En Touraine, le changement climatique pose de nouveaux problèmes au vignoble

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2023 a été une année sans gel mais pas une année sans embuches pour le monde viticole tourangeau. « Avant l’été on s’attendait à une très bonne récolte, elle est finalement amputée de 30% à cause du mildiou » décrit par exemple Jean-Martin Dutour, président du Syndicat des vins de Chinon. L’été chaud mais peu ensoleillé est à l’origine de ce coup du sort. Une situation météo inédite de mémoire de vigneron local. Et si les professionnels le prennent avec le sourire en disant que ça leur fera « un millésime de référence », sur le fond les inquiétudes pour l’avenir sont bien réelles. Car les risques d’écueils sont multiples.

Du gel à répétition, la crise Covid et maintenant le mildiou. Cela fait près de 10 ans que la vigne tourangelle subit des aléas qui déstabilisent son écosystème. On pourrait dire que c’est le jeu de toute production agricole, et c’est vrai. Il faut apprendre à vivre avec les caprices de la nature ou du monde qui nous entoure. Les conséquences n’en sont pas moins réelles : tout cela fragilise les entreprises, en particulier parce qu’elles ont moins de stock. Si les mauvaises années s’accumulent, voire s’enchaînent, le risque de ne plus rien avoir à vendre est réel. Plus de bouteilles en stock = plus de revenus = danger de fermeture d’un domaine.

Qu’on se le dise : l’heure n’est pas à l’alarmisme, ni à la catastrophe. Dans un marché inflationniste global, où le vin est parfois en recul, la côte des bouteilles de Loire est bonne, y compris à l’export. Voire, surtout à l’étranger. En revanche il y a de la vigilance. Et ce qui préoccupe le plus dans les chais ce sont les conséquences actuelles ou futures du changement climatique.

A ce sujet, voici ce qu’on sait déjà : plus le temps passe, plus les températures se réchauffent et plus le climat du Val de Loire se rapproche de ce qu’on a pu connaître près de la Méditerranée. D’un côté c’est une bonne nouvelle parce que ça veut dire des vins considérés comme de meilleure qualité. Cela dit ça signifie aussi une hausse du degré d’alcool et surtout moins d’eau, et de nouveaux risques. Celui qui inquiète massivement c’est la flavescence dorée. « Un ravageur qui tue la vigne » résume le Chinonais Jean-Martin Dutour. Quand elle est malade, celle-ci voit ses feuilles devenir rouges, les grappes fanent et les bois restent verts.

Le Sud connait le problème depuis des années. Tous les cépages sont vulnérables. Transmis par un papillon, le virus s’attaque à un ceps de vigne en le piquant. Si rien n’est fait on estime que l’année d’après ce sont dix pieds qui sont infestés, puis 100 au bout de deux ans, puis 1 000 la troisième année… Pour s’en débarrasser, il faut traiter à l’insecticide. Mais encore faut-il repérer les endroits atteints : « Pour l’instant sur Chinon on n’en a pas encore trouvé mais on a 15-20 pieds suspicieux » explique Jean-Martin Dutour. Des analyses sont en cours pour confirmer ou non la contamination. Si c’est avéré, il n’y a rien à faire : les ceps seront arrachés pendant la saison froide.

A défaut de soigner, on peut faire de la prévention. Pour ça, le président du Syndicat des Vins de Chinon appelle à la vigilance : « Pour éviter un développement il faut que le collectif fonctionne, que tout le monde surveille et – si on est obligé de traiter – que tout le monde traite, comme le Covid. Il est indispensable que l’on soit soudé et collectivement organisé. Vigneron n’est pas un métier qu’on fait tout seul » détaille Jean-Martin Dutour. Ainsi, il faut repérer le virus à l’été puis agir avant qu’il se reproduise, soit au printemps de l’année suivante. Sinon, c’est fichu.

Clairement, la question n’est pas de savoir si Chinon sera touché par la flavescence dorée, mais quand. Ainsi, Saint-Nicolas-de-Bourgueil est déjà menacé. L’avantage de la Touraine, c’est qu’elle bénéficie du retour d’expérience de ses confrères du Sud, ce qui donne ce petit commentaire du président des vignerons du Chinonais : « J’espère qu’on gérera mieux qu’eux. » Une nouvelle tuile, qui s’ajoute à la menace désormais annuelle du gel printanier. Avec le réchauffement, la vigne a tendance à bourgeonner plus tôt dès mars, du coup la moindre nuit aux températures négatives d’avril ou mai peut faire griller les bourgeons et peut anéantir une récolte.

Pour s’en protéger, l’achat de tours antigel s’est intensifié ces dernières années. Désormais, on estime que 30% du territoire est couvert par leur action. Une protection qui s’est faite grâce à des alliances et au soutien des pouvoirs publics. Un modèle à reproduire ?

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