Mineurs non accompagnés : « on ne peut plus pallier au manque des autorités »

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Association venant en aide aux réfugiés, Utopia 56 est née en 2016 et a une antenne à Tours depuis plus d’un an maintenant. Une antenne qui s’est rapidement faite une place dans le monde associatif et solidaire avec un travail de terrain quotidien, notamment auprès des mineurs étrangers isolés, officiellement nommés mineurs non accompagnés.

Des mineurs pour lesquels l’association vient en aide en complément du tissu associatif local : « On est en lien avec les associations sur le territoire dont Chrétiens Migrants, nous ne faisons pas de maraude mais on s’occupe de mineurs qui viennent à nous et que l’on met à l’abri » expliquent Marine et Angelo, deux des membres de l’antenne tourangelle de l’association Utopia 56

Mettre à l’abri, comprendre les sortir de la rue et leur trouver un toit, souvent chez une famille le temps que leur procédure d’évaluation se déroule. Pour Angelo et Marine, « le problème c’est qu’il y a souvent 15 jours d’attente entre leur présentation à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) et leur évaluation de minorité. Pendant ce temps là, l’ASE ne s’occupe pas d’eux contrairement à ce qu’exige la loi et ils se retrouvent sans rien, démunis, alors que ce sont des enfants ».

« Il faut du temps pour que ces jeunes se confient réellement »

« Pour les mineurs, il n’y a aucune solution dans ce cas, car ils ne sont pas éligibles au 115 » expliquent les membres d’Utopia 56. Une situation qui alarme de plus en plus ces militants associatifs, d’autant plus que les services départementaux peinent de plus en plus à faire face aux demandes de plus en plus nombreuses : 448 demandes depuis le début de l’année (au 31 mai) contre 553 demandes sur l’ensemble de l’année 2017. Une augmentation qui conduit faute de moyens, à des situations de plus en plus compliquées et logiquement à des évaluations expéditives, avec parfois deux évaluations au lieu d’une par jour. « Pourtant il faut du temps pour que ces jeunes se confient réellement après ce qu’ils ont traversé avec pour beaucoup des histoires personnelles difficiles » pointent de leur côté Marine et Angelo. Autre problème l’allongement des délais. En effet, légalement le département a 5 jours pour réaliser l’évaluation d’un jeune à partir du moment où il se présente. Durant ce délai, ce dernier doit également être logé mais les services du département affirment ne plus pouvoir répondre aux demandes. « Nous ne sommes plus en capacité de le faire car la période touristique reprenant, les hôteliers avec lesquels on travaille en hiver demandent à reprendre leur place pour les touristes » nous expliquait ainsi Stéphanie Bonnet, directrice adjointe des solidarités au Département, il y a quelques semaines.

Un discours qui agace les membres d’Utopia 56, qui dénoncent également la communication du Département sur cette question. Une communication maitrisée, entre communiqués et discours musclés du président Jean-Gérard Paumier pour critiquer le manque d’aides de l’Etat et le coût pour le département ou encore à travers les éléments donnés aux médias. Récemment, le Conseil Départemental nous a ainsi accordé un rendez-vous pour voir le fonctionnement de l’ASE. Une visite dans le cadre d’une opération de communication à la presse dans son ensemble (La Nouvelle République et France Bleu Touraine ont également pu visiter les locaux de l’ASE la même semaine), au cours de laquelle les services de l’ASE ont expliqué les processus d’évaluation, mais aussi justifié les tensions actuelles.

Lire ou relire : Mineurs non accompagnés : comment s’organise l’accueil en Touraine

« Il n’y a aucune bienveillance dans l’accueil des mineurs« 

Une visite que nous avons relayé dans un article, en choisissant de laisser les propos qui nous avaient été formulés et la responsabilité à leurs auteurs. Des propos qui ont choqué les militants associatifs et notamment certains termes employés par nos interlocuteurs d’alors. « Il n’y a aucune bienveillance dans l’accueil des mineurs et le doute ne leur bénéficie jamais » affirment en colère aujourd’hui Marine et Angelo en montrant des résultats d’évaluation de minorité.

Dans les documents que nous montrent les militants, il y est clairement noté en effet que le doute persistant sur les personnes évaluées conduit à un refus de reconnaissance de minorité et donc une absence de prise en charge. « La vérité est que chaque jour on laisse des mineurs à la rue, dans une zone de non-droit, contrairement à ce qu’impose la loi. Le Département se met hors-la-loi et l’assume, c’est grave ».

Régulièrement pour dénoncer ces refus, Utopia, avec son avocat, entame des recours juridiques. « Sur 18 recours l’an passé, 12 mineurs qui n’avaient pas été reconnus dans un premier temps par l’ASE l’ont été finalement par la suite » expliquent-ils. Des petites victoires pour les militants bien que non-satisfaisantes car ces recours prennent parfois plusieurs mois : « pendant ce temps, les mineurs n’ont pas de solution légale, nous les mettons donc à l’abri comme on peut ».

Une situation en tension permanente à laquelle l’association fait face comme elle peut, avec une humanité certaine et des moyens parfois dérisoires si ce n’est un réseau solidaire. « On fait le travail des autorités, ce n’est pas à nous de le faire normalement » poursuivent Marine et Angelo qui préviennent : « Aujourd’hui Utopia ne peut plus accueillir plus de mineurs, on ne peut plus pallier au manque des autorités ». Depuis le début de l’année, Utopia 56 affirme avoir pris en charge 143 mineurs rien qu’à Tours.

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