Polémique autour du départ de la Préfète d’Indre-et-Loire

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Le 07 décembre dernier, alors que les maires d’Indre-et-Loire sont réunis lors de leur traditionnel congrès annuel, le Conseil des Ministres a entériné le départ de Marie Lajus de son poste de préfète d’Indre-et-Loire, deux ans et demi après son arrivée. Pour certains, ce départ est une simple suite logique d’une fonction qui conduit rarement à s’éterniser sur un même territoire, mais pour d’autres c’est un limogeage en règle, sous la pression d’élus locaux en froid avec la représentante de l’Etat.

Voir une Préfète brandir un article du Canard Enchainé l’évoquant directement, tout en criant « Vive la Presse », lors de son pot de départ, n’est pas quelque chose de banal. C’est pourtant ce qu’on voit sur une vidéo postée sur les réseaux sociaux. Marie Lajus, préfète d’Indre-et-Loire depuis l’été 2020, y brandit un article du Canard Enchaîné mis sous cadre et offert pour l’occasion de son départ.

 Cet article, daté du 14 décembre, évoque les coulisses du départ de Marie Lajus des services de l’Etat en Indre-et-Loire, et notamment les pressions qu’auraient exercé des élus locaux auprès du ministère de l’Intérieur pour bouter hors d’Indre-et-Loire une préfète avec laquelle la relation a plus été sur le registre de la défiance que de la confiance.

Le Canard Enchainé évoque notamment de nombreux SMS envoyés directement au Ministre Gérald Darmanin pour se plaindre de la représentante de l’Etat. Ont-ils été entendus ? Officiellement personne n’a interféré, les élus locaux s’en défendent. Reste que le 07 décembre dernier, le départ de Marie Lajus est bel et bien acté et sans nouvelle nomination derrière. Difficile de ne pas y voir une sanction pour la désormais ex-préfète d’Indre-et-Loire qui sera remplacée début janvier par Patrice Latron âgé de 61 ans et jusque-là directeur de cabinet de la ministre déléguée à la mémoire et aux anciens combattants et auparavant préfet de Saint-Pierre-et-Miquelon de 2011 à 2014 et de l’Yonne de 2017 à 2020.

« Le Da Vinci Labs » au centre de la polémique

Ce qui aurait contribué à la colère des élus locaux ce sont les réserves mises par la Préfecture et le service des Bâtiments de France sur l’implantation de l’incubateur « Da Vinci Labs » dans le parc du château Louise de la Vallière à Reugny. Ce dernier appartient à Xavier Aubry, également patron de l’incubateur en question. Le propriétaire voulait implanter dans le parc du château (qui abrite par ailleurs un hôtel de luxe) le « Da Vinci Labs » en question, en construisant un nouveau bâtiment de 4000 m² permettant d’accueillir des chercheurs et de l’équipement pour développer des technologies en informatique quantique, bio synthétique et en intelligence artificielle.

Seul hic, pour les Bâtiments de France l’intérêt de ce projet est donc soumis à réserves au regard du fait que le nouveau bâtiment doit être construit sur une zone boisée non constructible à proximité directe d’un château classé du XVIe et que dans le cadre de la loi Climat et Résilience de juillet 2021, l’abattage des arbres centenaires du parc ne serait pas autorisé. Des réserves qui n’avaient pas été du goût des élus locaux, ni du député de la circonscription, le macroniste Daniel Labaronne qui avait répondu à nos confrères de la NR il y a quelques semaines en déclarant : « Il y a un décalage entre la perception de la préfecture avec l’écosystème qui soutient Xavier Aubry. Depuis le début, la DDT (direction départementale des territoires) et la préfecture ne croient pas dans le projet. Est-ce qu’on a peur que la France réussisse ? Chaque mois de perdu est un mois de perdu pour l’industrie française. Quand il y a un projet d’intérêt général, il existe des dérogations »

Un sujet qui fait suite à de nombreuses querelles entre les élus locaux, maires en première ligne, et celle qui dirigeait la Préfecture. Parmi les sujets de discordes, citons pêle-mêle : la question des gens du voyage où l’approche de Marie Lajus était jugée pas assez ferme par une partie des maires, celle des éoliennes qu’une grande partie des maires d’Indre-et-Loire (notamment dans le Sud-Touraine) refuse toujours de voir dans les paysages du département (L’Indre-et-Loire est le seul département régional sans éolienne) malgré le fait que la Préfecture ait autorisé trois projets à se lancer (et pour lesquels il y a plusieurs recours des élus), ou encore l’impact de la hausse des coûts énergétiques pour les collectivités et les faibles aides en compensation de l’Etat selon les élus locaux…

L’affaire remonte au Sénat

L’affaire politique et polémique remonte même ces derniers jours au Sénat par la voix de la Sénatrice de Charente Nicole Bonnefoy qui a adressé un courrier à Gérald Darmanin, relayé sur Twitter :

En local, Marie Lajus a aussi ses soutiens, à commencer par le maire de Tours. Emmanuel Denis qui a d’ailleurs profité du conseil municipal, mercredi 14 décembre, pour « saluer son travail, sa rigueur, son sens de l’état, son sens de l’intérêt général, son impartialité inhérente à sa fonction et aussi son humanité. »

Au sein de son équipe, Franck Gagnaire, élu socialiste, adjoint à l’Education à Tours et conseiller départemental, n’a d’ailleurs pas manqué de relayer le courrier de la sénatrice socialiste de Charente, en se demandant si on assiste « à une remise en cause de l’Etat de droit ? », tandis que sa collègue écologiste Betsabée Haas (adjointe à la biodiversité à Tours et conseillère régionale) évoque de son côté : « un limogeage honteux de Mme la Prefete Marie Lajus . Préfète de l’Indre et loire depuis 2020, elle a été une inspiration pour nous toutes et tous par sa probité, son humanité et sa conscience de la fonction et du nécessaire respect de la loi. Les pressions de certains élus non contents des arbitrages rendus auront eu le dernier mot. »

Pour certains, la polémique est également un exemple symptomatique de la vie politique et de ses travers. Une élue tourangelle évoque ainsi en off la question du sexisme en politique, avançant le fait que si Marie Lajus n’avait pas été une femme, certains élus de droite auraient montré plus de respect envers ses décisions et arbitrages. Sur ce point, et à l’écoute de cette élue, nous revient en tête une phrase entendue lors du Congrès des Maires d’Indre-et-Loire de 2021 : « Elle nous fait chier avec son cul pincé », avait-on ainsi entendu à l’encontre de la Préfète lors d’une conversation captée à la volée entre deux maires…

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