Indispensables mais invisibles

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50 % des Français gagnent moins de 1 797 euros par mois selon les derniers chiffres de l’Insee. Parmi eux, il y a les petites mains discrètes qui exercent des métiers essentiels et que nous croisons quotidiennement. Pourtant, bien souvent, on y fait à peine attention… Alors nous sommes partis à leur rencontre. 

Michel, agent d’entretien 

Fraîchement rasé, habillé d’un polo gris et muni d’une petite sacoche, Michel attend notre rencontre dans un bar fréquenté de la place Jean Jaurès. Agent d’entretien depuis des années, il travaille dans deux immeubles de la ville. L’un, un bâtiment rempli d’étudiants (parfois fêtards) l’autre, une résidence privée. Chaque jour de la semaine, il traverse Tours à pied pour se rendre boulevard Jean Royer. Là-bas, la routine reprend la main : « Tous les matins, je balaye et nettoie les deux escaliers qui desservent les six étages des deux bâtiments, soit l’équivalent de douze étages. Ah ça j’en monte des marches ! On ne peut pas dire que je ne bouge pas ! » dit-il en riant.

En plus des cages d’escalier, Michel s’occupe des halls d’immeubles, des vitres, des ascenseurs… Un emploi du temps bien rempli, presque minuté.

2Michel

« Je n’ai que quatre heures pour tout faire, c’est rare que je m’accorde une pause. D’autant que parfois, on tombe sur des cadeaux ! Des vomis, des poubelles renversées… il ne faut pas avoir le cœur fragile pour faire ce type de métier ! » Plus jeune, il a eu l’opportunité d’entamer une carrière en tant qu’agent de maîtrise, mais c’était sans compter l’insouciance de la jeunesse qui a eu raison de ses ambitions. Employé par une entreprise de nettoyage, Michel gagne « mille euros et quelques » net par mois. Maigre revenu à 68 ans, mais ce n’est pas de son avis : « Il y en a qui ont moins que moi et qui réussissent à vivre alors pourquoi pas moi ? » Silhouette fine, des ongles attaqués par les produits d’entretien, cet homme est d’une rare humilité. Il atteste que son quotidien lui plaît. « Si je prends ma retraite, je meurs. J’aime ce petit confort, celui qui me permet de gagner plus que la retraite et de rester actif. »

3Claire

Claire, auxiliaire de vie 

Bouger quotidiennement d’un foyer à l’autre fait partie du métier de Claire. Cette auxiliaire de vie de 36 ans travaille depuis 8 ans au sein d’un réseau associatif d’aide à la personne. Alors que certains proches qualifient son métier de « très prenant et qu’ils ne pourraient pas faire », Claire le définit plutôt comme une vocation naturelle. Chaque jour, elle sillonne l’ouest de la ville de Tours à vélo pour s’occuper de « sept personnes aidées ». « Je ne sais pas comment définir les personnes dont je m’occupe car j’ai des jeunes en situation de handicap, des moins jeunes, des personnes âgées qui ont besoin d’une petite aide, d’autres qui sont dépendantes. Mon métier touche une diversité de gens que je ne veux pas placer dans une catégorie. »

Originaire de Vierzon mais arrivée à Tours pour des études d’histoire, elle s’est réorientée après s’être rendu compte qu’elle aimait aider les gens. Le lever, la toilette, le petit déjeuner, l’habillage, les repas, parfois même les sorties… Elle multiplie sans fin les tâches quotidiennes pour lesquelles sa présence est indispensable. Une fois, une infirmière lui a d’ailleurs dit : « depuis que tu viens voir Mme X, atteinte d’Alzheimer, elle se sent beaucoup mieux. » Ce sont ces petits mots qui donnent envie à Claire de continuer et qui lui offrent une reconnaissance dans un métier bien solitaire.

Florian, jardinier 

Nous partons à l’ouest du département. Florian nous accueille chez lui, dans un petit pavillon au-devant duquel des poissons nagent dans un bassin qu’il a construit lui-même. Pas de doute, nous sommes bien chez un homme à la main verte ! Alors qu’il jardine depuis l’âge de 11 ans, Florian a récemment décidé de se reconvertir par le biais du centre de formation de Fondettes. Alors qu’il gagnait plus lorsqu’il gérait les bassins de rétention d’eau, le quadragénaire a décidé de tout plaquer pour faire ce qu’il aime en évoquant un adage bien connu « l’argent ne fait pas le bonheur. » A 43 ans. Brillant et amoureux des plantes, il a obtenu son diplôme haut la main. Depuis, il est employé dans un château de la Loire pour s’assurer un revenu fixe pour débuter. Le reste du temps, ce jeune papa sublime les jardins des particuliers.

4Florian

De la création de gazon à la taille des haies, des plantations aux jardins japonais, Florian s’y connait. Souvent en déplacement auparavant, son rythme de vie a changé et bien que son métier soit solitaire, les meilleurs moments restent ceux où il échange avec les particuliers. Par exemple, une femme de 94 ans l’a rappelé pour lui demander pourquoi il ne venait plus jardiner (parce qu’elle ne lui avait pas demandé de revenir). Depuis, il y retourne chaque semaine et sait qu’il restera boire le café pour lui tenir compagnie, prendre le temps d’échanger et endosser sa casquette sociale.

5Ousseynou

Ousseynou, plongeur 

Le travail d’un jardinier est visible, celui d’un plongeur est parfaitement réalisé si aucune tache ne reste. Essoufflé par le panier qu’il vient de mettre, Osseynou nous rencontre pendant sa « coupure » qu’il occupe en jouant au basket. « Je travaille 7 heures par jour, mais j’ai une pause de 3 heures entre les deux services alors j’en profite pour venir m’aérer l’esprit ». Le jeune homme à la silhouette sportive est saisonnier dans un restaurant proche d’un château de la Loire. Venant du Sénégal, cet étudiant en deuxième année de maintenance à Tours dresse les entrées et les desserts de la carte. En plus de sa toque de cuisinier, il nettoie la vaisselle utilisée de chaque service mais ne va jamais en salle.  « Parfois, j’aimerai voir comme les clients réagissent face à l’assiette. Je me fais seulement une idée lorsque je vois s’ils ont tout mangé quand l’assiette revient en plonge ».

Un quotidien dont il ne se plaint pas : « les vacances c’est fait pour travailler. D’ailleurs, le mot vacances n’existe pas chez nous. » Et puis : « lorsque j’étais jeune, c’était les champs ! Là, à coté, c’est reposant ». Plus tard, Ousseynou veut œuvrer dans la maintenance des chaufferies. Une autre profession discrète mais qui apportera à Ousseynou une satisfaction personnelle telle que la reconnaissance sociale de son métier n’en sera que subsidiaire.

Alice, conseillère

Vous avez sûrement fait appel à quelqu’un comme Alice au moins une fois dans votre vie. Conseillère en clientèle dans un centre d’appel, cette jeune femme de 33 ans, anciennement dans le commerce, vient en aide à celles et ceux qui n’arrivent pas à faire fonctionner leur box Internet. Vous savez, ce petit boitier qui fait des siennes de temps à autre… Assise devant son poste, elle décroche son téléphone pour trouver une solution à nos problèmes.

Souriante, vêtue d’un tee-shirt fleuri, cette professionnelle casse les stéréotypes du métier. « C’est humainement enrichissant, chaque personne qui nous appelle est différente. Parfois on se fait insulter, de temps à autres c’est quelqu’un qui ne comprend juste rien à la technologie. Dans tous les cas, on doit aider les gens et ça c’est positif. »

6Alice

Elle n’a pas une grande rémunération mais l’entreprise offre des avantages, notamment sociaux, avec les chèques pour la rentrée des enfants et la prime d’intéressement. Là-bas, ce n’est pas la course aux chiffres. « Ces avantages, on les doit en partie grâce au syndrome France Télécom (une vague de suicides chez l’opérateur entre 2008 et 2009, ndlr). » Alice, on ne la voit pas, on l’entend, et sa voix souriante couplée à son sens de l’humour laissent imaginer qu’elle est heureuse dans ce qu’elle fait.

7Geoffroy

Geoffrey, caddie man 

Être heureux, c’est l’émotion que Geoffrey ressent lorsqu’il aide un client à ranger un carton dans son coffre. Ce jeune homme de 21 ans travaille chez un marchand de meubles. Il n’est ni en rayon, ni à la caisse, il est « caddie man ». Son rôle ? Transporter les caddies d’un point A à un point B pour éviter que les clients n’aient à en chercher. « Je fais le tour des parkings, récupère tous les caddies, et les remet à disposition proche du magasin. Et rebelote, c’est un cycle. » Originaire d’Orléans, cet étudiant en biologie fait ce métier parallèlement à ses études pour payer son logement. Assis à la terrasse d’un café par 37° juste avant d’enfiler sa tenue de service, il nous explique que ce métier n’est pas qu’alimentaire. Et nous buvons ses paroles. S’il veut, il peut aider les clients à remplir leur voiture, un acte basé sur le volontariat autorisé par le contrat. Il ne gagne pas plus cher, mais bénéficie de la reconnaissance du public, de ses remerciements.

« Une fois, une dame assez âgée avait son rétroviseur bloqué. Voyant qu’elle ne réussissait pas à s’en défaire, je suis allé l’aider. Elle n’avait pas de pourboire alors elle m’a offert un fruit. » De toutes façons, Geoffrey refuse catégoriquement les pourboires. Sa générosité, c’est sans contrepartie !

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