Développer une marque locale : le défi complexe des entrepreneurs tourangeaux

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A force de rencontrer des créatrices et créateurs d’entreprises, on peut l’affirmer : beaucoup rêvent de développer leur marque au niveau national. Certains y parviennent comme la brasserie La P’tite Maiz’, les produits textiles Lytess ou la chocolaterie Néogourmets (vue à La Grande Epicerie de Paris). Et c’est sans parler de pépites locales de grande envergure comme les poupées Corolle de Langeais ou la Laiterie de Verneuil, présente dans des magasins jusqu’en outre-mer. Mais ce graal reste difficile à atteindre, en particulier pour les petites structures. Cela dit, le web offre parfois de belles surprises. Portraits croisés dans l’univers des cosmétiques.

Elles vivent à Paris mais racontent passer un grand nombre de week-ends et de vacances dans le Chinonais. Fleur et Amélie Desazars sont attachées à la Touraine et à la maison de leurs grands-parents, acquise il y a plus de 50 ans. Alors quand il a fallu choisir un logisticien pour développer leur marque de cosmétiques spécialisés pour les peaux à acné, elles ont vu comme un symbole de choisir Clic Logistic à Genillé, près de Loches. « C’est une petite équipe très réactive et ça nous plaisait de garder un pied sur le territoire » précise Amélie.

A 32 ans, la jeune femme partage aujourd’hui la direction de Skin & Out avec sa sœur de 29 ans. Née pendant le Covid en 2020, l’entreprise fait aujourd’hui travailler une douzaine de personnes. Suivie par près de 40 000 followers sur Instagram, elle a dépassé le million d’euros de chiffre d’affaire dès sa 2e année et a atteint 1,3 million pour son exercice 2023. Un succès qui a emmené les deux entrepreneuses sur le plateau de l’émission Qui veut être mon associé, diffusée ce mercredi 28 février dès 21h10 sur M6. « On avait déjà été retenues pendant le Covid mais notre participation avait été annulée à la dernière minute. On a candidaté de nouveau et c’est mieux maintenant, on est plus prêtes » explique la co-créatrice de la marque qui propose produits de beauté, tisanes et compléments alimentaires.

Les fondatrices de Skin & Out photographiées par Marianne Barthélémy

Comment analyser ce succès ? Quand on demande à Amélie, elle évoque la force de sa communauté : « Pendant le Covid, les gens étaient beaucoup sur leurs écrans, on a rapidement atteint les 10 000 abonnés ». Des internautes qui se sont attachés au storytelling des deux sœurs : elles-mêmes ont vu revenir leurs boutons d’acné après l’arrêt de la pilule contraceptive en 2019. Elles ont raconté leur histoire avec l’appui d’experts, et ont osé afficher des peaux marquées par les boutons dans leur communication. Un naturel éloigné des publicités des autres marques qui semble avoir payé à une époque où les messages artificiels ont de plus en plus de mal à porter.

Présente dans une série de grands magasins ou de concept-stores, Skin & Out vient de signer un partenariat avec les Galeries Lafayette et intégrera les rayons du magasin de Tours en mars. Cependant, 80% de ses ventes se font sur Internet. Une part que la marque souhaiterait voir baisser pour mieux s’implanter dans le réseau physique, en particulier les pharmacies. Elle espère que l’émission d’M6 lui apportera le coup de pouce permettant de franchir se cap souvent difficile à atteindre sur un marché exponentiel (les marques de cosmétiques françaises il en existe des centaines, et les rayons ne sont pas extensibles).

Exister en magasin n’est pas le rêve absolu mais c’est souvent vu comme un aboutissement. Cela permet de compter sur des achats impulsifs, ou sur l’attachement d’une clientèle à son commerce pour qu’elle ait confiance lors du référencement d’un nouveau produit. Néanmoins, cela signifie aussi des charges pour l’approvisionnement, et des marges moins élevées. Un équilibre complexe qui a poussé Sarah Goléo à quitter le réseau physique pour se concentrer sur la vente en ligne, à l’exception de quelques salons.

Fondatrice de la marque Odaloire qu’on vous présentait dès 2019, cette ingénieure chimiste vient d’installer son laboratoire dans un discret pavillon du quartier des Prébendes de Tours, Rue Faidherbe. C’est de là qu’elle prépare ses lots de crèmes de jour, eau micellaire, huile corps et cheveux ou shampoings solides. Une gamme d’une douzaine de produits qu’elle distribue par sa fenêtre aux personnes qui passent commande sur son site et ne veulent pas payer de frais de port.

« La vente dans les commerces me prenait trop de temps et je n’avais pas assez de gains. Il faut que j’optimise mon temps. Et puis la remise en main propre me permet de garder un contact avec la clientèle. Cela me permet d’interroger les gens pour connaître leurs besoins. »

Une curiosité pouvant déboucher sur la création de nouveaux produits adaptés aux besoins de personnes ayant déjà une affinité avec Odaloire. Travaillant seule, hormis une stagiaire qui l’aide actuellement en communication, Sarah Goléo doit tout réaliser elle-même, de la formulation des recettes à la communication. Et si elle est douée en chimie, elle a plus de mal quand il s’agit de se vendre : « Je ne suis pas du tout marketing. Pour vendre en ligne il y a tout un travail à faire et j’ai des difficultés à me faire connaître car j’ai un tout petit budget » reconnait celle qui développe sa société avec ses fonds propres, sans emprunt bancaire.

Résultat : après plus de 4 ans d’existence, Odaloire ne compte que 573 followers sur Instagram et réalise entre 100 et 200 ventes mensuelles. Ce qui est peu pour se dégager un revenu, d’autant plus que l’entrepreneuse a quitté son job salarié en 2023 pour se consacrer pleinement à son projet personnel. « Je suis beaucoup plus créative et motivée depuis mais je ne me génère pas encore de salaire. Donc il va falloir que ça décolle d’ici un ou deux ans. » Elle a d’ailleurs réaugmenté ses prix qui avaient diminué, mais ceux-ci restent moins élevés que les tarifs initiaux (22€ au départ passés à 15 puis remontés à 20€). Motif : « Ce n’est pas parce que l’on baisse que les gens accrochent plus. »

A défaut de cartonner en com’, Sarah Goléo va mettre à profit ses compétences. Ainsi, elle compte se spécialiser dans la fabrication de cosmétiques en sous-traitance pour d’autres marques : des entreprises qui veulent des lots en petite quantité (maximum 10kg), par exemple pour tester le marché avant une production à plus grande échelle. Elle commence ainsi une collaboration avec deux marques du sud de la France, avec l’avantage qu’elle a fait la formation lui permettant de signer certains documents réglementaires (ce qui lui a permis d’économiser certaines charges de développement).

Il faut aussi souligner que la qualité du travail d’Odaloire a été reconnue par le Domaine de Chambord (2e château le plus visite de France) qui lui confie la réalisation d’une gamme de cosmétiques à son nom, avec la cire d’abeille ou la sève de bouleau du site. Et pour le coup c’est Sarah Goléo qui a fait les démarches pour entamer cette collaboration. Une reconnaissance prestigieuse et encourageante en accord avec les valeurs de la marque qui a toujours privilégié les produits locaux et artisanaux comme les huiles des Champs de Julien à Mettray ou les roses de la Ferme du Cabri au Lait à Sainte-Maure-de-Touraine. Il a fallu un an pour élaborer les formules de baume à lèvres ou eau micellaire.

Odaloire, c’est donc le choix d’une « croissance lente » mais un projet qui continue d’exister près de 5 ans après ses origines, quand d’autres sont parfois avortés en quelques mois (pour avoir vu trop gros ?) ou ne voient jamais arriver l’expansion escomptée (combien de restaurateurs nous ont dit vouloir lancer une franchise restée à l’état d’embryon ?). « L’objectif c’est d’avoir les deux activités parallèles, je ne veux pas abandonner car j’y crois à fond » nous dit la chimiste qui projette de nouveaux développements comme un masque et un shampoing en poudre, notamment pour les peaux avec de l’acné. Étant passée aux emballage verre pour abandonner le plastique, elle n’exclue pas de développer un système de consigne pour toujours plus d’écologie.

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