[Municipales] Saint-Pierre-des-Corps : le grand suspense

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Qui sera maire de Saint-Pierre-des-Corps pendant les six prochaines années ? Dans cette ville historiquement communiste de 15 000 habitants l’issue du scrutin n’a jamais apparu aussi incertaine. En effet, le retrait de Marie-France Beaufils qui gère la ville depuis 1983 a suscité des vocations : 7 listes se lancent dans la bataille. Plusieurs ont des chances sérieuses, mais elles ne sont pas forcément capables de gagner seules.

7 listes dans une commune de 15 000 habitants ! En voilà une situation cocasse… Dans plusieurs villes de taille comparable (Saint-Avertin, Saint-Cyr-sur-Loire, Chambray-lès-Tours ou Fondettes) on en recense seulement 2. Pareil à Loches. Certes Amboise et Chinon voient 4 listes s’affronter mais cela reste « raisonnable ». Jugez plutôt : d’après une étude des chiffres nationaux menée par le journal Libération, seuls 300 scrutins sur 35 000 se joueront entre plus de 5 candidats les dimanches 15 et 22 mars (19 avec plus de 10 listes, dont Tours et 9 arrondissements parisiens). A raison de 33 candidats éligibles par liste (sans compter deux suppléants potentiels, non obligatoires) cela fait 231 femmes et hommes qui sollicitent les suffrages des Corpopétrussiens soit l’équivalent d’1,5% des habitants de la commune (la moyenne nationale est à 1,34%).

Pourquoi un tel déferlement ? En fait Saint-Pierre-des-Corps est une commune politiquement singulière. Précisons d’abord que déjà en 2014 6 listes participaient au scrutin pour la mairie (5 en 2008, 4 en 2001). De plus l’électorat y est volatile : la faveur aux communistes pour les dernières élections municipales, La France Insoumise à la présidentielle (36% pour Jean-Luc Mélenchon au 1er tour) mais le Rassemblement National aux dernières européennes (19%). Enfin l’abstention y est souvent importante. Autant de paramètres qui rendent la campagne stimulante car mécaniquement indécise.

Une course à la notoriété

Ensuite, il faut rappeler que jusqu’ici les élections municipales de Saint-Pierre-des-Corps étaient presque dénuées d’enjeux : 58% pour Marie-France Beaufils dès le 1er tour en 2001, 57% en 2008 et 51,7% en 2014, encore une fois sans avoir besoin d’un second tour. C’est simple, depuis 1920, les communistes ont remporté toutes les élections municipales et la ville de tradition cheminote fait aujourd’hui figure de véritable bastion. Oui mais d’un autre côté, on entend souvent dire que lors des derniers scrutins, c’est plus la personnalité de sa maire historique qui a convaincu les électeurs. Si elle avait retenté sa chance cette année, Marie-France Beaufils aurait-elle encore réussi à surclasser ses adversaires en une seule manche ? On ne le saura jamais, mais on peut supposer que la chose était loin d’être acquise d’autant plus que la ville perd peu à peu son image de cité cheminote qui vote en masse pour un parti communiste à la politique sociale jamais démentie.

Cette orientation sociale, elle reste néanmoins importante dans cette commune où l’on trouve 19,3% de personnes sans emploi et où le revenu moyen n’excède pas 11 000 euros annuels par habitant. Oui mais la population attend plus aujourd’hui et certains se mettent à espérer d’un plus grand dynamisme. C’est d’autant plus vrai que la sociologie de la commune a également évolué ces dernières années, avec l’arrivée d’une nouvelle population attirée par la proximité de la gare TGV ou des prix moindres que ceux pratiqués à Tours pour ce qui concerne l’habitat. Un argument de plus pour motiver les candidatures au risque d’embrouiller l’électorat.

Selon l’INSEE, la part des Cadres et professions intellectuelles supérieures ainsi que les professions intermédiaires est passée de 16,2% en 2011 à 18,3% en 2016.
Dans le même temps, la part d’employés a baissé (18,4% en 2011, 16,5% en 2016) tout comme celle des ouvriers (de 17,5% en 2011 à 15% en 2016).
A noter également que le taux de chômeurs a lui augmenté, passant de 17,6% en 2011 à 19,3% en 2016.

Ainsi, l’actuel adjoint de Marie-France Beaufils Michel Soulas qui mène la liste de la majorité municipale (Saint-Pierre à Gauch(S) Toute) se retrouve face à deux autres membres de la majorité sortante : Cyrille Jeanneau (J’aime Saint-Pierre-des-Corps) et Jean-Marc Pichon (Saint-Pierre Changer d’R). L’union sacrée des sensibilités de la gauche communiste et socialiste, que Marie-France Beaufils avait réussi à maintenir est donc aujourd’hui oubliée et des personnalités politiquement proches font bande à part en défendant des programmes parfois assez ressemblants. En écoutant le débat des différentes listes organisé par Radio Béton c’était flagrant : il y avait presque plus de « Je suis d’accord avec… » que de « Je ne suis pas d’accord avec… ».

Des mouvements politiques en partie effacés

L’élection pourrait donc – en partie – se jouer sur la notoriété. Celle des personnes, plutôt que des partis car ces derniers se font relativement discrets, voire absents : Emmanuel François (Saint-Pierre Autrement) n’en affiche aucun sur ses documents et Jean-Marc Pichon connu pour militer chez LREM insiste sur le fait qu’il n’y a que 3 encartés du parti macroniste sur sa liste. Seules Anne Brunet (Lutte Ouvrière) et Cindy Laigneau (liste PACTE soutenue notamment par le NPA et la France Insoumise) affichent ostensiblement leurs couleurs.

Dans ce scrutin, il faut donc marquer sa différence via sa personnalité. A ce petit jeu, le poulain de Marie-France Beaufils Michel Soulas a la difficile mission de se faire connaître d’un maximum de monde en un minimum de temps afin de bien faire comprendre que c’est lui qui prend la relève. Ce n’est pas pour rien que la maire sortante l’a présenté très tôt, dès le jour où elle a annoncé qu’elle ne briguerait pas de nouveau mandat.

Face à lui, il trouve un concurrent de taille : le candidat de la droite, Emmanuel François, bien implanté en tant que médecin sur la commune et connu comme tel. Sa petite notoriété suffira-t-elle à créer la surprise dans cette ville où la droite n’a jamais réellement pesée ? Lui y croit et il n’est pas le seul étant soutenu plus ou moins discrètement par différentes personnalités de la droite tourangelle qui voit en cette candidature et dans l’éparpillement probable des voix à gauche, deux bonnes raisons de croire dans ce qui relevait il y a encore peu du mirage.

Quelles priorités pour les électeurs ?

Du côté des membres de l’ancienne majorité, Jean-Marc Pichon et Cyrille Jeanneau se sont donc affranchis de la tutelle communiste. Le premier en partant rejoindre en 2017 La République En Marche, le second en portant les ambitions d’un Parti Socialiste qui voit dans cette élection et le départ de Marie-France Beaufils, une chance unique d’exister par lui-même avec la ferme volonté de conquérir en son nom la Mairie.

Il ne faut pas oublier non plus les autres listes de gauche comme Agir Ensemble menée par François Lefevre et qui peut compter sur l’influence de l’association ARIAL souvent présente quand il s’agit de prendre position sur les grands débats locaux. En 2014, cette liste avait réussi à passer les 10%. Fera-t-elle encore mieux sur fonds d’enjeux climatiques sur le devant de la scène ? Autre liste qui espère un beau score, la liste PACTE conduite par Cindy Laigneau, soutenue par le NPA et la France Insoumise. Emanation et suite logique de la liste 100% à gauche qui avait obtenu plus de 8% en 2014, cette liste espère elle capitaliser sur les questions liées aux différents mouvements sociaux de ces dernières années et compte bien séduire les déçus du parti Communiste ou ceux qui n’y croient plus. Dans cet embouteillage à gauche, il ne faut pas oublier non plus Lutte Ouvrière (conduite par Anne Brunet) qui flirte souvent ici autour des 5% des voix.

Une fois dit tout cela, il ne faut pas oublier non plus Michel Soulas. Le Parti Communiste garde en effet encore une influence dans cette ville et le soldat Soulas bénéficie de plus de l’aura de la maire sortante qui n’hésite pas à faire campagne et à peser de tout son poids dans ce scrutin.

Une fois tous ces paramètres posés sur la table, on comprend bien que le scrutin est indécis. Tout dépendra de la priorité des électrices et des électeurs : une sécurité plus répressive (défendue par Emmanuel François), une ville tournée vers l’innovation (voulue par Jean-Marc Pichon), du renouveau dans la continuité (Michel Soulas), une accélération des projets (Cyrille Jeanneau), l’écologie avant tout (François Lefevre), le social et la démocratie directe (Cindy Laigneau) ou des positions politiques (Anne Brunet).

Il parait acquis qu’un seul tour ne suffira pas. La liste en tête au soir du 15 mars donnera le ton. Tout comme le nombre de candidatures capables de se maintenir au second tour (celles qui feront plus de 10%). C’est là qu’on pourra observer d’éventuelles alliances : Jean-Marc Pichon et Emmanuel François, par exemple ? Ils ont discuté sans réussir à s’entendre avant le 1er tour. Même chose pour Michel Soulas et Cyrille Jeanneau. Les urnes auront donc le rôle d’arbitre pour voir qui a le plus de poids et aujourd’hui personne n’ose vraiment faire de pronostic.

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