Assises du Journalisme à Tours : « Il y a une overdose de commentaire pour les citoyens »

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En cette dernière semaine de mars, Tours accueille une fois de plus les Assises du Journalisme, événement autant professionnel que grand public pour réfléchir sur la façon dont on s’informe ou sur l’économie des médias. Parmi les grands rendez-vous : une expo de dessins de presse par Coco sur les grilles du Jardin de la Préfecture, une rencontre entre journalistes et anonymes mercredi 29 au Bateau Ivre, une soirée autour de la situation en Iran vendredi 31 et enfin le Salon du Livre de Journalisme samedi 1er avril à la bibliothèque centrale de Tours.

Les Assises du Journalisme sont désormais bien installées à Tours, et plus particulièrement dans l’enceinte de l’ancienne imprimerie Mame qui accueille l’essentiel des conférences, débats et ateliers du 28 au 30 mars (accès libre, programme sur www.journalisme.com). « C’est un rendez-vous important pour la profession. L’occasion de se poser, de prendre du recul et de se remettre en question » commente la journaliste Marie-Laure Augry, passée notamment par France 3, et qui fait partie du comité d’organisation.

Prendre le temps de réfléchir au milieu d’une actualité qui va à 1 000 à l’heure, avec des informations chassant les précédentes avant même qu’on ait eu le temps de bien les analyser : voilà le contexte qui a entraîné le choix du thème 2023 des Assises : Retrouver le goût de l’info. Il est vrai que de plus en plus de personnes expliquent ne plus s’informer, ou moins qu’avant. Se sentent déconnectées de l’actualité, ou noyées dans le flot des nouvelles. « Les citoyens restent intéressés, la majorité s’informent 7 fois par jour mais avec la multitude des créneaux, l’influence des réseaux sociaux et la multiplication des fausses nouvelles la défiance reste importante » relève Marie-Laure Augry.

Et ce n’est pas l’apparition récente d’intelligences artificielles capables de simuler une arrestation de l’ex-président américain Donald Trump de façon crédible pour un œil peu pointilleux qui vont donner tort à ce constat. Plus le temps passe, plus une frange de la population prend ses distances avec le travail journalistique :

« Cette lassitude s’est accentuée depuis trois ans avec la pandémie et une actualité devenue autocentrée et anxiogène. Malgré leurs richesses, les chaînes d’info en continu qui multiplient les débats en plateau – une solution rentable et de facilité – nourrissent ça ce qui fait que les citoyens se retrouvent avec une overdose de commentaires. C’est une interpellation pour nous. »

Marie-Laure Augry en est d’ailleurs convaincue : la physionomie actuelle des grands médias conduisant à une certaine hystérisation du débat public, peut faire partie des causes d’une hausse de l’abstention aux élections. « La méfiance des élites touche aussi les journalistes. On ne fait pas élire ou désélire un candidat mais on a une responsabilité dans la qualité du débat démocratique. Il faut sortir de la petite phrase vindicative. » La journaliste note tout de même des points positifs :

« Le pari n’est pas perdu. Il y a encore un goût de la curiosité. Et puis la place de l’investigation n’a jamais été aussi grande qu’aujourd’hui avec des initiatives comme Forbidden Stories (qui reprend les enquêtes de journalistes menacés ou assassinés, ndlr). Il y a également une forte attache à l’info de proximité qui ne s’inscrit pas dans ce petit dérapage. Tous les médias nationaux ne sont pas comme ça non plus. »

Pour Marie-Laure Augry, un nouveau départ pourrait passer par une accentuation encore plus poussée de la place des contenus pédagogiques dans les médias, reconnaissant « beaucoup de parallèles » entre la fonction de journalisme et les métiers de l’enseignement :

« Les lecteurs demandent beaucoup de clés pour comprendre et faire le tri. Même chez les scolaires il y a une prise de conscience que tout ce qui est sur Internet n’est pas forcément vrai. »

Et pour concentrer l’humain sur les productions nécessitant un fort investissement en temps, peut-on aller jusqu’à avoir recours aux intelligences artificielles dans les médias pour des contenus à faible valeur ajoutée comme des listes de résultats sportifs ? Le débat s’ouvre, et sera porté aux Assises avec une conférence sur l’émergence de ChatGPT ces dernières semaines. « Cet essor des IA est inquiétant, il faut éviter qu’elle remplace des journalistes » prévient Marie-Laure Augry qui plaide pour « un code de déontologie » encadrant leur utilisation, par exemple une mention systématique dans les articles qui y ont eu recours. Encore un défi à venir pour une profession décidément au carrefour des grands enjeux de toute la société.

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