La Laiterie de Verneuil : une coopérative de 111 ans

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Alors qu’elle vient de fêter ses 111 ans d’existence, la coopérative laitière de Verneuil traverse siècles et crises avec une seule et même recette : se moderniser continuellement tout en étant à l’écoute de ses producteurs et de ses consommateurs. Reportage.

Accolé à la boutique du site de la coopérative de Verneuil, on ne l’a pas reconnu. Souriant, plutôt serein, une main dans la poche, une autre montrant fièrement son verre de lait, le « drôle » est devenu un ado contemporain. Finie cette longue époque où cette figure commerciale emblématique de la Touraine sirotait le V du logo de la laiterie avec sa coupe au bol et s’affichait sur tous les emballages des produits Verneuil. Depuis 2017, ce poulbot des campagnes tourangelles se montre plus discret, au grand dam des consommateurs habitués depuis des décennies à voir sa bouille pendant leurs repas. Si pour certains, qui iront même à parler d’abandon voire d’infanticide, cette modernisation a eu du mal à être avalée, pour la directrice de la coopérative, Annick Lartigue, elle était nécessaire.

« Notre coopérative a fêté ses 110 ans d’existence l’année dernière. Il devenait urgent de moderniser notre image de marque et d’inscrire notre coopérative dans le 21e siècle. Nous avions une charte graphique bien trop large, avec des logos et des couleurs différents en fonction des produits, les consommateurs pouvaient se sentir un peu perdus…on a donc cherché à faire passer un message très simple et moderne, en respectant nos anciens consommateurs et en essayant d’en séduire des nouveaux. »

Lire aussi notre reportage sur la filière du lait en Touraine

S’adapter aux nouvelles tendances tout en conservant une identité

Véritable phare de la production et de la transformation laitière dans la Région Centre-Val de Loire, dont les produits s’exportent jusqu’au Maghreb, la laiterie de Verneuil a toujours mis le consommateur au centre de sa stratégie de développement. Les habitudes et le profil type de ce consommateur ont évolué depuis une quinzaine d’années. Plus jeune et urbain, il se renseigne sur les origines des produits de son panier et privilégie la qualité, le bio et le local. Si ces deux derniers paramètres sont respectés, ce profil n’hésite pas à mettre la main au porte-monnaie pour ses achats alimentaires. Cette cible, les acteurs de la coopérative l’ont identifiée au début du siècle. En 2005, un groupement de producteurs laitiers de l’établissement, en coopération avec d’autres agriculteurs, décide de monter en gamme en proposant un lait de qualité supérieure où un strict cahier des charges serait respecté. Lait Délices de Touraine repose sur une alimentation du cheptel sans OGM, ni additif chimique, avec un minimum de 5 mois de pâturage pour des animaux nés et élevés en Touraine. Un lait collecté et commercialisé par la coopérative. Un produit qualitatif ciblé dont le prix d’achat, plus élevé, permet une plus-value plus importante pour le producteur. Pour la directrice depuis 2015 de la laiterie, « tout le monde est gagnant. Le consommateur est devenu plus exigeant, il recherche un produit naturel de qualité, mais il veut également mieux rémunérer le producteur. Depuis, nous sommes montés en qualité sur d’autres marques. Encore plus encore aujourd’hui, nous sentons que la qualité du produit est recherchée. C’est d’ailleurs l’avenir de la filière. » Une recette qui fonctionne et qui permet de mieux résister aux différentes crises que rencontre régulièrement la filière du lait. En 2019, une douzaine d’exploitations rattachées au site de Verneuil produisent environ sept millions de litres de Lait Délices de Touraine, ce qui représente 15 % du lait global récolté par la coopérative qui emploie 130 salariés.

Une identité façonnée par ses producteurs

L’autre partie de l’ADN de Verneuil, la principale, repose avant tout sur ses producteurs de lait. Au total, la coopérative rassemble 136 exploitations* réparties sur un territoire qui va de l’Indre-et-Loire à l’Indre en passant par le Loir-et-Cher. Un territoire qui a bien évolué depuis les origines de celle qu’on appelait en 1909 la Coopérative Laitière de la Région Lochoise. À cette époque, les coopératives agricoles sont légion. Chaque village a son clocher, son bar, mais aussi sa coopérative locale. Le maire de Loches, appuyé par les acteurs politiques et agricoles locaux, décide de fonder une coopérative laitière à Verneuil située à proximité de la gare et d’une route nationale. Un choix stratégique qui s’avèrera décisif pour l’histoire d’un établissement toujours implanté sur son site d’origine. Récompensée dès 1910 au Concours général agricole pour la qualité de son beurre, l’organisation réussit à survivre aux deux conflits mondiaux, bien aidée par ses deux voies d’exportation et par une politique régulière de modernisation de ses infrastructures. Le développement massif de l’industrialisation agricole lors des Trente Glorieuses voit disparaître bon nombre de coopératives. Pour survivre, ces coopératives n’ont pas le choix. Se rassembler ou péricliter. Si certaines vont devenir des industries nationales, d’autres vont entreprendre le pari de grandir tout en gardant une « taille humaine » où le producteur pourra toujours faire entendre sa voix au sein de son outil de production. Verneuil prend cette direction. « Notre politique repose sur le bon équilibre entre l’exportation de nos productions et le maintien d’un lien fort avec ceux qui possèdent la coopérative, les producteurs. Alors oui, parfois, il y a des désaccords, mais ils sont nécessaires pour avancer ensemble. »

Chacun de ses producteurs détient un droit de vote pour élire les 21 représentants du conseil administration. Un conseil d’administration qui va élire le président de la coopérative pour une durée d’un an et qui table notamment sur les objectifs, les investissements à effectuer et la rémunération des producteurs. Une rémunération qui se compose d’un prix fixe minimum à l’année. Il s’agit d’une garantie. En fonction des résultats de la coopérative et de l’évolution du cours des prix de la filière, la rémunération peut augmenter sous forme d’un bonus versé deux fois dans l’année. « Les résultats positifs également là pour anticiper d’éventuels mauvais exercices, les investissements, mais également les crises », nous informe Annick Lartigue. Des crises, la coopérative, qui distribue ses produits aussi bien dans les grandes et moyennes surfaces que chez les grossistes ou en vente directe, elle les connaît bien. Celle de 2018 a été marquante. « Oui, il faut s’accrocher, mais on connaît les règles. On est une matière première et ne maîtrise pas le prix du marché… donc à partir de ce moment-là, il faut anticiper le mieux qu’on peut et se serrer la ceinture. » La directrice poursuit sur une autre problématique, celle qui secoue le monde du lait, l’opinion négative sur la consommation des produits laitiers. « Là encore, on est une matière première donc on est au cœur des tendances. Des tendances alimentées par des courants marketing, issus des lobbies, qui se contredisent en fonction des périodes. Il y a 20 ans, on disait qu’il fallait manger de la margarine, maintenant ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, c’est au tour du lait de passer pour un produit qui serait néfaste pour la santé alors qu’il y a peu de temps, il était conseillé de consommer trois produits laitiers par jour… Mais ce n’est pas la première fois. Ce sont des cycles et un vrai filon pour certains. Ce genre de courant n’a pas vraiment d’impact sur nos résultats. Nous restons sur de bons exercices, avec une demande qui s’est encore renforcée. »
Dernière crise en date, celle du Covid-19. Si Annick Lartigue se montre plutôt inquiète sur une reprise qui sera longue, la directrice remarque malgré tout que « les consommateurs restent fidèles à la marque ». Le « drôle » ne devrait pas perdre son sourire.

 Lire également notre interview de la directrice de la Laiterie, Annick Lartigue

* 105 exploitations de bovins pour une récolte moyenne de 56 millions de litres de lait et 31 fermes de caprins pour un rendement de 4 millions de litres de lait.
En 2018, la Laiterie de Verneuil a réalisé un chiffre d’affaire de 51M€ (dont 63% en national, 30% en local et 7% à l’export).

Le magazine papier en cours de distribution

À partir de cette semaine, 37°Mag sera distribué dans toute l’Indre-et-Loire ! En raison des difficultés actuelles, la distribution peut néanmoins être perturbée (commerces encore fermés, refus de dépôts de publications en raison des règles sanitaires…) Nous nous en excusons pas avance et ferons tout notre possible pour qu’il soit disponible dans un maximum de points de dépôts habituels (la liste ici).

Sorti le 29 mars, il est également toujours disponible en version numérique ici ? 37degres-mag.fr/37-mag/

L’impression ayant été réalisée avant le confinement certaines informations ne sont pas à jour et nous en sommes désolés.

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