Dans l’antre d’une champignonnière à Cinq-Mars-la-Pile

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Quand on parle champignons en Indre-et-Loire on pense facilement à la truffe, le département réalisant environ 10% de la production nationale. Mais on trouve aussi une demi-douzaine de producteurs de shitakés, pleurotes voire champignons de Paris, installés dans le Lochois et à Cinq-Mars-la-Pile. C’est sur les hauteurs de ce dernier village que l’on a rencontré Ludovic Bernardet…

Ludovic Bernardet au sein de son exploitation

12° et 70% d’humidité : voilà les conditions les plus favorables au développement des champignons… Pour les obtenir facilement, il faut s’enfoncer dans la roche. Et c’est ce que l’on fait au beau milieu d’une petite rue de Cinq-Mars, en franchissant l’un des quatre portails d’accès à un ancien site d’extraction de pierre de tuffeau. Là, il y a au moins 20m de roche au-dessus de nos têtes, des puits d’eau cristaline et 15km de galeries creusées au fil du temps. Des chemins pas assez hauts pour qu’un grand basketteur s’y tienne droit mais bien assez larges pour que deux voitures se croisent.

Ici, ce sont plutôt les monte-charges qui circulent, en témoignent les traces de chenilles au sol. Ludovic Bernardet nous guide avec sa lampe, sûr de son chemin : « Si on se retrouve dans le noir, on peut regagner la sortie en touchant les murs » explique-t-il, la solution consistant à se laisser guider par les aspérités des parois. Après quelques minutes de marche nous parvenons dans une vaste salle éclairée de lampes à leds 10 à 12h par jour. C’est là que poussent les champignons cultivés par ce quinquagénaire, récemment reconverti.

10 à 20kg de champignons ramassés chaque jour

Ancien responsable industriel dans une grande entreprise, l’homme a choisi de changer de vie en 2020. Rien à voir avec le Covid, l’idée lui ayant déjà trotté dans la tête auparavant, jusqu’à devenir prédominante quand le sentiment de ras-le-bol professionnel est arrivé. « Au départ je voulais être maraîcher et juste produire des champignons l’hiver » raconte Ludovic Bernardet qui s’est formé à Orléans mais n’a pas réussi à trouver de terrain adéquat pour s’installer. Il a donc choisi de se consacrer à 100% aux champis, louant une partie des galeries de tuffeau laissée libre par un autre producteur local (La Cave des Figuiers) où il avait fait un stage pour apprendre le métier, et dont il est resté proche.

L’activité a réellement commencé en novembre 2020 et en bio. Voici comment ça fonctionne : l’agriculteur achète des substrats de paille, sorte de bloc d’une dizaine de kilos qu’il pose sur des étagères ou à même le sol. En France, seules deux entreprises proposent ce type de produit en bio : une en Bretagne et l’autre dans le centre du pays. A l’intérieur on incorpore le mycélium, les filaments à partir desquels se développent les futurs champignons (ceux-ci viennent de Langeais). Ainsi confectionnés, protégés des invasions de moucherons par des lampes spéciales et nettoyés quotidiennement, ces rectangles végétaux peuvent donner pendant 4 à 6 mois avant d’être reconvertis en paillage pour le jardin ou les cultures d’autres agriculteurs.

Des shitakés sur leur substrat

Des rituels de culture très stricts

Via ce mode de production, les premiers spécimens apparaissent dès 10 à 15 jours (la lumière à leds les guide dans la bonne direction). Et il suffit d’un coup sec de la main pour les arracher (pas besoin d’outil du genre sécateur). « Je peux ramasser entre 10 et 20kg de champignons par jour » note Ludovic Bernardet, qui doit composer avec quelques aléas : des périodes sans production (parfois sous influence de la Lune) et d’autres où elle est trop abondante rapport aux quantités qu’il vend sur les marchés, en AMAP, en paniers ou aux restaurateurs. Il a donc fallu trouver une solution, car même au froid les champignons ne se conservent pas beaucoup plus d’une semaine. Pour ne pas gâcher le professionnel développe donc une activité de transformation. Ainsi, après la fabrication de soupes, il envisage la commercialisation de conserves ou de champignons séchés.

En apparence simple, le mode de culture des champignons nécessite une vigilance quotidienne. Par exemple, les murs de la cave sont recouverts de bouillie bordelaise pour éviter le développement d’autres champignons capables de contaminer toute une récolte. Il faut également désinfecter régulièrement le matériel au vinaigre blanc. De plus, chaque espèce à sa méthode de pousse. Ludovic Bernardet laisse les substrats de ses shitakés à l’air libre mais conserve ceux des pleurotes dans du plastique troué « sinon elles partent dans tous les sens. » Autre vigilance : il doit parfois porter un masque pour ne pas tousser à cause de la sporulation (substance dégagée pour la reproduction des champignons). En revanche à 50m de l’accès le plus proche la température est constante (12 à 15° selon les courants d’air qui s’engouffrent dans les boyaux) donc pas d’inquiétude à ce niveau, même lors de canicules.

Des pleurotes sur leur substrat bâché

Des projets pour développer la production

En appliquant toutes ces méthodes, Ludovic Bernardet peut espérer produire 220kg de champignons pour chaque tonne de substrat qui entre dans sa cave. « Je suis dans les clous » commente-t-il un an et demi après le début de son activité, même si les ventes ne lui permettent pas encore de se payer. Néanmoins, son activité progresse au point qu’il envisage de recruter. Plusieurs chefs l’ont déjà sollicité pour mettre ses produits à la carte, dont le restaurant de Mame à Tours, Saveurs des Halles à Luynes… ou La Brèche à Amboise qui lui demande spécifiquement de petits spécimens pour la décoration de ses assiettes. Mais d’ailleurs, globalement, « il ne faut pas les cueillir trop gros sinon ça ne se vend pas. »

Aujourd’hui spécialiste du champi, le Tourangeau était tout de même bien renseigné longtemps avant de lancer son business. Petit fils d’éleveurs de bovins, originaire de l’Indre, il se souvient bien de ses goûts d’enfant : « Je préférais chercher et cueillir les champignons plutôt que de les manger. » Avec le temps il a affûté son palais et conseille désormais de ne surtout pas ajouter d’ail si vous faites une poêlée pour ne pas occulter le goût. C’est aussi en bon connaisseur qu’il a choisi de privilégier shitakés et pleurotes plutôt que le champignon de Paris qui nécessite plus d’espace et de main d’œuvre. « Le shitaké est notamment très prisé pour ses vertus médicinales. On en trouve beaucoup dans les compléments alimentaires » indique Ludovic Bernardet qui ne manque pas d’envies : il envisage prochainement la production d’autres espèces, principalement utilisées dans la cuisine japonaise.

Un degré en plus :

Les Champignons du Breuil sont vendus chaque semaine sur les marchés d’Amboise (vendredi) Tours-Beaujardin (samedi) et Tours-Rabelais (dimanche), via La Ruche Qui Dit Oui, chez Label Echoppe à Rochecorbon, aux Vergers de Taillé à Fondettes et enfin par certains maraîchers du département. Plus d’infos via les réseaux sociaux (avec des recettes).

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