Qu’est-ce qui ne va pas à Tours ? Pourquoi, malgré des alertes récurrentes depuis des mois, voire des années, on en revient toujours au même constat ? Chaque nuit, des personnes sont à la rue. Chaque jour, des femmes, des enfants, de jeunes hommes, ignorent où ils pourront dormir. Chaque soir, des dizaines de bénévoles dont la motivation semble ne pas avoir d’égal se démènent avec leurs tripes – voir leur argent – pour trouver des solutions. Pourquoi, cette semaine encore, toutes et tous ont reçu pour seule réponse une réaction froide de l’Etat et des forces de l’ordre ?
Ces personnes qui ont besoin d’aide sont migrantes. Pour une partie des observateurs, cette simple précision suffit à disqualifier leur combat… Déplorable, insupportable et triste. Ces femmes, ces hommes, ces enfants ne demandent pas la Lune, juste de ne pas être forcé(e)s de dormir à la belle étoile quand la température flirte avec les 0° au cœur de la nuit. C’est dans cette seule optique qu’ils ont ouvert les locaux désaffectés du CLOUS du Sanitas avec l’aide d’Utopia 56, de Chrétiens Migrants et du Collectif des Réfugiés de St-Pierre-des-Corps.
En cette période de trêve hivernale, le collectif se voyait bien passer un long moment sur place, en apportant bonbonnes de gaz, eau, matelas ou couvertures. Las, la préfecture en a décidé autrement et a expulsé tout le monde moins de 48h après l’entrée dans le bâtiment, car au-delà de ce délai toute procédure aurait été bien plus complexe.
Clairement, par cette action, les services de l’Etat ont repris la main. Mais s’ils ont proposé des chambres à une partie des personnes du squat, le dispositif déçoit les militants : c’est seulement pour trois nuits et seule une partie du groupe en a bénéficié (sur quels critères ?). Ce lundi soir, l’éternelle traque de toits recommencera. Pour dénoncer l’enlisement de la situation et montrer que c’est bien eux qui sont en première ligne au quotidien, les bénévoles ont marché jusqu’en centre-ville samedi. Une manifestation colérique mais pop, avec des matelas peinturlurés au nom des migrants comme banderoles. Reportage en images et en citations…
« L’Union fait la force ! Vendredi soir, on a été plus de 30 à se cotiser pour payer 3 nuits d’hôtel à une quinzaine de personnes » : Anne, bénévole corpopétrussienne.
« Nous sommes une quinzaine de bénévoles actifs, le travail que nous fournissons équivaut à 7 équivalents temps plein » : Louis Barraud, président de Chrétiens Migrants.
« Merci d’avoir répondu si nombreux à cet appel, enfin on va tous les rendre visibles ! » : Marine, bénévole d’Utopia 56.
« On est fatigués mais déterminés. On a la hargne, on est costauds ! On est persuadés qu’on est légitimes » : une manifestante dans la foule.
« S’il le faut, nous ouvrirons encore d’autres lieux » : une bénévole au micro.
« C’est chouette de voir l’ampleur de cette manif’ organisée du jour au lendemain. Aujourd’hui il y a des têtes que l’on ne voit pas d’habitude » : Marine, Utopia 56.
« On n’a pas traversé la Méditerranée pour faire du terrorisme » : un migrant, Rue Nationale.
Alors que la chanson On lâche rien retentit dans la sono… « En effet, ils ne lâchent rien. Bon, on, va chez Hema ? » : deux ados, de passage.
« On laisse les matelas là, sur le côté. On laisse la police ranger comme ils nous ont laissé dans la merde hier soir » : les bénévoles organisateurs de la manif’.
Face à la vingtaine de policiers en rang pour garder l’entrée de la préfecture… « On ne sait plus où aller, alors on vient vous voir. On vient chercher une solution pour ce soir. Est-ce que vous avez réfléchi dans la nuit à ce qu’on fait de ces gens ? On sera là tous les jours, jusqu’à ce que la préfète nous reçoive. »
Photos : Pascal Montagne
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