David Bradesi, facteur d’orgue passionné

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Installé à Rouziers-de-Touraine depuis dix ans, David Bradesi est l’unique facteur d’orgue de la région. Un métier exigeant, où la polyvalence est de rigueur. S’il parvient aujourd’hui à vivre de sa passion, il ne semble pas très optimiste quant à l’avenir du métier.

« C’est un peu le bazar, je termine un chantier ! » Dans son atelier de Rouziers-de-Touraine, David Bradesi exerce un métier rare en France. Il est facteur d’orgue. « Je restaure, je construis, j’entretiens ou j’agrandis, selon la demande », explique-t-il, tout simplement. S’il travaille principalement dans les églises, pour des associations ou les communes, il s’occupe parfois d’orgues de particuliers.

En ce moment, le prochainement quadragénaire se charge d’un transfert d’orgue. « Il était en Grande Bretagne mais l’église a fermé. L’orgue était donc disponible. Une paroisse entre Bordeaux et Bergerac en voulait un. Ils n’avaient forcément le budget d’un orgue neuf mais ils avaient le budget suffisant pour l’acquérir, lui apporter les modifications nécessaires et le transformer pour qu’il soit adapté à cette nouvelle église », indique-t-il. Après avoir restauré le buffet, la partie mécanique et ajouté des rangées de tuyaux, David Bradesi travaille maintenant sur la tuyauterie, pour finaliser le travail d’harmonie. Après un an et demi de boulot, la mission sera bientôt terminée. Il ne lui reste qu’à placer les tuyaux dans l’orgue et « les faire parler ».

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David Bradesi - Facteur d'orgue 1

Si cette mission lui a demandé beaucoup de temps, le facteur d’orgue ne réalise pas seulement des gros chantiers. Il y a les petits entretiens annuels, au moins à chaque changement de saison, ou l’entretien courant, qui se fait environ tous les vingt ans. « On peut dire que tous les vingt ans on peut nettoyer l’orgue, faire le ménage. Surtout que dans les églises il y a du passage, il peut y avoir des travaux autour qui font que l’orgue peut être empoussiéré », précise-t-il. Il s’occupe également de l’accordage durant les fêtes de fin d’année. « C’est un peu l’excitation avant Noël parce qu’il faut accorder tous les orgues pour les fêtes. Donc, on est en vadrouille à droite à gauche pour faire ce qu’il faut parce qu’on fait tout au dernier moment, puisqu’on fait les accords suivant la température. »

De nombreux voyages toujours pas faciles à gérer

Les voyages font partie de son métier. David Bradesi ne travaille presque jamais dans la région Centre-Val de Loire mais il se rend régulièrement en région bordelaise ou en Belgique. « Dans le coin, il n’y a pas beaucoup de travail et nul n’est prophète en son pays, commente-t-il. Après, il y a les difficultés des appels d’offre et bien souvent je peux aller travailler dans un endroit où il y a des facteurs d’orgue, à l’autre bout de la France, et eux viennent travailler ici parce que la logique des appels d’offre fait que c’est comme ça. » Une situation qui n’est pas toujours simple, notamment pour la vie privée. Ce papa d’un petit garçon de sept ans avoue qu’il préférerait obtenir des missions à côté de chez lui, plutôt que d’aller à Bordeaux ou dans le sud. « Mais on n’a pas le choix », déplore-t-il.

Alors, il s’organise comme il peut, essayant d’alterner une semaine dans son atelier et une semaine sur le lieu de son projet. Il affirme que tout doit être prévu à l’avance. « Je fais un maximum de travail en atelier car j’ai les machines, j’ai tout sur place. Bien souvent, quand on restaure un orgue, on le démonte entièrement et on monte tout en atelier. Ensuite, on redémonte tout et on le ramène dans l’église, comme ça le montage va très vite. Mais, quand ce sont des restaurations partielles, c’est plus long car on ne démonte pas tout. » 

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Les missions sont donc plus ou moins longues, selon la demande. Elles peuvent durer trois semaines et peuvent aller jusqu’à deux ans. La taille de l’atelier et le nombre de personnes s’occupant du chantier sont aussi à prendre en compte. Le facteur d’orgue tourangeau, lui, travaille seul. Il lui arrive cependant de donner ou de recevoir un coup de main de ses collègues, notamment quand il ne maîtrise pas parfaitement les pièces à rénover. « Moi, par exemple, j’aime beaucoup l’harmonie. Faire parler les tuyaux, c’est vraiment mon truc. Par contre tout ce qui est électrique, c’est moins mon dada. On ne peut pas être parfait partout », plaisante-t-il.

L’orgue, un « virus » hérité de ses parents mélomanes

Si la facture d’orgue peut donc aussi être un travail d’équipe, c’est bien seul que le natif de Chanceaux-sur-Choisille a décidé de s’installer il y a dix ans, dans ses 100m² d’atelier. « Mais j’ai entre guillemets toujours fait ça. J’ai fait de l’orgue avant, je suis allé au conservatoire et je suis tombé dans le virus. Et, j’aimais bien bricoler donc j’ai commencé à bricoler des orgues à droite à gauche. » Un virus hérité de ses parents mélomanes, qui lui ont toujours apporté une culture musicale. Chez lui, il y avait toujours de la musique et, un jour, il est tombé sur un disque d’orgue. Il écoute ce son mystérieux et particulier qu’il l’a interpellé et commence à s’y intéresser petit à petit. Il débute donc l’apprentissage de l’orgue vers 14 ans, après avoir repris toutes les bases du piano avec son professeur.

« Il n’est pas dit que l’on soit facteur d’orgue toute sa vie parce que c’est aléatoire. Il faut prévoir ses arrières car on ne sait jamais ce qu’il peut arriver. »

David Bradesi, facteur d’orgue

Puis, il y a eu la reconstruction du grand orgue de la cathédrale de Tours, débutée en 1992. « Un jour, je débarque à la cathédrale et je vois des tuyaux partout. La moitié de la cathédrale était fermée parce qu’un orgue démonté ça prend une place monstrueuse. Je me suis dit que je voulais absolument faire un stage », se souvient David Bradesi. Il fait alors tout pour obtenir un stage avec Daniel Kern, le facteur d’orgue en charge de la reconstruction. Une vocation est née.

Après le collège, il suit donc un bac professionnel d’ébéniste au lycée d’Arsonval de Joué-lès-Tours, suite aux conseils de plusieurs facteurs d’orgue, et part à Strasbourg pendant trois ans pour l’apprentissage de la facture d’orgue, en alternance. « Et puis après, on apprend toujours. Chaque orgue étant différent, on fait tout le temps des découvertes. C’est un univers assez particulier parce que ne serait-ce qu’en France, selon les régions, il y a des façons de faire qui sont différentes et suivant les époques aussi. »

Devenir facteur d’orgue : polyvalence exigée

Ses formations lui permettent d’être polyvalent, une qualité essentielle pour exercer ce métier car « la facture d’orgue c’est plusieurs corps de métier ». Il y a la partie menuiserie, qui est une des parties principales puisque les trois quarts d’un orgue sont constitués de bois, la partie fabrique de tuyaux, qu’il n’effectue plus par manque de place, et une partie harmonie. « On est aussi un peu forgeron car il y a pleins de parties métalliques à forger », ajoute-t-il.

Mais, cette polyvalence est aussi une question de sécurité pour l’avenir. « Il n’est pas dit que l’on soit facteur d’orgue toute sa vie parce que c’est aléatoire. Il faut prévoir ses arrières car on ne sait jamais ce qu’il peut arriver. »  Il affirme cependant qu’être calé en facture d’orgue n’assure pas de trouver un boulot en menuiserie derrière. Aussi, il ne se montre pas très optimiste pour le futur du métier. « Et je ne suis pas le seul », concède-t-il. « C’est un beau métier mais ça reste un métier difficile par les aléas. On est dans le milieu artistique, ce n’est pas toujours très simple à gérer. On est chef d’entreprise et on a affaire à des artistes, donc il peut y avoir un décalage entre ce que les gens veulent et la réalité. Et, souvent les orgues appartiennent aux collectivités, donc on a aussi les politiques, les restrictions budgétaires. On a aussi des experts, quatre pour la France entière. Il peut y avoir des parties prix qui font que ça peut être difficile », explique-t-il.

Il ajoute que les appels d’offre rendent aujourd’hui les structures très fragiles. Il craint alors que, d’ici dix ans, il ne reste que quatre ou cinq manufactures en France puisque les petits facteurs d’orgue comme lui ne pourront pas survivre. « Quand je suis face à une manufacture qui a trois générations d’existence et qui a un chiffre d’affaire monstrueux, je ne fais pas le poids. Il y a vingt ans, les gros chantiers étaient pour les grosses manufactures et il y avait toujours tout plein de choses à faire à côté. Aujourd’hui, même les très gros prennent les petits chantiers », s’inquiète-t-il. Le Rouziérois a cependant eu la chance de principalement vivre de sa passion, même s’il avoue avoir fait quelques petits boulots à côté à certaines périodes. Alors que beaucoup se découragent face à la dureté du métier, lui n’a jamais voulu abandonner et a toujours su rebondir.

Il y a une dizaine d’années, il a par contre laissé de côté la pratique de l’orgue. Aujourd’hui, il aimerait recommencer à jouer, plus régulièrement. « C’est mon grand désespoir. J’aimerais bien m’y remettre de façon un peu plus assidue. Cela dit je continue à jouer de temps en temps. Je vais à Saint-Paterne, à Tours… Je dépanne pour des offices. Je me débrouille mais on ne peut pas dire que je progresse beaucoup en ce moment », avoue-t-il. Et de conclure : « Je n’ai pas toujours le temps que je voudrais mais je vais essayer d’être un peu plus assidu ! »

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