Gilets jaunes : La grande peur

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Ce samedi 08 décembre s’annonce de nouveau houleux à Paris et dans les grandes villes de Province. Une semaine après les affrontements lors des manifestations des « Gilets jaunes » samedi 1er décembre, tous les regards sont de nouveau tournés vers le mouvement né le 17 novembre dernier. Toute la semaine, les débats, discours, déclarations, ont tourné en boucle sur les manifestations à venir. Avec la crainte de nouveaux affrontements, encore plus importants.

Au rond point de l’avion, les « Gilets jaunes » sont pour l’instant loin de cette agitation et de ce climat qui s’annonce délétère. Ici, comme depuis une dizaine de jours, ils sont une trentaine à se relayer nuit et jour. Un camp de base pour le mouvement, avec barnums, barbecues, groupe électrogène, tables, chaises… Une façon d’être visibles sans perturber la circulation. « Ce n’est pas le but » nous explique l’un d’eux, « on veut juste montrer que nous sommes déterminés ». Préférant garder l’anonymat, notre interlocuteur nous raconte néanmoins son parcours. Celui qui vit dans une commune du nord du département est à son compte, « un petit commerce » et parle des difficultés chaque mois non seulement à faire vivre son commerce mais aussi à se dégager un salaire. « On n’est pas des voyous, on est juste des citoyens asphyxiés. Ici vous voyez il y a des salariés, des chômeurs, des gens employés en intérim, des petits patrons, des retraités et on fait tous ce même constat, c’est ça que l’Etat doit entendre ».

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Un Etat dans lequel aucun d’entre eux ne semble plus croire « ils mentent en permanence, il se foutent de notre gueule à longueur d’année, mais là on leur a montré qu’on en avait marre, alors ils commencent à prendre peur mais on ne les croit plus, ils veulent juste sauver leur poste » raconte véhément un retraité. Les déclarations de cette semaine d’Emmanuel Macron et Edouard Philippe n’ont ainsi pas convaincu. Trop peu et trop tard sans doute. La faute à une non prise en compte de l’ampleur de ce mouvement des « Gilets jaunes ». Mais aujourd’hui la donne a changé et les élus locaux de La République En Marche assurent le rôle d’intermédiaires. Après Philippe Chalumeau la semaine dernière, c’est Daniel Labaronne, le député d’Amboise qui est venu à leur rencontre ce jeudi soir. Un quart d’heure d’échanges au cours duquel il a écouté les doléances exprimées et s’est engagé à solliciter une rencontre auprès du 1er ministre pour une délégation de gilets jaunes de Touraine. Une venue qui permet d’enclencher un dialogue, à l’instar des réunions organisées par la Préfecture dans les jours à venir avec les « Gilets Jaunes » dans le département. (liste ici sur Info Tours).

Pour autant, il en faudra bien plus pour satisfaire les « Gilets jaunes » dont les revendications se multiplient et se durcissent au fur et à mesure que les jours passent. « Nous n’avons plus confiance, on veut une dissolution de l’Assemblée » ont-ils ainsi expliqué à Daniel Labaronne. « On a compris que le fusible de Macron ça allait être Edouard Philippe, mais ça ne suffira pas » préviennent-ils aussi.

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Un pouvoir qui vacille

Face à un mouvement de plus en plus ferme et installé mais aussi face à des revendications aussi multiples (et parfois floues) qu’il y a de gilets jaunes, le gouvernement peine à trouver des solutions et on ne voit aujourd’hui aucune issue politique se dégager alors même que le pouvoir de l’Etat est de plus en plus contesté et mis à mal. D’autant plus étonnant qu’il y a encore quelques mois, au début de l’été, Emmanuel Macron et le gouvernement paraissaient intouchables et face à eux aucun contre-pouvoir classique – opposition politique ou organisations syndicales – en mesure de les faire trébucher.

Le mouvement des « Gilets jaunes » est arrivé de nulle

part et personne n’a vu ou compris sa force au départ. Personne n’a pris la mesure de la colère encore sourde et remontant à plusieurs années ou décennies parfois. Ce jeudi soir au rond point de l’avion, Michel, la soixantaine, retraité de la fonction publique hospitalière nous explique ainsi ne plus voter depuis des années. La rupture pour lui, le référendum de 2005 et le non à la constitution européenne, transformé deux ans plus tard par le Traité de Lisbonne validé par le président Nicolas Sarkozy. « J’ai compris qu’ils se moquaient de ce que le peuple voulait ». Michel a pourtant d’abord observé le mouvement, avant d’enfiler à son tour son gilet jaune cette semaine pour faire entendre sa voix lui aussi. Un soutien de plus pour un mouvement que pro-gouvernement tentent aujourd’hui de minimiser en mettant en avant les faibles chiffres de la participation aux manifestations mais que par ailleurs encore 68% des Français disent soutenir selon le dernier sondage d’OpinionWay paru ce vendredi.

Face à ce mouvement, l’Etat peine donc à avoir une réponse politique et sociétale, donnant une impression de vacillement inquiétant. A l’inverse, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, l’ayant encore rappelé ce matin en conférence de presse, la réponse sécuritaire est elle bien présente, à la hauteur de l’inquiétude du gouvernement de voir un mouvement se radicaliser encore et échapper à tout contrôle. Le lexique employé est d’ailleurs symptomatique de cette inquiétude, les soutiens du gouvernement et membres de LREM invités sur les plateaux TV évoquant tour à tour une « volonté de certains de faire tomber les institutions et la République », agitant également la peur des extrêmes. Seulement, si il y a bien une partie extrémiste dans ce mouvement nébuleux, impossible à définir politiquement, le résumer à cela est une erreur et vécue comme un affront par la majorité des « Gilets jaunes ».

(c) Philippe Maitre
(c) Philippe Maitre

La crainte d’affrontements violents ce samedi

L’acte IV de ce mouvement, c’est à dire le 4e samedi de mobilisation de suite, se jouera demain. Déjà l’inquiétude est partout, face à une escalade dans la violence . A Tours, plusieurs mesures ont été prises : renforcement des forces de l’ordre, retrait d’une partie du mobilier urbain et des poubelles des rues, fermeture de certains commerces ou lieux publics comme l’Hôtel Gouin ce samedi après-midi… Des signes qui ne trompent pas. Pourtant des appels au calme se multiplient et les « Gilets jaunes » prévoient pour la première fois un service d’ordre pour encadrer la manifestation, mais tout le monde est bien conscient que la moindre étincelle fera partir un nouveau brasier récréant des scènes de guérillas urbaines vues la semaine dernière. L’Etat fait craindre des morts, gageons qu’il n’y en aura pas, mais une chose est sûre les débats et événements de la semaine n’auront certainement pas permis de calmer les esprits. Au contraire, beaucoup de « Gilets jaunes » sont remontés plus que jamais bien aidés par les images diffusées sur les réseaux sociaux de violences policières lors de la manifestation du 1er décembre ou encore sur des lycéens. Des images dénuées la plupart du temps de tout contexte, mais suffisamment marquantes pour renforcer l’impression d’un Etat autoritaire ne répondant que par la répression. Cette impression, beaucoup des « Gilets jaunes » présents au rond point de Parçay-Meslay l’ont eu également samedi dernier à Tours nous disent-ils et 5 jours plus tard, la colère n’est pas passée. « On s’est fait charger alors qu’on marchait simplement, sans aucune agressivité. Mais cela ne nous arrêtera pas, demain je retournerai manifester pacifiquement et si les forces de l’ordre nous chargent et bien on se défendra. On n’est pas des casseurs mais on ne va pas se laisser marcher dessus » avance ainsi G., père de famille n’ayant jamais manifesté auparavant, « ni eu un seul pv de toute ma vie » nous dit-il pour preuve de sa bonne foi. Un homme lambda diraient certains, prêt aujourd’hui néanmoins à faire front contre un Etat devenu illégitime à ses yeux…

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