Covid et guerre en Ukraine : quand les crises internationales chahutent le bâtiment en Touraine

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C’est un mouvement qui a commencé pendant la crise sanitaire et qui s’accélère depuis le début de l’invasion russe en Ukraine à la fin du mois de février 2022 : une forte hausse du coût des matières premières et des énergies. Ces augmentations pèsent sur le quotidien des familles quand il s’agit du blé ou de l’essence. Elles impactent également toute la filière du bâtiment, que ce soit en construction et en rénovation. Cela perturbe les entreprises mais déstabilise aussi les collectivités. Etat des lieux en Indre-et-Loire.

C’est une petite phrase glissée au cœur du conseil métropolitain lundi 28 mars au siège de l’agglomération tourangelle, dans le quartier des Deux-Lions : une élue s’inquiète de voir le coût d’un chantier en hausse sur la commune de Parçay-Meslay. L’explication tombe : c’est lié à la hausse des coûts des matériaux de construction. Deux jours plus tard, au cours d’une conférence de presse sur la situation des réfugiés d’Ukraine, c’est le maire de Tours qui glisse une réflexion sur le sujet. Emmanuel Denis relève alors que le budget peinture du futur Centre Chorégraphique National de Tours est en hausse de 147% par rapport aux prévisions. Donc deux fois et demi la somme initiale.

Nouvelles écoles, rénovation du Sanitas, projet pour rendre le Palais des Sports moins énergivore… Dans les prochaines années la ville de Tours va héberger de grosses opérations sur son territoire. Mais aujourd’hui rien ne dit qu’elle pourra respecter son calendrier de réalisation. Déjà étranglée par des finances en berne, elle va en plus devoir absorber des augmentations de coûts de matières premières indispensables pour mener à bien les projets. « Au bout du compte on finira par faire moins » résume laconiquement le maire. Pas forcément cette année, mais les suivantes, sans doute.

Le risque de voir des projets abandonnés

L’aluminium, le bois, la brique, les ciments… A peu près tous les produits sont concernés par des augmentations. Certains prix ont triplé ou quadruplé en quelques semaines. Et personne ne peut dire quand ça va s’arrêter : « On est incapable de savoir à quel prix on va toucher les matériaux et à quel moment on va les recevoir » explique Stéphane Pouessel, le président de la Fédération Française du Bâtiment en Indre-et-Loire. L’homme décrit des chantiers à l’arrêt pour cause d’absences de livraisons, voire des usines de production qui ne fonctionnent pas de peur de factures aux augmentations exponentielles. « Il y a un risque de rupture de la chaîne de production du bâtiment, mais également un risque économique pour les entreprises » poursuit le représentant tourangeau du secteur.

« Il y a forcément de l’inquiétude car les communes représentent le 1er investisseur public de notre pays » analyse le président des maires d’Indre-et-Loire Cédric de Oliveira, qui dirige la commune de Fondettes. Par exemple il a prévu de faire ériger une maison des arts et de la jeunesse dont l’inauguration est prévue en 2024. Les opérations doivent débuter dans l’année pour un montant de 4,2 millions d’€ : « Si la hausse des prix prend des proportions inimaginables, il faudra décaler » prévient l’élu. Les arbitrages se feront en mai, lors des commissions d’appel d’offre.

Un appel aux aides de l’Etat

Des élus qui ne commandent plus, c’est la tuile pour les entreprises du bâtiment, déjà agacées par un niveau de chantiers publics plus faible que dans d’autres agglomérations de taille comparable (Orléans, Le Mans ou Angers). Une situation d’autant plus pénalisante que les professionnels relevaient plutôt bien la tête après l’arrêt forcé pendant la crise sanitaire. Là, ils sont dans l’expectative… « On a la crainte que des chantiers en cours s’arrêtent dans le public comme pour le privé » détaille Stéphane Pouessel. Il s’explique : « Quand un particulier fait un emprunt à 50 000€ pour une extension il n’a pas 70 000€. Si on lui annonce que son projet augmente de la sorte, de fait il ne se fera pas. »

Pour faire face, « aujourd’hui on a vraiment besoins que les pouvoirs publics nous accompagnent pour sauver les entreprises » demande le président de la FFB37 qui liste deux mesures prioritaires : la possibilité de réévaluer le coût des chantiers en fonction de l’évolution du prix des matières premières. Et l’exonération de pénalités de retard si des travaux se terminent après la date prévue pour cause de chantier stoppé pour impossibilité de livraison. Bref que les hausses de factures et l’allongement des délais deviennent des cas de force majeure.

La crainte d’une hausse qui se poursuivrait après l’automne

A l’instar des pêcheurs, qui ont obtenu une ristourne sur le prix de l’essence, les entreprises du bâtiment espèrent également un geste financier de l’Etat pour faire face à la hausse des dépenses. Les candidats de l’élection présidentielle ont été interpellés au cours de la campagne, y compris en Touraine via leurs représentants. Une réunion est également prévue cette semaine au sein de la préfecture d’Indre-et-Loire, à la demande des acteurs du secteur. De quoi évoquer également la possibilité d’une prise en charge du chômage partiel pour les équipes de chantier qui seraient dans l’impossibilité d’avancer faute de matériaux.

Les élus locaux en appellent également au pouvoir central. « L’association des maires demande un bouclier tarifaire » relaie son président tourangeau Cédric de Oliveira. C’est-à-dire un soutien pour payer les charges de fonctionnement des bâtiments dont les factures énergétiques flambent. « Si le gouvernement ne donne pas suite et que les prix augmentent encore au-delà de l’automne ce sera la double peine, et nous ne pourrons pas continuer à investir. Il faut un fonds de concours exceptionnel » plaide le maire de Fondettes qui parle d’un mandat « complètement subi » avec cette crise inflationniste dans la foulée de la crise sanitaire. « On est un peu dans une économie bouleversée, il faut que l’on attende de voir comment les choses reprennent ou pas. »

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