GRAND FORMAT – Dans les coulisses de l’école de pilotes de ligne de Tours

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Quand on parle de l’aéroport de Tours, le débat se concentre souvent sur l’existence des vols de la compagnie Ryanair. Mais on oublie souvent qu’aujourd’hui le principal utilisateur de la piste tourangelle c’est… une école, en l’occurrence Mermoz Academy, établissement de formation de pilotes de lignes qui dispense un diplôme permettant d’intégrer de grandes compagnies comme Air France. L’établissement ne cesse de grossir. Reportage dans ses installations.

Un gros Boeing 737 stationne sur le tarmac de l’aéroport de Tours. Assis à une table de réunion, on aperçoit sa dérive depuis la fenêtre de la pièce, au 1er étage de l’aérogare. C’est le type d’appareil que Stéphane Larrieu fait décoller et atterrir quand il exerce pour la compagnie Transavia, filiale à bas coûts d’Air France. Auparavant, ce pilote d’expérience a volé sur des longs courriers comme le 777 de Boeing (surnommé « triple 7 » dans le milieu) et surtout le plus gros avion commercial jamais conçu : l’A380 de l’avionneur européen Airbus. Désormais concentré sur des relations moyen-courrier (moins de 5 000km), l’homme est également directeur de Mermoz Academy, l’école de pilotes de lignes de Tours.

Cela fait maintenant 4 ans que l’établissement a choisi l’Indre-et-Loire pour ouvrir une de ses antennes, en complément d’un centre de formation à Orly, et en attendant l’ouverture d’une base à Nîmes et même d’une autre aux Etats-Unis. Pour 84 000€ (hors bourses), l’entreprise forme hommes et femmes à devenir pilotes de ligne. Un élève vient d’être recruté par Air France et la low cost Volotea a récemment signé un partenariat pour recruter des étudiants en fin de formation.

Un parc de 14 avions avec une maintenance faite sur place

« On ne se contente pas de former des pilotes pour qu’ils obtiennent une licence. Ce qu’on veut c’est qu’ils soient engageables par une compagnie aérienne » explique Stéphane Larrieu. Le cursus dure deux ans et se déroule essentiellement en anglais, la langue la plus parlé dans les cockptis ou lors des communications aériennes. Il se divise en plusieurs parties, comprenant une formation théorique, de 4h d’anglais par semaine, des sessions sur simulateurs et surtout des vols en conditions réelles avec l’un des 14 avions de l’école, des appareils à un ou deux moteurs semblables à ceux des aéroclubs et qui disposent – pour certains – de deux sièges pour des passagers. Dix autres aéronefs sont en attente de livraison pour l’ensemble du groupe.

Ainsi, Mermoz Academy est le premier utilisateur de l’aéroport de Tours avec 180 mouvements par semaine (décollages ou atterrissages), soit environ 600 par mois. Bien plus que les vols Ryanair (une trentaine sur 7 jours au maximum) ou même que les vols d’affaire et transports sanitaires pour le CHU de Tours. Et à peine arrivés, les élèves sont déjà en l’air : « Ils travaillent un peu la théorie puis font leur premier vol sous trois semaines » indique Stéphane Larrieu. Après 45h de pratique, les voilà aptes à devenir pilotes privés. Puis vient la période de mûrissement pour évoluer solo dans un avion pendant 120h et enfin l’attaque d’une formation axée sur le vol aux instruments, c’est-à-dire sans visibilité (pour pousser le vice, les apprentis-pilotes mettent un casque qui les empêche de voir autre chose que leur tableau de bord).

Des besoins de recrutements conséquents

En sortant de l’établissement, les élèves de Tours sont donc aptes à devenir pilotes de ligne selon les standards internationaux, les diplômes étant soumis à des prérequis précis. Cela dit, ils sont simplement recrutables par des compagnies et devront donc encore subir une formation avant de se voir affecter un type d’appareil (on ne pilote pas un A320 comme un A350, même si ce sont deux appareils du catalogue Airbus). Néanmoins, pour les préparer, le site parisien de Mermoz Academy vient d’acquérir deux simulateurs recréant les conditions d’aéronefs de l’avionneur européen.

La carrière des élèves tourangeaux dépend donc des besoins de leurs futurs employeurs… et ils sont relativement conséquents : « Il y a eu un temps mort pendant la crise Covid, quasiment deux ans sans recrutement, mais la reprise extrêmement marquée du secteur aérien s’associe à un problème de pyramide des âges. Beaucoup de pilotes qui partent à la retraite ont besoin d’être remplacés donc la croissance repart » observe le directeur Larrieu. Et il est vrai que beaucoup de compagnies manquent de personnel (dans les cockpits mais aussi en cabine), au point de devoir parfois annuler des vols.

Des formateurs anciens pilotes ou ex-militaires

Pour faire face à la demande, Mermoz Academy accroit donc ses dispositifs de formation. Elle entraîne actuellement 120 pilotes en simultané à Tours, avec des rentrées tous les mois (les plus grosses en septembre et janvier). Au maximum, ce sont 150 personnes qui pourront suivre son cursus depuis Tours-Val de Loire. La plupart des profils sont des jeunes entre 18 et 24 ans, sachant que l’établissement est accessible dès le niveau bac, « et on fait des remises à niveau si besoin, par exemple lors de reconversions » souligne Stéphane Larrieu.

Un quart des étudiants habite la grande région tourangelle, mais certains viennent de loin, et parfois d’outre-mer. Les classes comptent 10 à 12% de femmes, « alors que la moyenne nationale est de 5% » explique le directeur qui a signé un accord avec l’association des femmes pilotes pour proposer une bourse aux candidates, celle-ci étant doublée par l’entreprise (un autre soutien existe pour les jeunes formés en aéroclub, afin qu’ils n’aient pas à payer l’ensemble des heures de formation vu qu’ils disposent déjà d’un premier bagage). Du côté des formateurs, ce sont essentiellement des pilotes de ligne voire d’anciens militaires qui ont exercé sur les avions de chasse de l’armée. Un Britannique vient également de rejoindre l’équipe pédagogique pour « européaniser » l’effectif étudiant.

Une communication axée sur la réduction de l’empreinte carbone

Par ailleurs, Mermoz Academy-Tours dispose de son propre centre de maintenance, un avantage quand on sait qu’un avion doit subir des révisions toutes les 50h de vol (s’il faut une heure en l’air pour rejoindre le site technique de Châteauroux et une autre pour revenir, c’est autant de coûts supplémentaires). Les monomoteurs et bimoteurs sont donc inspectés dans un hangar de l’aéroport, et parfois en partie démontés comme un appareil en cours de rénovation pour servir de « bus » scolaire entre Tours et le futur site de Nîmes. Surtout, Mermoz Academy vient de s’équiper de deux avions électriques de la marque slovène Pipistrel. Ces appareils – au look enfantin – ont une autonomie de 40 minutes et intègreront prochainement le programme de formation pour les premiers vols. De quoi réduire l’empreinte carbone forcément colossale d’un tel établissement.

D’ailleurs, sur ce point précis, Stéphane Larrieu tente de déminer le terrain avant même qu’on pose plein de questions sur le sujet. Le directeur-pilote affirme ainsi que son entreprise fait « un énorme effort de décarbonation » avec une nette réduction de la consommation de ses avions via l’achat d’appareils neufs ou l’adoption de protocoles dits d’écopilotage. « On est passé de 55l à l’heure à 20l à l’heure. C’est un vrai souci de citoyenneté vis-à-vis de nos élèves » argumente le professionnel qui veut aussi tester rapidement les turbines à hydrogène. Selon lui, « dans les dix prochaines années les avions régionaux tourneront avec cette technologie ». Il reconnait que ce sera beaucoup plus long pour les vols à grand rayon comme les transatlantiques, « en raison du stockage plus compliqué de l’hydrogène » mais garantit que « les compagnies seront les premières à faire le pas de la transition énergétique car le carburant est un énorme poste de dépense. »

Également une vigilance sur le bruit

De plus, ces entreprises sont désormais pressées par la clientèle ou les milieux écologistes qui accusent l’avion d’être un moyen de transport extrêmement polluant et gagnent progressivement la bataille de l’opinion puisqu’on commence à parler de « honte » de prendre l’avion. Cela n’empêche pas Stéphane Larrieu de croire en l’avenir de la filière, « probablement une des industries qui va prendre le virage le plus rapidement ». Lui affirme que ça fait 20 ans qu’il a mis en place des réflexes permettant par exemple d’économiser 30kg de kérozène par atterrissage avec un 737.

L’autre enjeu à Tours, c’est le bruit. Des riverains se plaignent régulièrement des désagréments de l’aéroport. « Notre empreinte sonore a été divisée par 4 » affirme alors Stéphane Larrieu, prenant encore une fois pour exemple la modernisation de sa flotte d’avions mais aussi le changement de hauteur de certains exercices, désormais réalisés 150m plus haut pour en diminuer l’impact sonore. Alors que l’aéroport de Tours est régulièrement critiqué par sa simple existence, Mermoz Academy fait son possible pour prouver son utilité hors trafic Ryanair en axant sa communication sur l’implantation en Touraine d’une formation d’excellence. Equilibre délicat dans le contexte actuel, mais jusqu’ici le pari semble plutôt payant.

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