Grand âge : des cafés salvateurs pour aider les aidants

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Suzy Tournadre est psychologue et Ludivine Abrioux animatrice. Les deux femmes travaillent à l’EHPAD des Grands Chênes de Joué-lès-Tours et, un soir par mois, elles quittent leur structure pour animer un groupe de parole hors les murs. Cet espace de dialogue est ouvert à tout proche d’une personne malade, celles et ceux qu’on appelle les aidantes et les aidants. On estime qu’il y en a 11 millions en France. Des personnes qui ont souvent bien des difficultés au quotidien et qui ont besoin d’en parler.

« Personnellement ça a vraiment été une planche de salut. On se sent moins seule » : ce mardi soir, Monique est ravie de venir au groupe de parole installé dans une salle au premier étage de la médiathèque de Joué-lès-Tours. « Je commence à aller mieux » poursuit la retraitée dont le mari est accueilli à l’EHPAD des Grands Chênes pour une maladie invalidante doublée de démence. Il y a pris sa chambre en février 2022 « après plusieurs années difficiles » à la maison.

Monique est aidante. On emploie le verbe au présent car ce n’est pas parce que son mari a quitté le domicile que le rôle s’arrête. Par ses visites, ses mots, ses actes (administratifs, par exemple), elle continue de l’aider dans son quotidien. Une tâche harassante : « Je suis fatiguée » insiste Monique. Mais elle persiste, ça va mieux :

« Il faut faire des petits pas. Quand on est trop pressée on retombe. Avant, jamais je n’aurai osé aller me coucher à 19h30. Maintenant je ne lutte même pas… et je ne me sens pas coupable. »

La culpabilité. Une notion très présente dans le quotidien des personnes qui aident des proches malades. On la sent encore poindre dans les déclarations de Monique :

« Je n’ai pas eu suffisamment de courage pour accepter que mon mari reste plus longtemps à la maison. »

« Les aidants sont souvent seuls face à leurs problèmes avec une culpabilité énorme, par exemple vis-à-vis de promesses qu’ils font et qu’ils ne peuvent pas tenir ou alors quand ils sont confrontés à l’incompréhension du reste de la famille » éclaire Ludivine Abrioux, animatrice de l’EHPAD et encadrante du groupe de parole. « Ils ont besoin d’une soupape, d’être entendus sans être jugés » abone la psychologue Suzy Tournadre pour qui, c’est clair, elle se trouve face à une problématique encore peu prise en compte par les pouvoirs publics.

Voilà pourquoi les deux femmes ont créé leur cycle de réunions mensuelles réservées aux proches de personnes malades. Ce n’est pas inédit en Indre-et-Loire, et encore moins au niveau national puisqu’il existe l’Association Française des Aidants (www.aidants.fr). Mais cela reste peu connu et manifestement désiré car, depuis juillet 2022, chaque rendez-vous accueille une dizaine de personnes. Des soirées en accès libre qui ont lieu chaque fois dans un endroit différent de l’agglomération tourangelle. Et toujours avec de quoi manger ou boire pour rendre l’instant plus jovial.

Un moment de partage et de soutien

« Ce que nous voulons c’est offrir un moment de partage et de soutien où l’on peut proposer des pistes d’orientation » éclaire Ludivine Abrioux. « C’est un espace où ces aidants peuvent sortir de leur situation, s’offrir une bulle d’air. C’est très convivial » ajoute Suzy. Afin d’orienter la discussion, il y a un thème annoncé en amont. De quoi – par exemple – s’échanger des bonnes pratiques pour améliorer le quotidien ou susciter des rencontres plus durables :

« L’un de nos objectifs c’est qu’ils deviennent des ressources entre eux. Par exemple il existe beaucoup d’aides sauf qu’elles ne sont pas centralisées. Eh bien, là, ils connaissent tous les tuyaux pour aller les chercher »

Les réunions sont ouvertes à tout aidant, ou toute aidante : que la personne malade soit encore à domicile ou en institution. Cela peut être pour une maladie ou un handicap. Cela peut être les parents, les enfants, la femme, le mari, les voisins… L’un des enjeux est d’éviter une forme de burn out de l’aidant qui viendrait à influer sur sa propre santé (on en a vu des aidants qui finissaient par décéder bien avant la personne soutenue, développant une maladie l’idée à leur épuisement). « Ça laisse des traces » confirme la psychologue qui menait déjà des accompagnements d’aidants auparavant, mais seulement en solitaire… et qui comprend par exemple qu’après un placement, la personne aidante a parfois besoin de ne pas venir un temps en visite, pour prendre du recul sur la situation. « Le lâcher-prise est propre à chacun » confirme également Ludivine Abrioux.

Des réunions mensuelles

Car aider est souvent un travail à plein temps du lever au coucher, et même la nuit. « Jamais je n’aurais imaginé une chose comme ça. Je me suis retrouvée à l’hôpital et c’était directement lié à ma situation. Je ne supportais plus, mon corps a dit stop » confirme Monique qui ne pouvait pas « dire un mot sans pleurer ». Brigitte a également souffert de sa situation (accueillir sa mère à la maison, avant qu’elle ne trouve une place à l’EHPAD). « J’ai fait des crises d’angoisse » nous dit-elle sans détour. « Mais quand on explique aux proches, ils ne comprennent pas toujours » l’entend-on également regretter. Monique va dans le même sens :

« Mes enfants me disaient ‘Mais il va bien papa.’ Je leur répondais ‘Bien sûr vous le voyez 3h et pas tous les jours ni toutes les nuits’. Accueillir la maladie j’ai toujours du mal. Je n’arrivais pas à trouver un mot à la situation de mon mari. On dirait que je suis avec un mort-vivant. Ce n’est pas quelqu’un qui vit… mais il n’est pas mort parce qu’il respire encore. »

« Ma mère que je connaissais est en train de disparaître » enchaîne Brigitte qui a gardé la vieille dame de 94 ans à son domicile pendant 4 ans. Paradoxalement, le retour à son quotidien d’avant n’a pas été une délivrance. « Votre oreille est toujours prête à bondir. Vous vous retrouvez sans rien, c’est un vide, ce n’est pas évident ». D’où l’intérêt d’un accompagnement et de faire comprendre qu’il est nécessaire. « Demander de l’aide est hyper compliqué » reconnait Suzy Tournadre. « Je tends des perches, et je vois si les personnes s’en emparent ou pas » résume la psychologue. Les prochains rendez-vous du Café des Aidants de l’Agglomération Tourangelle sont programmés le 17 novembre et le 20 décembre. Infos au 02 47 48 88 88.

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