Cours d’éducation sexuelle au collège Jules Ferry, de l’inquiétude au complot

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L’école est devenue au fil des années un champ de bataille idéologique, et la Touraine n’échappe pas au phénomène. Après les fausses dénonciations à l’école Blotterie de Joué-lès-Tours qui avaient abouti à un procès en diffamation en 2016, c’est semble-t-il au tour du collège Jules Ferry de Tours de faire les frais d’une bataille idéologique autour des cours d’éducation sexuelle à l’école.

Le 1er février dernier,  une séance intitulée “vie affective relation filles garçons” organisée dans l’établissement aurait choqué enfants et parents par son contenu sexualisé. Un événement inquiétant d’après le collectif “Parents en colère”, qui publie un communiqué intitulé “Graves dérives dans un collège !”. Un titre alarmiste, qui copie la charte graphique du dispositif “Alerte enlèvement”. Le texte est relayé depuis le 5 février sur quelques groupes Facebook et Twitter.

A en croire ce communiqué, un groupe de 14 collégiens, dont 4 jeunes filles, auraient été contraints d’assister à un cours où leur étaient présentés des images d’organes sexuels, des schémas de positions sexuelles, des photos de personnes nues ou en sous-vêtements, ainsi que des descriptions indiquant les différentes façons d’avoir du plaisir.

Un parent choqué

Contactée par notre rédaction, une mère de famille souhaitant rester anonyme témoigne : “Je suis maman d’une jeune fille de 14 ans. Quand elle est rentrée, elle était choquée et m’a dit avoir vu des statues d’organes génitaux, on lui a également indiqué qu’une fille pouvait avoir plusieurs relations sexuelles, qu’il était possible de demander à l’infirmière des moyens contraceptifs sans autorisation des parents, et que les bébés se masturbaient dès la naissance”

Un discours choquant pour cette Tourangelle, qui n’hésite pas à qualifier le cours de “viol psychique”, précisant qu’elle considère la séance comme de la “corruption de mineurs”, contraire à la loi, non sans citer au passage quelques théories complotistes.

Les faits

Cours mal compris par la jeune fille ? Présentation maladroite de la part du collège ? Interprétation erronée des propos de cette mère de famille ? 

Qu’en est il vraiment ? Déjà on peut rappeler que ces enseignements font partie du programme du collège, à raison de trois cours obligatoires par an. Ils n’ont donc rien de surprenant. Nous avons pu consulter tous les panneaux présentés aux collégiens et aucun ne prête à une interprétation tendancieuse.

Informé de la polémique, le rectorat tient un discours très précis : “Ce cours s’est déroulé de façon tout à fait normale, conformément aux textes. Le contenu du cours portait tout particulièrement sur la prévention des infections sexuellement transmissibles, le consentement dans les relations filles-garçons et sur la notion d’identité », rien qui ne s’éloigne de contenus scientifiquement valides. En effet les contenus présentés proviennent de l’exposition itinérante « 2XY, connaître son corps », initiée par le conseil départemental, qui ne soulève aucun problème dans les nombreux établissements qui l’ont accueillie depuis 2019.

Des propos confirmés par une parent d’élève dont le fils lui a spontanément parlé de l’aspect « particulièrement pédagogique et ouvert » du cours, précisant que « la parole était libre et facile, sans moquerie ni jugement. On a beaucoup parlé de respect, de liberté de chacun de vivre sa sexualité et ses relations ».

Exemples de panneaux de l’exposition « 2XY, connaître son corps »

L’académie porte plainte

L’académie annonce porter plainte pour diffamation dans les prochains jours et précise : « Nous souhaitons rassurer pleinement les familles, nous proposons ces séances uniquement dans le cadre des programmes, avec des spécialistes de la prévention et la citoyenneté. Il est préférable d’apprendre ces notions de manière encadrée à l’école, plutôt que sur les réseaux sociaux. »

 

Tract du collectif Parents en colère, copiant la charte graphique d'Alerte enlèvement

Un collectif opportuniste

De l’incompréhension d’une mère, certains sont passés en quelques heures à la polémique par la magie délétère des réseaux sociaux. Un emballement qui est venu aux oreilles du collectif “Parents en colère”, porte-drapeau de l’interdiction totale des cours d’éducation sexuelle en France, mais également de l’interdiction du masque et de la vaccination obligatoire. 

Contactée via les réseaux sociaux, Aurélie, représentante du collectif au niveau national, s’appuie uniquement sur la “bonne foi” de parents d’élèves tourangeaux, sans s’embarrasser de vérifications auprès du collège.

Son avis est fait : “les cours d’éducation sexuelle sont assimilables à de la corruption de mineurs, et ne sont pas légaux”. De son point de vue, l’éducation nationale organise “disparition des valeurs familiales”, et “incite les jeunes à changer de sexe”. Des propos entendus là encore 10 ans en arrière à Joué-lès-Tours…

Chronique du complotisme en Touraine

Une maman dans l’incompréhension, un collectif aux relents complotistes, aucune vérification auprès du collège ou de l’Académie, voilà un terreau propice à toutes les théories du complot qui ne manquent pas d’être évoquées sur le canal Telegram d’une centaine de membres, créé pour l’occasion par des parents inquiets et mal informés, où certains se laissent glisser aisément vers des théories délirantes.

Message complotiste diffusé dans le canal Telegram

Une tempête relayée allègrement sur des groupes complotistes tourangeaux, mais également par les réseaux de “ré-information anti-covid” locaux. Une polémique locale dans la (très) droite ligne des thèmes ultra-conservateurs des nouveaux groupes de parents d’élèves américains ou français, tels que parents vigilants, émanation du parti d’Eric Zemmour, dont “Parents en colère” dit partager les mêmes combats. 

Des polémiques inquiétantes et sans fondement, de plus en plus fréquentes, qui mettent en danger les enseignants et personnels de l’éducation nationale.

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