous voyons là ne sont donc que des travaux préparatoires. L’idée est de tester le matériel d’observation en vue de le retravailler pour qu’il soit parfaitement adapté aux besoins de recherche. Détail insolite : le créateur de la structure sur laquelle on rencontre David Giron n’a pas du tout imaginé cet outil pour des travaux universitaires. A la base, Erwan voulait juste trouver le moyen de percher un piano dans un arbre pour des spectacles, un sacré défi car « les structures d’acrobranche sont faites pour soutenir 160kg au m² alors qu’un piano à queue c’est 350kg au m². »

Les premiers concerts du jeu ont eu lieu en 2006, avant le développement de structures à proprement parler dans le courant des années 2010. Un projet qui a également permis de faire grimper des personnes en situation de handicap ou alitées, en leur garantissant un maximum d’autonomie (un concept breveté et primé) : « Au Japon depuis les années 80 la sécurité sociale rembourse les balades en forêt » mâche Erwan pour convaincre des bienfaits des arbres, lui qui, via sa branche artistique, cherche à s’écarter des grands raouts de 40 000 personnes au profit d’événements intimistes au plus près de la nature.

Epiphyte 1 et 2, des plateformes conçues pour la recherche

C’est donc dans un calme verdoyant à peine troublé par le ronron lointain des voitures qu’on a mis le baudrier puis qu’on s’est accroché à un treuil pour rejoindre le premier labo forestier tourangeau. La deuxième étape du parcours consistait à suivre une tyrolienne et évoluer dans un filet bringuebalant pour rejoindre une plateforme de tissu assez minuscule, cette fois juchée à 25m. Bienvenue sur Epiphyte 1, qui revient d’un séjour en Martinique après un passage en Centrafrique. Ce n’est donc pas la première fois que des équipes de recherches la foulent du pied : « En milieu tropical c’est courant ce type d’installation mais en Europe on n’a pas l’habitude » précise le chercheur David Giron.

En France métropolitaine les arbres sont moins hauts mais, comme on le dit plus haut, ce n’est pas pour ça qu’il ne se passe pas des choses très différentes entre la base et le sommet. Nous, on a par exemple appris que des spores de champignons voletaient jusqu’à la canopée. Observations réalisées à partir d’un mât qui dépasse la cime des arbres avec ses pièges à insectes et autres outils. Un équipement posé sur… Epiphyte 2, évolution du premier modèle accroché à 30m du sol. On y rejoint son concepteur Philippe qui travaille sur ce type de structures depuis une dizaine d’années et passe pas loin d’une semaine en Touraine pour former les équipes de l’université et trouver le meilleur mode d’installation d’une plateforme encore au stade de prototype. Un processus qu’il espère dupliquer sur d’autres terrains.

En attendant, nous, on a remis les pieds au sol à l’aide d’une corde qui descend les corps et le matériel tout en douceur. Grimper dans les arbres, c’est bien plus que des sensations. C’est aussi une activité qui appelle moult curiosités.

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