Les petits secrets de l’Hôtel des Ventes Giraudeau à Tours

Facebook
Twitter
Email

Chaque année ce sont des dizaines de milliers d’objets qui passent entre ses murs. De la vaisselle, des tableaux, des bijoux, des timbres, des uniformes militaires, des meubles, des tapis, des armes… Depuis 1993, l’Hôtel des Ventes Giraudeau de Tours revend aux enchères le produit de successions ou d’apports volontaires de particuliers, mais aussi des objets récupérés après saisine de la justice. Comment fonctionne cette entité aux 15 salariés ? Visite guidée.

A une époque, le 246 Rue Giraudeau abritait une entreprise spécialisée dans les pièces détachées automobiles. Mais depuis trois décennies c’est une toute autre activité qui a pris possession de ces locaux de 1 600m², aux multiples salles : un hôtel des ventes réunissant trois commissaires-priseurs associés (Bertrand Jabot, Rémi Gauthier et Hugo Bensaïah). A l’intérieur c’est ce qu’on appelle communément une caverne d’Ali Baba : des meubles en bois, des tableaux par centaines, la vaisselle nécessaire à plusieurs mariages prestigieux, des étagères remplies de livres anciens, des vêtements de grandes marques…

« 90% des objets que nous recevons proviennent de successions ou de dépôts volontaires » explique Nathalie Jabot, l’épouse de Bertrand. Des lots préalablement sélectionnés par l’équipe pour leur potentiel de vente. Ce qui nécessite bon nombre de connaissances à la fois sur les tendances du marché mais aussi sur la valeur des pièces en général : « Pour être commissaire-priseur le parcours classique c’est études de droit et d’histoire de l’art » explique ainsi Hugo Bensaïah, Tourangeau parti à Paris le temps de ses études et qui a dû s’y reprendre à trois fois pour valider son concours (un cas loin d’être exceptionnel selon lui car « il y a beaucoup de candidats et peu d’élus »).

De plus en plus de ventes par Internet

Mais même avec des années d’étude et de pratique difficile de tout savoir alors l’entreprise fait régulièrement appel à des experts, essentiellement parisiens. « Il y a des experts en bijoux, en montres, en timbres, en instruments de musique, en vins, en jouets – et même dans les jouets nous en avons qui sont spécialisés dans les voitures et d’autres dans les poupées » listent Nathalie Jabot et Hugo Bensaïah qui utilisent également le web pour préparer leurs estimations. Nous sommes dans un monde très codifié mais qui fait de son mieux pour s’ouvrir au grand public, bien aidé en cela par le succès de l’émission de France 2 Affaires conclues « qui a fait prendre conscience aux gens qu’ils pouvaient avoir des choses de valeur chez eux » et par l’essor d’Internet, encore plus depuis le Covid.

Avant, l’hôtel des ventes Giraudeau vendait tout en face à face ou au téléphone. Il accueillait alors jusqu’à 100 personnes dans sa grande salle où il pouvait accrocher la somme impressionnante de 400 tableaux sur les murs, tout autour du public. Désormais, les enchères accueillent tout au plus quelques dizaines de personnes physiques… les autres se trouvant sur Internet. « Un public rajeuni » commente Hugo Bensaïah, et surtout de plus en plus nombreux : 100, 150 voire 200 personnes, grâce à la notoriété croissante de la plateforme utilisée (Interenchères où le contenu des ventes est mis en ligne jusqu’à deux mois avant son organisation).

Cet attrait pour la méthode d’achat par enchère est un avantage pour les affaires autant qu’un inconvénient pour l’intendance de la société. « Il n’est pas rare que des objets restent ici plusieurs mois avant d’être emportés » rapporte Nathalie Jabot en nous montrant le résultat de ventes de février toujours sur les étagères. Parce que pour partir, les achats réalisés par Internet doivent être accompagnés d’un ordre d’expédition. Et quand on fait ses emplettes depuis l’étranger ça peut vite faire grimper la facture, les acheteurs ont donc tendance à regrouper les envois. Il arrive aussi parfois qu’à force d’être stockés certains articles finissent par être remis en vente sans avoir fini entre les mains de leur propriétaire.

Une spécialité pour le militaire et la céramique

Ces contraintes n’empêchent pas le va-et-vient incessant sur le site : les ventes grand public du lundi peuvent regrouper entre 500 et 700 objets, 300 à 400 pour les ventes thématiques et de prestige (Giraudeau est notamment spécialisé dans la céramique et le militaria – armes, uniformes, décorations militaires…), « une fois nous avons passé 1 000 lots de vins en deux jours » souligne Hugo Bensaïah devant des caisses de grands crus des années 1980-90. Le commissaire-priseur estime que 90% des lots trouvent preneurs, parfois à moins de 50€, parfois à plusieurs centaines de milliers d’€ (l’entreprise prend 21 à 24% de frais aux acheteurs, et en moyenne 20% aux vendeurs, avec quelques exceptions pour rendre les prix attractifs, notamment sur l’or).

Les prix dépendent de plusieurs choses : de l’état de l’objet, du contexte de la transaction (une céramique vendue au milieu de meubles risque de partir à un prix bien plus bas que lors d’un événement spécialisé) mais aussi des effets de mode. Par exemple il y a toute une passion en ce moment sur les meubles Marolles (originaires du Loir-et-Cher), et globalement sur le mobilier des années 60-70, « du coup parfois certaines personnes ont du mal à comprendre qu’un objet du XXe siècle parte à plusieurs milliers d’euros quand un meuble style XVIIIe est adjugé 600€ » constate Hugo Bensaïah. Des tendances qui peuvent émerger subitement après un article dans une revue spécialisée, ou parce qu’une galerie américaine s’intéresse à une série et fait grimper les cours.

Instituer un « réflexe enchère » avant d’acheter un objet

Les objets peuvent donc passer plusieurs mois dans les remises avant d’être présentés. Pour une optimisation de leur vente… Mais aussi pour la préparation de l’opération. Ainsi, avant les enchères, chaque article est photographié et mis en ligne voire en catalogue (Giraudeau tient à éditer encore 4 catalogues par an, une démarche qui se raréfie dans le milieu « mais qui met les gens en confiance, et nous permet de rentrer des biens avec plus de valeur » indique Nathalie Jabot). Un procédé qui implique entre 2 et 3 mois de délai avant le coup de marteau. Mais si certains veulent aller plus vite, l’entreprise peut parfois organiser des ventes directement dans les maisons (à noter que son statut de société tourangelle ne la limite pas au territoire de l’Indre-et-Loire, elle peut très bien exercer à Paris, Lyon, Carpentras… sauf pour les actes judiciaires, qui sont territorialisés et dépendent d’une branche à part entière de l’activité professionnelle).

Encore peu connu de l’intérieur, le monde des enchères est donc accessible à tout le monde pour peu que chacune et chacun en ait connaissance… et prenne le temps de s’y intéresser. Il ne s’agit pas d’un monde réservé aux collectionneurs. « Ce qu’on essaie de faire c’est de créer un réflexe » explique Nathalie Jabot. C’est-à-dire que si on veut acheter une table basse on regarde en magasin, sur les sites d’occasion, en ressourcerie… et dans les catalogues d’enchères, avant de faire son choix.

Des habitudes que certaines célébrités ont bien prise, la spécialiste citant ses échanges réguliers avec un acteur français ou ses deux conversations téléphoniques avec l’ancien président Valéry Giscard d’Estaing… dont la photo orne une porte des coulisses. « Ça fait 30 ans qu’elle est là, on ne sait plus pourquoi mais on ne l’a jamais enlevée » nous dit-on le sourire aux lèvres. Le même sourire qu’on retrouve quelques dizaines de minutes plus tard en salle des ventes. Ne pas oublier que les enchères c’est du commerce mais aussi une sorte de jeu.

Un degré en plus :

Une vente militaire est programmée ce samedi 30 avril et une grande vente d’objets d’art le 21 mai. Une autre aura lieu en juillet.

Facebook
Twitter
Email

La météo présentée par

TOURS Météo

Inscription à la newsletter