Les bénévoles sont souvent les petites mains des structures associatives qui créent et favorisent le tissu social. Afin de leur rendre hommage, chaque mois nous vous proposons de retrouver une interview ou un portrait d’un bénévole. Ce mois-ci, c’est Marie* qui a bien voulu répondre à nos questions.
Marie est retraitée de la fonction publique, cette Tourangelle âgée de 63 ans délaisse deux à trois mois par an son appartement urbain, plutôt cosy et chic, pour partir à Calais, vivre auprès de sa famille mais aussi venir en aide aux migrants.
Bonjour Marie, Pourquoi avoir accepté de nous répondre mais de façon anonyme ?
Pour protéger ma famille, je viens à Calais parce que de la famille y habite, eux connaissent mes activités de bénévole, mais ils préfèrent que je reste discrète sur celles-ci.
Pourquoi cela ?
Parce que la question des migrants à Calais n’est pas simple, il y a une crispation sur ce sujet. Ma famille a peur du regard des voisins, des proches. Ce sont des personnes discrètes qui ne veulent pas être cataloguées. En ville tout le monde a un avis sur les migrants et beaucoup sont vindicatifs à l’encontre des bénévoles qu’ils accusent d’être une source à migrants. La misère est partout ici et les gens en ont peur, comme si être au contact des migrants allait leur transmettre la misère, c’est triste, mais c’est malheureusement un sentiment partagé par beaucoup.
Comment êtes-vous devenue bénévole à Calais ?
Comme je vous l’ai dit, j’ai de la famille qui s’est installée ici il y a plusieurs années. Je suis à la retraite et nous sommes très proches, je viens vivre chez eux deux à trois mois par an. Au début, à chaque fois que je venais, j’avais une boule au ventre en voyant des migrants, j’ai été touchée par leur sort. Je ne pouvais pas rester insensible à leur situation, alors j’ai décidé de me rapprocher d’associations et j’ai commencé à leur donner un coup de main.
Que pouvez-vous nous dire des conditions de vie des migrants ?
Ils vivent dans des conditions inhumaines qui dépassent l’entendement. C’est bateau ce que je vais dire mais entre le froid, la faim, le manque d’hygiène… c’est inacceptable. A cela s’ajoute le fait qu’ils ne comprennent pas forcément tout ce qui leur arrive, que beaucoup se sont fait avoir par des marchands de rêves, et qu’ils vivent avec la peur au quotidien.
Comment se matérialise l’aide que vous apportez ?
Elle prend différentes formes, comme leur apporter des couvertures, des vêtements, de la nourriture, mais aussi leur permettre de prendre des douches par exemple. Cela peut se formaliser par juste un peu de réconfort également, un peu de discussion pour ceux qui parlent un peu anglais ou français. Ce que nous faisons c’est simplement de l’humanitaire. On voit ça à la TV dans les régions du monde en guerre, mais il faut prendre conscience que nous faisons la même chose, ici en France, le pays des Droits de l’Homme et la 5e ou 6e puissance économique mondiale, cela montre bien que c’est une question politique.
Que voulez-vous dire par cette dernière phrase ?
Que les politiques se moquent du sort de ces pauvres gens, pour eux ce ne sont que des statistiques qui viennent les déranger au moment des élections. Il n’y a qu’à voir les déclarations de la maire UMP lors des dernières municipales. Le gouvernement ne fait pas mieux non plus. Depuis que j’aide les gens ici, je ne vote plus parce que je suis écœurée par le traitement inhumain avec lequel on gère ces questions humaines en France.
Que pensez-vous alors de l’annonce de Bernard Cazeneuve d’ouvrir un nouveau centre d’accueil ?
Même si je pense que toutes les actions qui peuvent améliorer, même à la marge, les conditions de vies de ces personnes ne peuvent être que bénéfiques, cela reste une déclaration politicienne qui ne règlera pas le problème. C’est à peine un pansement et c’est loin d’être suffisant.
*Prénom d’emprunt.
Photo : Calais. Photo sous Créative Commons