Marion Rousselot, gardienne du temps à Vouvray

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Après avoir travaillé en région parisienne et en Belgique, Marion Rousselot a installé son atelier d’horlogerie ancienne à Vouvray, en 2021. La trentenaire retrace son parcours et évoque les différentes facettes de son métier, passionnant mais exigent.

Un petit atelier bien caché. En remontant la rue de la Bonne-Dame, à Vouvray, il est difficile d’imaginer que de vieilles horloges y sont réparées. C’est pourtant bien ici, dans la dépendance d’une maison située au cœur de la Touraine, que Marion Rousselot décide d’installer son premier atelier, en 2021. « Démarrer dans cette région est un avantage. Il y a beaucoup de patrimoine et les gens sont soucieux de leur héritage. Ils souhaitent l’entretenir, assure la trentenaire. C’est aussi plus facile de se faire connaître ici qu’en région parisienne, où nous sommes un peu perdus dans la masse ».

Dans son atelier, la jeune femme originaire de Bressuire (Deux-Sèvres) s’occupe de pendules des XVII, XVIII et XIXe siècles. Elle démonte les mouvements, les inspecte puis les remet en état. Elle reprend les usures, nettoie les métaux, enlève les oxydations. Elle peut aussi réparer des dents cassées dans un rouage, adapter des aiguilles, refaire des pièces manquantes. À la fin de chaque restauration, Marion Rousselot remonte et teste les horloges, confiées à 80 % par des particuliers. « Je m’occupe des mécanismes. Tout ce qui touche au métal, je peux m’en charger également mais le reste ce n’est pas moi. Pour les autres matières ou pour ce qui concerne l’esthétique, je conseille les clients et fais le lien avec d’autres artisans, comme les ébénistes, les restaurateurs de cadran, de marbre, de verre ou de peinture », explique-t-elle. L’horlogère, souvent seule dans son atelier, apprécie ces relations avec les autres professionnels. « Ça crée du lien. J’adore ça car cela permet de comprendre comment les objets sont faits, de rester ouvert, de voir ce que font les autres et comment ils le font. »

De jolies pièces se trouvent dans l’atelier de Marion Rousselot, à Vouvray.

« Nous devons faire du sur-mesure »

Marion Rousselot a choisi de ne travailler que sur des horloges anciennes. Elle ne répare donc pas de montres bracelet. Elle précise d’ailleurs qu’il devient rare de faire les deux. « Nous travaillons différemment sur les montres. Ce ne sont pas les mêmes outils, pas les mêmes fournitures, pas le même établi, pas les mêmes positions. Si je voulais faire les deux, il me faudrait presque un autre atelier », indique-t-elle. Lorsqu’elle révise une pendule, la jeune femme travaille la matière et répare les pièces in situ, car ces dernières ne peuvent pas être remplacées. Contrairement à la montre bracelet, dont les pièces sont fabriquées à la chaîne pour être interchangeables, en horlogerie ancienne, les éléments n’ont pas été standardisés. Il est donc impossible d’échanger des pièces entre deux horloges qui se ressemblent. « Ça ne fonctionnera pas. Nous devons faire du sur-mesure, nous n’avons pas le choix. » Lors de chaque intervention, l’horlogère doit par ailleurs veiller à respecter le style, le lieu de conception et l’époque de la pendule, en utilisant des matières similaires à celles de la fabrication.

Et Marion Rousselot l’affirme : « Ce n’est pas parce que les horloges sont plus grosses que les montres qu’elles sont plus faciles à réparer. » La Vouvrillonne d’adoption présente l’horlogerie comme un métier exigent, dans lequel il est essentiel d’être précis, rigoureux, concentré et méthodique. Une profession pour laquelle il faut également savoir prendre son temps. « Il vaut mieux se laisser du temps et ne faire qu’une réparation. Car, si l’on doit la reprendre une autre fois, l’horloge peut être endommagée. Les réparations peuvent avoir un impact négatif si nous les faisons mal, déclare-t-elle. Nous devons prendre l’objet dans sa globalité. Lorsque nous révisons la dent d’une roue, nous ne pensons pas juste à la dent mais à l’objet en entier. » En cas de doute, la trentenaire préfère donc prendre du recul : « Mieux vaut faire un tour de quinze minutes dans les vignes que perdre trois heures car nous nous sommes trompés ! »

Dans son atelier vouvrillon, Marion Rousselot répare des horloges anciennes. (Photo transmise par Marion Rousselot)

Une passion découverte tardivement

Si Marion Rousselot est aujourd’hui une véritable passionnée, travailler dans l’horlogerie n’était pourtant pas « un rêve de petite fille ». Elle découvre ce domaine tardivement, lors de sa troisième année de licence en histoire de l’art à La Sorbonne, à l’occasion d’un cours sur les arts décoratifs. « À la base, c’est plus le côté décoratif qui m’a plu. Le côté technique est venu plus tard. Certains ne prennent en compte que le côté technique mais, pour moi, l’extérieur est tout aussi important car nous nous retrouvons face à des objets qui portent l’histoire de l’art, les techniques, les styles. Il y a d’ailleurs moins ce côté historique avec la montre bracelet. » Après sa licence, la jeune femme obtient un master de recherche. « Ce n’était pas fait pour moi car trop théorique », juge-t-elle. Elle se lance alors dans une formation d’horlogerie à l’Afpa de Besançon. Elle travaille ensuite pendant deux ans comme clerc de commissaire-priseur dans une étude parisienne, spécialisée en horlogerie ancienne. « Là-bas, j’ai notamment appris à bien regarder les objets, à définir les époques », se remémore-t-elle. Puis elle décide de se mettre à son compte et collabore avec un horloger en Belgique, avant son déménagement à Vouvray. « Là-bas, j’ai travaillé sur de la pendulerie française, belge, hollandaise et anglaise, de toutes les époques. C’était vraiment intéressant », raconte-t-elle.

Grâce à son métier, l’horlogère découvre « des pièces incroyables » et fait face à quelques défis de restauration. C’est d’ailleurs ce qu’elle apprécie. « Un client va m’apporter une pièce qui ne fonctionne plus et je dois trouver la solution. Cela peut être long et frustrant mais, lorsque je trouve et que l’horloge marche de nouveau, c’est une satisfaction incroyable », témoigne-t-elle. En évoquant cette facette de sa profession, Marion Rousselot se rappelle une mission pour laquelle elle s’est plusieurs fois rendue chez un client. « Je suis allée voir sa pendule deux ou trois fois mais je ne comprenais pas pourquoi elle s’arrêtait. Même après les réparations, elle continuait de s’arrêter. Un mois et demi plus tard, j’ai compris que le balancier était trop lourd. Quand j’ai identifié le problème, j’ai eu une vraie bouffée d’adrénaline ! » Si elles sont parfois terminées en une journée et demie, les restaurations peuvent cependant donc prendre plus de temps, en fonction des complications et des réparations nécessaires. « Les gens sont généralement compréhensifs et patients. Il faut bien comprendre qu’il y a un problème de temporalité, nous dépendons des objets. Ils nous parlent et, tant qu’ils ne veulent pas dévoiler leurs secrets, nous ne comprenons souvent pas d’où vient le problème. »

L’atelier de Marion Rousselot, à Vouvray.

Laisser sa trace dans les horloges

Les horloges peuvent cacher d’autres secrets. La Vouvrillonne a ainsi découvert des petits mots à l’intérieur des pendules. Il s’agit souvent de la date d’une première réparation et du nom de l’horloger qui l’a réalisée. Marion Rousselot s’est, elle aussi, prêté au jeu. « J’ai déjà laissé un mot mais je ne le fais que si je suis certaine que ça n’altèrera pas la pendule. Je trouve ça rigolo. J’ai écrit “MR a réparé cette horloge en telle année”. J’aime me dire que quelqu’un pourrait le voir dans plusieurs années », confie-t-elle.

La jeune femme propose désormais des ateliers d’initiation à l’horlogerie ancienne. Une fois par mois, pendant quatre heures, elle reçoit une personne (deux si elles viennent ensemble) dans son atelier afin de partager sa passion et transmettre son savoir-faire. « Nous démontons et remontons un mouvement et nous synchronisons une sonnerie », détaille-t-elle. Une activité ouverte à tous, même à ceux qui ne connaissent rien à l’horlogerie. « Il s’agit vraiment d’une initiation grand débutant. Cela est fait pour que les gens qui ont envie d’apprendre puissent le faire. Et, si les participants connaissent un peu ce domaine, je m’adapte à leur niveau. » À l’avenir, Marion Rousselot aimerait proposer de nouveaux ateliers pour que des particuliers puissent venir réparer eux-mêmes leur horloge, sous sa supervision.

Un degré en plus

Site web de Marion Rousselot : www.rousselot-horlogerie.com Contact : 06.75.54.38.51 ou rousselot.horlogerie@gmail.com

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