La grande interview d’Emmanuel Denis, maire de Tours depuis un an.

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Elu maire de Tours au soir du dimanche 28 juin 2020, Emmanuel Denis gère la plus grande ville d’Indre-et-Loire depuis maintenant un an. L’occasion de revenir avec lui sur cette première année de mandat… Entretien

Emmanuel Denis, vous êtes maire de Tours depuis un an maintenant. Quel bilan faîtes-vous de votre première année à la tête de la ville ?

Emmanuel Denis : Il y a eu beaucoup de travail accompli, cela a été une période compliquée avec la crise sanitaire notamment. Nous avions annoncé en arrivant à la tête de la ville que notre leitmotiv était de répondre à l’urgence tout en préparant l’avenir. C’est ce que nous avons essayé de faire en tenant compte d’une situation qui reste erratique. Nous avons réussi à préparer les lancements des grands plans qui avaient été annoncés comme celui sur les mobilités, le « plan nature en ville », le programme « écoles en transition », celui « égalité Femmes-Hommes »…

Avec le recul que nous avons aujourd’hui, à quel point la crise sanitaire a-t-elle impacté le fonctionnement de la ville ?

Emmanuel Denis : Parallèlement à nos projets, nous avons participé aux distributions de masques, à la campagne de tests et au déploiement des vaccinodromes. Nous avons aussi dû aligner les effectifs dans les écoles pour répondre aux règles sanitaires, recruter en supplément au Centre Communal d’Action Social et dans les EHPAD…

Avez-vous aujourd’hui un bilan chiffré du coût de la crise pour la ville de Tours ?

Emmanuel Denis : Nous n’avons pas fait de bilan récemment, il faudra le refaire en fin d’année mais c’est sûr que cela a un impact. Il y a eu par exemple deux mois de gratuité du stationnement, l’exonération des droits sur les terrasses, la mise en place de terrasses provisoires, réduisant le nombre de places de stationnement. Nous avons accordé au regard de la situation une exonération de la redevance de Tours Evénements. Tout ceci se compte en plusieurs millions d’euros.

Concernant les terrasses provisoires, dites Covid, vont-elles être pérennisées ?

Emmanuel Denis : Il faudra en discuter mais cela paraît difficile de revenir en arrière, tout le monde trouve ça agréable. Ce n’est pas complètement entériné mais je pense que ce sont des choses que l’on gardera. Cela fait partie de notre politique de redistribution de l’espace public et ça va plutôt dans le bon sens. L’objectif c’est de rendre la ville plus sympa, plus apaisée… Même si au final cela reste des lieux privatisés, on ne peut pas se priver de ça. On en a tellement été privés ces derniers mois…

« On apprend beaucoup en faisant.« 

On a tendance à dire que la ville de Tours est parfois un paquebot difficile à manoeuvrer ? Vous attendiez-vous à ce que la tâche soit plus simple, à avoir plus de liberté dans vos actions ?  

Emmanuel Denis : Je n’avais aucun doute sur les difficultés de la fonction de maire. Il faut à la fois gérer la majorité, tous les éléments de fonctionnement de la ville. On apprend beaucoup en faisant.

Comment cela se passe au sein de votre majorité à ce sujet ?

Emmanuel Denis : Je suis fier de ma majorité, nous avons commencé à travailler avec certains dès 2017 sur un projet politique et citoyen qui s’est élargi en janvier 2020 à d’autres courants. Il n’y a pas grand-chose à y redire. Il y a forcément des caractères différents, parfois des anicroches entre les différents courants mais tout se gère très bien car nous avons conservé nos méthodes de la campagne avec beaucoup de discussion entre nous. Nous faisons des réunions de majorité avec l’ensemble de nos élus toutes les semaines ou les 15 jours selon les emplois du temps. Cela nous permet de mettre collégialement tous les sujets sur la table, les choses se disent à ce moment-là avec des débats qui permettent de trancher au final. Tout le monde a envie de faire avancer la politique que nous avions annoncé.

Et en ce qui concerne les services ?

Emmanuel Denis : A notre arrivée, nous avons trouvé des services qui avaient beaucoup donné avec la crise du Covid et qui étaient un peu sous l’eau. Il a fallu être vigilants. Les services donnent beaucoup et nous sommes arrivés avec un fonctionnement plus horizontal que ce qui se faisait d’ordinaire, c’est une nouvelle façon de travailler pour eux aussi. Pour la deuxième année du mandat, je suis conscient qu’il va falloir faire atterrir tous ces changements, en permettant des temps de respiration mais aussi en trouvant un bon fonctionnement fluide entre élus et personnels de la Mairie. Nous allons continuer à « re-staffer » et restabiliser ensemble avec pour objectif de transformer notre projet de campagne en projet de mandat.

Vous aviez vanté la démocratie permanente, pourtant votre opposition vous reproche à l’inverse beaucoup d’opacité dans votre façon de faire. Qu’avez-vous à leur répondre ?

Emmanuel Denis : Être dans l’opposition peut être frustrant. C’est important de donner de vrais espaces d’échanges notamment en commissions. Sur ce point, on peut progresser, certains le pointent en effet et je suis assez d’accord avec eux. Après, les Conseils Municipaux c’est différent car c’est un espace qui est devenu propice aux joutes verbales politiciennes, on ne peut pas tellement y couper, je regrette juste que l’opposition revient toujours sur les mêmes sujets à longueur de conseils.

Et en ce qui concerne la démocratie permanente avec la population ?

Emmanuel Denis : Mais il y a des chantiers tous les jours dans lesquels la population est associée. Je prends l’exemple d’un projet immobilier privé de la société Bouygues, l’intégration des habitants dans les discussions a permis de le revoir en intégrant plus de végétal. De notre côté, sur chaque projet porté par la ville, des habitants intègrent les jurys. C’est le cas par exemple pour le quartier des Casernes où le jury et donc les habitants ont choisi le nouvel architecte. Nous ferons pareil pour la nouvelle programmation des Halles que nous entamerons à la rentrée ou encore le Haut de la Tranchée.

Comment faire en sorte que les habitants se sentent pleinement intégrés dans ces décisions et que de plus en plus d’habitants intègrent ces processus ?

Emmanuel Denis : Il y a une culture à acquérir. C’est une habitude à prendre de toujours associer les habitants. Petit à petit nous toucherons de plus en plus de monde et avec le bouche à oreilles qui se fera, les habitants nous solliciteront également de plus en plus.  Il faut comprendre que nous ne pensons pas la démocratie participative comme une simple réunion publique avec une estrade avec les élus décisionnaires qui parlent et la salle qui écoute. Cela demande du temps, mais le temps que l’on passe aujourd’hui à mettre en place ces méthodes, c’est du temps gagné demain avec des projets moins contestés au final.  

Les relations avec les autres collectivités sont primordiales également pour la mise en place des projets de la Ville de Tours. Quelles sont-elles aujourd’hui avec le Département ou la Région notamment ? (ndlr : l’interview a été réalisée avant le 2e tour des élections Régionales et Départementales).

Emmanuel Denis : Avant moi les relations entre le Département et la Ville étaient très mauvaises. Je pense que nous avons des relations cordiales avec Jean-Gérard Paumier (ndlr : le président sortant du Département qui devrait être reconduit ce jeudi par ses pairs) et que nous avons réussi à mettre en place un dialogue constructif. On peut évidemment faire encore mieux et il faut que la ville de Tours soit à sa place, celle de la ville centre du département. Concernant la Région, il faut amplifier les connexions, notamment parce que certains fonds sont fléchés par l’instance régionale, comme le CRST (Contrat Régional de Solidarité Territoriale) que nous venons de renégocier avec 43 millions d’euros à la clé pour le territoire métropolitain.

Et concernant la Métropole ? (L’interview a été réalisée avant l’annonce de la démission de Wilfried Schwartz de son poste de président de Tours Métropole. Voir encadré à ce sujet).

Emmanuel Denis : On est en train de travailler à un grand projet de territoire. C’est vrai que celui-ci arrive tardivement, mais il y a eu des réorganisations internes, la crise du Covid, un changement de gouvernance. On va désormais rentrer dans le cœur des projets. Il faudra que l’on aille vers plus de concertation et arriver à une majorité de coopération pour réussir à tout mettre en œuvre avec des compromis nécessaires. Mais il faut désormais que l’on avance et vite.  

Concernant le rôle de la Métropole, vous avez démissionné fin décembre de votre poste de président du syndicat de l’aéroport de Tours que vous occupiez en tant que vice-président métropolitain. Est-ce là votre échec du début de mandat ?

Emmanuel Denis : On m’avait proposé ce poste et j’avais accepté en me disant que c’était un moyen de développer ma vision de l’aéroport qui doit devenir un lieu d’exception pour les énergies renouvelables. Malheureusement j’ai senti que les dissensions entre les écologistes et les élus de droite n’étaient pas simples à gérer vu ma position. J’ai donc considéré qu’il y avait d’autres sujets importants dans lesquels je pouvais plus consacrer mon énergie, mais je reste au CA ce qui me permet de vérifier que les engagements sont tenus, notamment concernant la renégociation avec Ryanair qui permet aux collectivités de ne plus payer au forfait mais au vol. Le reste, on verra à la fin de la convention d’ici deux ans.

« La Ville de Tours ne peut pas tout faire, c’est une question de priorités.« 

Lors de ce début de mandat vous avez beaucoup insisté sur le volet mobilités. Certains vous reprochent d’ailleurs d’en faire trop. Une réaction ?

Emmanuel Denis : Je ne sais pas si on en fait trop, cela dépend de quel point de vue l’on se place.  Ce qui est factuel c’est que le pont Wilson c’était 3% du trafic automobile, cela ne change pas la face du monde mais par contre cela a permis d’ouvrir 7km de pistes cyclables sécurisées ce qui est un signe fort envers les mobilités douces. L’idée sur ce sujet était de faire vite et d’expérimenter. Si ça n’avait pas fonctionné, s’il n’y avait pas eu de vélos dessus, nous n’aurions pas persisté. Or nous avons tout de suite observé un engouement comme ailleurs en France où l’on observe qu’il n’y a plus de vélos nulle part quand on veut en acheter.

Il y a néanmoins des heures où c’est devenu très compliqué de circuler en voiture dans Tours…

Emmanuel Denis : Oui il y a des problèmes de congestion, mais c’est surtout du aux travaux, au couvre-feu qui a réduit les amplitudes horaires de trajets. Nous n’avons pas besoin d’infrastructures en plus pour franchir la Loire par exemple, seulement il faut réfléchir pour étaler les périodes de trajets. Je souhaite mettre en place un « Bureau des Temps » en partenariat avec les grands employeurs tourangeaux comme le CHU, la SNCF ou ST Microelectornics pour aller dans ce sens tout en encourageant le covoiturage car si chaque personne qui va travailler en voiture 5 fois par semaine partage son trajet au moins une fois ça résoudra nos problématiques.

Il y a eu un débat ces derniers mois sur l’échangeur d’autoroute à Tours-Centre. Etes-vous favorable à son maintien ?

Emmanuel Denis : L’échangeur de Tours-Centre va rester en place, on ne va pas le supprimer mais il faut voir si on peut lui donner une autre orientation pour que ce ne soit plus un déversoir qui envoie un grand nombre de voitures dans le centre-ville de Tours. L’étude d’un échangeur à Rochepinard est une bonne chose et peut devenir une bonne option.

Toujours sur les mobilités, le chantier de la deuxième ligne de tramway va être lancé. Il faut s’attendre à des contestations fortes, on pense notamment à la question de la Place Jean Jaurès. Vous vous y préparez ?

Emmanuel Denis : Le tramway est un sujet métropolitain majeur. La ligne A a fait venir 17 millions d’usagers en plus dans les transports en commun, la part de la voiture a baissé de 6% et ce sont des vies sauvées grâce à la baisse de la pollution. Mais il faut que l’on informe toujours plus sur ce qu’on fait et comment on va le faire.  Concernant la place Jean Jaurès, chacun a son avis sur la qualité ou la beauté de Jean Jaurès mais en termes d’espace public elle dysfonctionne. C’est un rond-point avec peu d’espaces piétons, des espaces verts et des espaces d’eau qui ne sont pas accessibles… On ne peut pas dire qu’elle serve à nous rafraîchir pendant les périodes de canicule. Ce n’est même pas un espace où il est plaisant de s’arrêter discuter. Bref, elle ne remplit pas sa fonction d’espace public. Ce que je souhaite c’est un geste architectural à la hauteur du XXIe siècle avec des citoyennes et citoyens qui auront un rôle à jouer dans le jury.

Cette ligne de tramway sera-t-elle le grand projet du mandat ? On sait que vous n’êtes pas un maire favorable aux grands projets en tant que tel…

Emmanuel Denis : Cela dépend de ce que l’on parle. Si on parle de projets faits de murs et bâtiments, en effet, ce n’est pas ma vision des choses, car je pense que la ville ce n’est pas que ça, c’est de l’humain avant tout et une manière de vivre. Ce que je souhaite c’est améliorer le cadre de vie des Tourangelles et Tourangeaux. Les grands chantiers ne sont pas une fin en soi. Nos enjeux sont de faire en sorte que la ville soit vivable dans 20 ans en répondant au choc climatique.  

En parlant d’infrastructures, vous n’êtes donc pas favorable à une nouvelle grande salle sportive, notamment pour le basket qui monte en Pro B ?

Emmanuel Denis : La Ville de Tours ne peut pas tout faire, c’est une question de priorités. Je viens d’annoncer un plan écoles à 73 millions d’euros, pour moi ça c’est une priorité. Nous l’avons dit aux dirigeants du basket, nous les accompagnerons comme nous pourrons mais en se basant sur l’existant. Cet été nous allons remettre aux normes la Halle Monconseil pour la Pro B, je crois que c’est un geste fort. En ce qui concerne les nouvelles infrastructures, c’est un débat à avoir au niveau métropolitain selon moi.


Un degré en plus : Crise à la Métropole. Le point de vue du maire de Tours

« On va aller vers une gouvernance plus collégiale, les enjeux sont importants et on doit aller vite. La première priorité est d’apaiser le personnel qui a souffert de cette histoire » estime le maire de Tours qui se dit prêt à prendre ses responsabilités pour sortir au plus vite de cette crise, tout en ne faisant pas d’une éventuelle candidature à la présidence de l’intercommunalité de sa part, une priorité.

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