Le mirage de la grande salle tourangelle

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Cet article est paru initialement dans 37°Sport, notre magazine consacré aux sports en Touraine.


Le retour du basket tourangeau à un niveau professionnel relance le débat sur le manque d’une grande salle sportive en Touraine. Un problème qui ne date pas d’hier mais dont la solution, régulièrement envisagée, reste un mirage. 

Dimanche 13 février 2011. Le Saint-Cyr Touraine Handball accueille la grande équipe de Montpellier et ses quatre récents champions du monde (Nikola Karabatic, William Accambray, Michaël Guigou, Samuel Honrubia) pour le compte de la 13e journée de première division du championnat de France. 5 800 personnes ont pris leur billet pour ce match concocté comme un show par les dirigeants saint-cyriens. Une réussite médiatique et sportive saluée par beaucoup. 

Seul hic : le Saint-Cyr Handball s’est expatrié au Mans, dans la salle Antarès. Saint-Cyr joue d’ordinaire ses matchs dans sa salle Guy Drut et ses 1 200 places. Une jauge suffisante pour le quotidien, mais pour les grandes affiches les dirigeants rêvent de plus grand. Seulement aucune salle de Touraine ne répond à ce besoin ponctuel. De quoi mettre en lumière la faiblesse des infrastructures tourangelles en terme de sport de haut niveau. 

Juin 2021. L’UTBM, première formation de basket de Tours, valide son ticket pour la Pro B. Sept ans après sa création, le club dirigé par Bruno de l’Espinay termine en tête de sa poule de Nationale 1 et permet au basket tourangeau de retrouver le niveau professionnel, 23 ans après l’avoir quitté. Un événement en soi pour le sport local mais aussi pour le basket hexagonal au regard de la place de Tours dans l’histoire de la discipline. Si en raison de la crise du Covid et des matchs à huis-clos imposés, l’UTBM n’a pas eu à souffrir de problème de jauge cette saison, la capacité de la Halle Monconseil et ses 1 500 places soulève de nouveau, dix ans après le handball, le problème d’une infrastructure plus grande à Tours. 

Le site Michelin : point de chute du basket ?

La solution pourrait se trouver à Joué-lès-Tours, sur le site Michelin, avec la création d’une salle de 3 500 à 4 000 places, « une jauge suffisante » pour le président de l’UTBM. Ce que confirme Fréderic Augis, le maire de Joué-lès-Tours :  « Nous avons 17 hectares de surface et Joué-lès-Tours est une ville de basket, au cœur de la Métropole. Nous en avons parlé, mais on en est qu’au stade de l’idée et de l’hypothèse. Il faut réfléchir en fonction du cahier des charges de la LNB. »  Un bâtiment qui ne pourrait se faire qu’à l’échelle de Tours Métropole qui possède la compétence des équipements sportifs. En attendant le tour de table des partenaires et un projet éventuel qui ne verrait pas le jour avant plusieurs années, c’est donc à Monconseil que l’avenir immédiat du basket professionnel s’écrira.

Une Halle Monconseil homologuée au niveau de la Pro B, avec quelques ajustements comme la création d’une salle de presse, l’ajout de 200 places en tribunes ou encore un parquet 100% dédié au basket (ce qui n’est pas le cas aujourd’hui), mais dont la capacité risque en revanche d’être trop juste pour satisfaire la demande du public quand on sait qu’en N1 – époque avant Covid –, il n’était pas rare que la salle fasse déjà le plein… 

Pourtant le problème ne date pas d’hier et la question d’une grande salle revient régulièrement depuis 25 ans dans les débats. En 1997 déjà, Jean-Patrick Gille (alors premier adjoint au maire de Tours) évoquait dans le journal Libération une réflexion autour d’une grande salle de sports pour accueillir le club de basket qui nourrissait (selon les propos de son coach Pierre Dao dans ce même article) « l’espoir de retrouver la Pro A et la coupe d’Europe à l’horizon 2000. »  On connaît la suite : une descente dès 1998 et un dépôt de bilan reléguant le basket tourangeau à des niveaux amateurs. 

Dans le même temps, le Tours Volley Ball commence l’ascension qui l’amènera dans les cieux du volley hexagonal puis européen. Prenant la suite du basket, le TVB va faire de Grenon son théâtre des rêves. Une salle suffisante pour le volley avec ses 3 000 places. Devenu seul club professionnel tourangeau à toucher les sommets (si on excepte le hockey finaliste de la Ligue Magnus en 2005 mais dont les infrastructures de glace sont différentes), la question d’une salle plus grande ne se pose plus vraiment à court terme. 

« Grenon : un bon contenant mais qui date des années 50 »

Les investissements se concentrent alors sur le Palais des Sports et la salle Grenon. En 2005, la salle connaît un gros lifting avec l’installation de sièges individuels à la place des antiques bancs. Les vestiaires sont refaits, les installations de lumière également… En 2018, la ville de Tours finance à hauteur de 1 million d’euros une nouvelle grosse rénovation pour remettre la salle aux normes de la ligue européenne de volley, le TVB bénéficiant jusque-là d’une dérogation pour y jouer ses matchs en raison d’une largeur de terrain insuffisante. A cette occasion, de nouveaux espaces loges sont créés pour les partenaires. 

Car outre la question de la jauge, c’est aussi celle de la fonctionnalité de l’outil qui se pose. Le sport est devenu une économie à part entière, et le modèle des clubs repose sur les possibilités d’accueil des partenaires notamment. A l’UTBM, Bruno de l’Espinay aime rappeler qu’ils sont 250 à soutenir le projet et que ce dernier les accueille dans des espaces de réception digne des plus grands clubs de France. Au TVB même chose, avec environ 200 partenaires, choyés à chaque match. 

Mais il faut aller plus loin. Le TVB avait d’ailleurs réfléchi à l’amélioration de la salle Grenon, prévoyant d’en faire un véritable lieu de vie ouvert sur la ville avec un espace bar-restauration accessible en dehors des matchs, une bibliothèque, une boutique… De quoi faire vivre la salle à l’année donc mais aussi trouver de nouvelles recettes budgétaires au sein d’un modèle économique repensé. « Grenon est un bon contenant mais qui date des années 50. Il faut que l’on passe au 3e millénaire sur le plan de la technique et du spectacle, créer aussi des espaces dignes pour les partenaires publics et privés » nous expliquait ainsi Bruno Poilpré, peu de temps après son élection comme président du TVB en janvier 2021. « La jauge de Grenon à 3 200 places nous suffit pour la quasi-totalité des matchs. Après il peut y avoir d’autres pistes, comme celle d’une nouvelle salle qui pourrait servir à d’autres sports ou spectacles. Il faut avoir une réflexion globale avec nos partenaires et notamment la ville de Tours et Tours Métropole. »

Un sujet forcément politique

Le sujet est éminemment politique et dépend de la volonté des élus en place. L’ancien maire de Tours Christophe Bouchet avait bien porté l’idée de transformer l’illustre salle tourangelle en une Arena de 5 000 à 6 000 places pour un budget de 30 millions d’euros. Projet finalement remisé au placard par son successeur Emmanuel Denis, élu en 2020. Si ce dernier souhaite tout de même rénover le Centre Municipal des Sports, en raison du coût énergétique du bâtiment, sa majorité se montre plus réticente sur l’idée de construction d’une grande infrastructure, comme nous le confirmait l’adjoint aux sports Eric Thomas en début d’année : « Je ne crois pas aux grandes Arenas qui coûtent cher en investissements mais aussi en fonctionnement. On a besoin d’une réflexion différente sur les salles sportives, surtout en ces temps de crise liée au Covid. »

Un projet en chassant un autre au gré des majorités et des maires (voire vice-présidents et président de Tours Métropole), ce projet de l’ancien maire de Tours avait lui-même enterré celui qu’avait porté Xavier Dateu (adjoint aux sports de 2014 à 2017) et validé à l’époque par Philippe Briand, président de Tours Métropole. 

L’idée était de construire une nouvelle patinoire aux Deux Lions, dans le cadre d’un plan immobilier qui aurait englobé la construction de bureaux pour l’intercommunalité, elle-même à l’étroit dans ses locaux actuels. Une patinoire, double, avec une glace ludique et une glace sportive pour le club des Remparts de Tours notamment. De quoi répondre aux contraintes de créneaux qui se posent actuellement dans la patinoire du centre-ville. 

La patinoire de centre-ville, au sein du Centre Municipal des Sports, libérée, Xavier Dateu imaginait alors la transformer en une deuxième salle pour sports de balle d’intérieur. D’une jauge de 2 000 places environ, elle aurait notamment permis à Tours de régler le problème de l’étroitesse de la Halle Monconseil. « On aurait eu une double patinoire, une salle Grenon à 3 100 places et cette nouvelle salle à 2000. On trouvait ainsi une solution à la fois pour le basket, le volley, le hockey et le patinage. » 

De revirements et projets abandonnés qui se sont confrontés à la problématique des financements, sur fond d’une épineuse question : est-ce aux collectivités de porter de lourds investissements pour les clubs professionnels sur leur territoire ? 

A Orléans le choix du Comet, grande salle de 10 000 places qui sera occupée principalement par l’équipe de basket évoluant en Elite, couplée au parc des expositions et à un Palais des Congrès flambant neuf, fait beaucoup parler. Ambitieux, le projet estimé dans un premier temps à 110 millions d’euros, va atteindre les 150 millions d’euros au minimum, avec le risque de grever lourdement les finances des collectivités pour les prochaines années. Un pari qui peut vite devenir empoisonné. « On a l’exemple du stade du Mans qui est sorti de terre au moment où le club de foot a sombré. Ce sont les contribuables qui ont payé la facture du coup » rappelle Eric Thomas qui se veut vigilant sur les finances publiques, sans pour autant fermer la porte aux différentes options qui se présenteront.  

Les collectivités désormais prêtes à avancer sur le sujet ?

Ces différentes options, elles vont être étudiées dès cet été à travers des ateliers et réunions avec les différents acteurs : collectivités, mais aussi clubs sportifs. Des choix devraient être faits à l’issue de cette première phase de réflexion. Parmi les scénarios : réalisation d’une salle de 3 000 à 4 000 places pour le basket ou investissement dans une salle de plus grande envergure permettant d’avoir un outil événementiel en prime… Si ce dernier choix était retenu, cela pourrait être inclus dans une vaste rénovation du Parc des Expositions et du Grand Hall. Tours Evénements ayant lancé de son côté une réflexion à ce sujet. 

Ce ne serait pas la première fois que les regards se tourneraient vers le parc de Rochepinard. Lors de sa rénovation entre 2002 et 2004, le maire de Tours Jean Germain avait annoncé vouloir faire du Grand Hall un futur « mini-Bercy ». Si depuis la structure a fait ses preuves pour la partie spectacles avec une jauge de 12 000 places qui en fait la grande salle de la région actuellement, elle ne peut accueillir ponctuellement que quelques événements sportifs ciblés comme les Internationaux Indoor de BMX. Pour le reste, le sol en pointe de diamant (qui permet l’évacuation des eaux lors du nettoyage) entraîne une différence de 50 cm de niveau au sol entre le centre et les extrémités de la salle, empêchant de fait toute grande compétition sportive de s’y tenir. Le TVB avait bien réalisé des études en 2006 et 2007 pour y organiser un final four de la Ligue des Champions, avant de se raviser face au défi technique mais aussi au coût que cela aurait engendré. 

Aujourd’hui l’investissement pour une nouvelle structure d’ampleur varie entre 15 millions et 60 millions d’euros selon le projet retenu. Reste qu’une grande salle permettrait d’accueillir des événements d’ampleur (encore que la concurrence est grande à proximité avec l’Arena de Trélazé à côté d’Angers, inaugurée en 2013, l’Arena du Futuroscope en construction, le Comet à Orléans et la salle Antarès au Mans…). Elle bénéficierait de façon plus certaine aux matchs de gala du TVB et du TMB (Tours Métropole Basket), ainsi qu’au CTHB, le club de handball féminin de Chambray, qualifié pour la première fois de son histoire en Coupe d’Europe cette année. Ce dernier club a bénéficié l’an passé d’un agrandissement du gymnase de la Fontaine Blanche (financé par la ville de Chambray-lès-Tours) pour arriver à une jauge de 1 200 places. Là encore suffisant pour le quotidien, mais au vu du développement du handball féminin ces dernières années, un outil partagé pour certaines affiches de la saison pourrait s’avérer utile. La balle est dans le camp des collectivités. 

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