Eric Sionneau : « le syndicalisme est un contre-pouvoir réel et nécessaire ».

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Après 20 ans à la tête du syndicat Solidaires 37, Eric Sionneau s’apprête à passer la main et prendre du recul. Un tournant dans la vie de celui qui depuis l’adolescence est de tous les combats sociaux. Un parcours singulier que cette figure du militantisme partage par la même occasion dans un livre « Dans les années 80… Une époque formidable ! ». Rencontre.

37 Degrés : Eric, vous quittez la tête du syndicat Solidaires ce mois-ci après 20 ans à sa tête. Cela veut dire qu’on va vous retrouver à l’arrière  dans les manifestations désormais ?

Eric Sionneau : Oui certainement un peu, mais je vais surtout prendre du recul. Je vais aussi glander.

37 Degrés : Que retenez-vous de ces années de lutte sociale ?

Eric Sionneau : Je retiens que les combats étaient nécessaires. On a eu pas mal d’échecs mais aussi des réussites qui font plaisir et qui touchent. Je pense par exemple à ceux menés au DAL à la fin de l’époque Jean Royer on avait pu reloger des personnes à la rue. Je retiens le quotidien également. En tant que syndicaliste on reçoit souvent des appels de personnes désespérées et dans l’urgence. On les accompagnent et parfois on obtient gain de cause. Ces moments-là prouvent que le syndicalisme est un contre-pouvoir réel et nécessaire.

37 Degrés : Vous avez toujours vu le syndicalisme comme un combat global ?

Eric Sionneau : Je suis un adepte de la charte d’Amiens dans toute sa dimension, c’est à dire que le syndicalisme a une double tâche : celle de défendre d’une part les salariés et d’autre part de faire la révolution sociale. Cette charte dit que le syndicalisme doit apporter ses propres positions politiques et réformer radicalement la société. C’était d’ailleurs l’esprit des bourses du travail qui ont été un des fondamentaux de la CGT à sa naissance.

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37 Degrés : On a l’impression que cette vision globale s’est atténuée aujourd’hui ?

Eric Sionneau : Il faut comprendre qu’à l’époque des bourses du travail, il y avait la formation professionnelle, des bibliothèques, des salles de cinémas… bref une éducation populaire. C’était une sorte de contre-société menée par les ouvriers. Aujourd’hui il y a des associations comme le Secours Populaire par exemple mais qui se sont spécialisées dans un domaine. A l’époque le syndicalisme prenait tous les champs de la société en main.

37 Degrés : Cette perte de vision globale est-elle une cause des échecs dont vous parliez ?

Eric Sionneau : J’en suis persuadé. A Saint-Avertin on est par exemple à La Maison des Syndicats, on est plus dans l’esprit des bourses du travail. Chacun est logé, chez soi, on se dit bonjour on discute, mais ça ne va pas plus loin. Effectivement on a perdu ce souffle révolutionnaire qui habitait le syndicalisme, mais il n’est pas mort pour autant. Il existe toujours dans le monde du travail une certaine volonté de changer les choses et de prendre en main son destin.

37 Degrés : Sur la politique, vous vous êtes toujours considéré comme anarchiste ?

Eric Sionneau : J’ai connu les vieux anarchistes espagnols qui disaient « on est anarcho-syndicalistes, on est libertaires, mais on n’est pas anarchistes parce que l’anarchisme est un idéal, on ne peut pas se revendiquer anarchiste. » Je suis de mon côté très attaché à ce mouvement que j’ai découvert jeune. C’est pour moi le seul combat politique qui mérite d’être mené parce qu’il est détaché de toute ambition politique de carrière.

« Je ne crois pas en la révolution citoyenne parce que le jeu électoral est biaisé. »

37 Degrés : Vous vous êtes mis personnellement de côté au cours de ces années de militantisme ?

Eric Sionneau : Il y a des choses que je n’ai pas faites parce que je me battais pour les autres, mais cela ne m’a pas coûté de le faire. Cela m’a porté et cela continue de me porter malgré les désillusions.

37 Degrés : Quand on voit la situation aujourd’hui, avez-vous un sentiment d’échec après ces années de lutte ?

Eric Sionneau : Les grands mouvements sociaux n’arrivent au mieux que tous les 50 ans, ce sont des événements très rares. Il faut regarder le temps long, l’histoire n’est pas à l’échelle de nos propres vies. Mais tout est possible, il y a des signes aujourd’hui. Par exemple beaucoup de gens ne votent plus volontairement parce qu’ils ne croient plus au modèle de la démocratie représentative. On a l’impression qu’on est sur une cocotte minute qui peut exploser. On est actuellement dans un faux calme et la colère est sourde, ce qui n’est d’ailleurs pas forcément mieux. On ne sait pas quand, parce que cela ne se décide pas, mais cette colère peut s’exprimer et sortir et quand ce sera le cas, ce sera certainement de façon radicale.

37 Degrés : C’est quoi le radicalisme justement ?

Le radicalisme n’est pas forcément la violence. C’est surtout le fait de vouloir pratiquer l’action directe dans une volonté de changer les choses. Contrairement à ce que pense Mélenchon, je ne crois pas en la révolution citoyenne parce que le jeu électoral est biaisé. Il faut construire des alternatives réelles.

37 Degrés : Vous quittez la tête de Solidaires et vous en profitez pour sortir un livre également sur votre histoire, votre jeunesse… Qu’est-ce que vous avez voulu transmettre avec ce livre ?

Eric Sionneau : A 90% de ce qui est écrit, c’est mon histoire, celle d’une certaine jeunesse rebelle qui croit en ses idéaux. Les textes un peu plus littéraires sur la vie quotidienne me tenaient à coeur aussi parce que c’est une façon de transmettre l’histoire et d’être passeur d’une époque révolue.

37 Degrés : Pour reprendre le sous-titre du livre, c’était une époque formidable ?

Eric Sionneau : Oui, une époque formidable, mais comme toutes les époques, pour qu’elles le soient, il faut les construire comme telles.

Un degré en plus :

« Dans les Années 80… Une époque formidable ! ». 149 pages. 16,00 € (frais de port compris). Chèques à l’ordre de l’auteur. A commander chez :Les Amis de Demain Le Grand Soir / 5 rue de La Roumer Pont-Boutard, St Michel 37130 Côteaux sur Loire. 

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