Le bilan de santé de la vigne tourangelle

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Les 21 et 22 mai Tours renouera avec sa grande fête annuelle autour du vin : Vitiloire… Annulé en 2020 et 2021 pour cause de Covid, l’événement devrait donner une visibilité bienvenue à des vignerons locaux qui souffrent des aléas climatiques. En 2021 le gel a décimé certaines parcelles à 100% et le froid a refait des siennes début avril 2022, mais heureusement avec un seul épisode, la douceur venant ensuite prendre durablement le relais. Cela devrait limiter les pertes aux environs de 20%, même si elles atteignent localement 60%. Alors que tout nouveau risque est désormais écarté, entretien avec le directeur général d’Interloire Sylvain Naulin pour un point complet sur le moral des troupes…

Comment va la vigne sur le secteur d’Interloire (qui s’étend de Nantes à Blois) ?

Plutôt bien. On a terminé la période de stress autour du gel de printemps avec une météo très favorable pour les semaines qui viennent, même si il faudrait davantage de pluie.

Vous évoquiez le gel… Quel est le bilan des températures négatives qui ont frappé le vignoble début avril ?

Avec une formule très simple je dirais qu’il y aura des dégâts mais ce n’est pas la cata. Immédiatement après le gel, après une année 2021 très difficile, le moral était un petit peu dans les chaussettes. Puis la météo clémente d’avril et voir que la vigne présente une belle sortie ça remet du baume au cœur. Il est encore trop tôt pour dire s’il y aura une bonne récolte : il faut attendre le résultat de la floraison en juin et le passage de l’été mais aujourd’hui on est relativement optimiste.

Depuis 2016 le gel est clairement devenu la hantise des professionnels de la vigne…

A l’exception de 2018 et 2020 oui ça fait 5 années de gel sur 7 ce qui représente au global l’équivalen d’une récolte entière perdue. Quand on voit ça on se dit que le changement climatique ce n’est pas une légende et que les climatosceptiques feraient bien de venir faire un tour dans le vignoble. Ça peut paraître paradoxal de voir le gel qui augmente quand on parle de réchauffement climatique mais en fait c’est la période hivernale et le début du printemps qui sont problématiques : ils sont plus doux, la végétation démarre plus tôt dès fin mars ce qui expose la vigne et ses bourgeons naissants au gel sur une période plus longue pour tout le mois d’avril jusqu’à mi-mai.

Avec le recul, quel bilan économique fait-on de ces dernières idées ?

Il est difficile de dire si les cessations d’activités sont spécifiquement liées au gel car il y a d’autres paramètres. Néanmoins il y a un impact car désormais il faut construire un modèle économique sur 75% d’une récolte et non plus sur 100%, sur une moyenne de 10 ans. Pour cela, il faut calibrer son modèle économique et ses ventes de façon à faire du stock pour alimenter les années de pénurie. On a des dispositifs réglementaires qui le permettent. Et puis il faut développer les éléments de protection du vignoble – aspersion, éoliennes, bougies…

C’est très coûteux…

Mais c’est la survie d’une exploitation qui en dépend et couplé à l’assurance récolte cela permet de passer le cap. Aujourd’hui en Touraine de Saint-Nicolas-de-Bourgueil à la vallée du Cher on peut considérer que 30% du vignoble est protégé. C’est beaucoup parce que tous les secteurs ne sont pas gélifs, c’est-à-dire exposés au gel. Mais on parle d’une protection qui a plus que doublé sur ces 5-6 dernières années, notamment grâce aux aides à l’investissement de la région Centre-Val de Loire qui a compris la nécessité de ces protections.

Est-ce qu’on voit aussi une hausse des vignerons qui proposent des activités annexes, en plus de la production de vin ?

On constate oui une diversification pour avoir des sources de revenus différentes mais ce n’est pas spécifiquement lié au gel. C’est une tendance de fond sur tout ce qui est lié de près ou de loin à l’œnotourisme, l’idée de faire découvrir le vignoble autrement.

Parlons de l’export qui progresse pour les vins du Val de Loire : est-ce que ça compense la baisse du marché français ?

Pas totalement puisqu’en 2020, 20% des vins du Val de Loire partaient à l’étranger. L’objectif pour équilibrer entre nos débouchés c’est d’atteindre 30% en 2030. On est à 24% actuellement. Le chemin est donc en bonne voie. Les marchés du Royaume-Uni ou de l’Allemagne continuent à se développer (notamment l’attrait des Allemands pour les vins effervescents). Quand aux marchés émergents ce sont ceux du Canada et des Etats-Unis.

Il y avait des craintes de difficultés d’export à cause du Brexit au Royaume-Uni et des taxes Trump aux Etats-Unis. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Elles sont dissipées. Hormis quelques complications administratives le Brexit a eu un impact limité sur les volumes. Quant aux taxes Trump elles ont été suspendues très rapidement après l’accession de Joe Biden à la Maison Blanche. Ça a eu un impact les premiers mois avec un coup d’arrêt mais tout le monde a joué le jeu afin d’absorber les coûts et que le consommateur n’en pâtisse pas trop.

Qu’attendent les professionnels du vin de la prochaine législature qui débutera après les élections des députés en juin ?

De manière très générale on sent une pression sociale sur le secteur, ce qu’on appelle une dénormalisation de la consommation de vin. On attend donc des pouvoirs publics et du président qu’ils soient fiers de la filière viticole. Emmanuel Macron le répète régulièrement mais ce n’est pas forcément ce qui est ressenti pourtant le vin ça représente l’équivalent de plusieurs dizaines d’avions Airbus exportés par an donc c’est un élément clé de l’économie, qui plus est avec des emplois non délocalisables en milieu rural.

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