Amiante : l’épineux dossier pour la ville de Tours

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L’affaire met à mal la ville de Tours. Entre 2009 et 2012, pendant des travaux liés aux puits de captage des eaux des îles Aucard et aux Vaches, 8 employés auraient été en contact d’amiante. Depuis, 2 ont contracté des maladies liées à ce fléau. Un volet sanitaire accablant doublé d’un volet environnemental qui l’est autant. En effet, l’amiante sur place aurait été broyée puis répartie en trois endroits sur l’île Aucard et en grande partie sur l’île aux Vaches, dans une zone couvrant 11 000 m3 de terres qu’il faudrait retirer.

Les travaux incriminés aujourd’hui avaient été commandés par la ville de Tours entre 2009 et 2012 sur les puits de captage d’eau potable présents à l’ile Aucard et à l’ile aux Vaches sur la Loire. Des travaux menés sur des structures datant des années 60 où la présence d’amiante était connue. Depuis, plusieurs salariés ont contracté des maladies liées à l’amiante, dont un cancer des poumons révélé dès 2012. A l’époque, la CGT des communaux de Tours avait alerté. Depuis, le sujet était sensible.

Il est finalement ressorti des cartons en ce début d’année 2019 avec la remise d’un rapport d’expertise qui s’avère accablant pour les commanditaires des travaux : à savoir la ville de Tours.

Le président de Tours Métropole qui a récupéré la gestion du service en 2017, n’a d’ailleurs pas caché sa colère la semaine dernière en Conseil Métropolitain. Parlant de honte, il a notamment indiqué que « les risques étaient connus et avérés ». Et Philippe Briand de poursuivre : « Il y a une lourde responsabilité de ceux qui ont envoyé les collaborateurs travailler sur place, parce que eux savaient. »

De son côté comme elles l’avaient indiqué lors d’une conférence de presse, la CGT et l’Adeva (l’association des victimes d’amiante) ont porté plainte contre X.

Depuis, les choses se sont accélérées et dès ce début de semaine, la zone amiantée sur l’Ile Aucard a été confinée avec de la signalétique afin que le public ne puisse y accéder. Un zonage préalable au retrait de l’amiante du site qui devrait se faire rapidement à croire les propos de Philippe Briand.

Au sein des proches du dossier incriminé, travaillant à l’époque pour la ville de Tours, les langues se taisent et seules quelques phrases en off réussissent à sortir, mais toujours pour se protéger. « Le cahier des charges a été respecté » nous dit ainsi une personne proche du dossier. « Aucun employé de la ville n’a touché à de l’amiante » affirme un autre préférant lui aussi garder l’anonymat. « Le maintien de l’amiante sur site était ce qui paraissait logique à l’époque, il n’y avait a priori pas de risque en faisant ainsi » poursuit ce dernier qui pointe également le fait que l’un des salariés malades, pourrait avoir été touché non pas pendant la période de travaux dénoncée (2009-2012) mais plus en amont.

Négligence ou irresponsabilité ?

Le temps de latence de maladies liées à l’amiante est en effet estimé en moyenne entre 15 et 20 ans (un dossier complet de l’INRS est disponible ici). Quoiqu’il en soit, qu’il ait été en contact de l’amiante pendant la période des travaux sur les iles ou plus tôt, cela relève d’une maladie professionnelle avérée et donc d’une faute de la ville de Tours, son employeur. Déjà en 2015, Jean-Jacques Prodhomme, ancien secrétaire de la CGT des communaux de Tours qui s’est intéressé de près à cette question, nous disait : « on est en train de remonter tous les services dans lequel il a travaillé ». Mais pour la ville de Tours, cela est d’autant plus accablant qu’au moins quatre employés de la ville de Tours se sont vus reconnaître des maladies liées à l’amiante ces dernières années et qu’aujourd’hui selon le rapport d’expertise ce sont 8 employés qui auraient été au contact de l’amiante sur les deux îles.

La ville de Tours a-t-elle fait preuve au mieux de négligence, au pire d’irresponsabilité ? Sans doute. Depuis 1997, les problèmes liées à l’amiante sont connus et les collectivités ont pour obligation de de mettre en place des DTA (Diagnostic technique amiante) afin de repérer précisément où se situe de l’amiante et fournir à leurs employés ces diagnostics. Des collectivités qui sont également obligés de procéder aux travaux de désiamantage quand c’est nécessaire. Et cela a un coût énorme, ce qui a freiné ces opérations au détriment des questions sanitaires. En 2012, il a fallu que la CGT lutte pour faire condamner les sous-sols amiantés de l’Hôtel de Ville. Une affaire qui avait fait beaucoup de bruit. « Le probleme de l’amiante n’a commencé à être pris vraiment en compte à cette date avec un rapport à la DRH » reconnaît d’ailleurs l’un de nos interlocuteurs. Si depuis cette date il semble que le problème ait enfin été pris au sérieux, il reste beaucoup de retard à rattraper et d’ailleurs le retard ne peut pas toujours l’être. Pour rappel chaque année ce sont entre 3000 et 4000 maladies liées à l’amiante qui sont détectées en France, et les perspectives sont sombres puisque l’amiante pourrait être responsable de 100 000 morts d’ici 2050 en France selon l’Institut de veille sanitaire ainsi que de nombreuses maladies cancérigènes.

Un problème sanitaire et environnemental

Et puis il y a la question environnementale, enfouir l’amiante sous terre était-il judicieux ? Vraisemblablement non, même si un proche du dossier de l’époque nous assure « que la solution n’était pas dangereuse, l’amiante n’étant dangereuse qu’à l’air libre et sur l’île aux Vaches il n’y a pas de public ». Pourtant cela pose question. La Préfecture d’Indre-et-Loire, représentant l’Etat a d’ailleurs demandé une expertise sur les solutions à prendre. Faut-il retirer l’amiante ou non ? Sur l’île Aucard, les zones étant établies précisément, cela va être possible, pour un coût de 2 millions d’euros. En revanche sur l’île aux Vaches, ce coût pourrait s’élever à 20 millions d’euros. Sur ce site, propriété de l’Etat, cela va s’avérer plus complexe. Pour la CGT, depuis plusieurs années, la réponse est en revanche claire : «  « Il faut retirer l’amiante partout où elle se trouve sinon c’est prendre le risque que personne ne se rappelle d’ici quelques décennies de la présence d’amiante à cet endroit » nous expliquait ainsi Monsieur Prodhomme dans notre précédent article sur le sujet. Reste la question des responsabilités, celle de la ville de Tours assurément, mais aussi de l’Etat, propriétaire de l’ïle aux Vaches et qui aurait dû à ce titre contrôler ce qui se passait sur ce site. Le dossier n’est pas prêt d’être refermé, d’autant plus que beaucoup de manquements semblent avoir eu lieu. Réponse à venir sur le plan judiciaire cette fois…

Photo : image d’archives

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