On savait la majorité de Serge Babary hétéroclite, allant des centristes radicaux jusqu’à la droite conservatrice. Une majorité où les différences de points de vue sociétaux s’étaient jusque-là fait plus ou moins discrets mais qui s’affichent au grand jour ces derniers jours avec comme ligne de fracture principale le Centre LGBT.
Samedi lors de la marche des Fiertés organisée par le Centre LGBT, Christophe Bouchet représentait la mairie et affichait son soutien à l’association tourangelle défendant le droit des homosexuels et personnes transgenres. L’adjoint au maire de Tours osait même un « bisou » improvisé avec le député socialiste Jean-Patrick Gille. Un geste non calculé selon l’intéressé mais au symbole fort, une semaine après la tuerie homophobe d’Orlando.
Lundi soir en Conseil Municipal, au sein de la même majorité, Cécile Chevillard profitait de la délibération sur les subventions aux associations pour s’en prendre directement à ce même Centre LGBT, en raison d’une subvention à hauteur de 600 euros pour des interventions pédagogiques de prévention contre le suicide. L’élue de la droite conservatrice qui avait été active dans le mouvement de la Manif pour Tous qui s’était opposé à la loi Taubira ouvrant le mariage aux couples homosexuels), déclarait ainsi : « mes pensées vont pour toutes les victimes de l’acte barbare à Orlando. Pour cette raison uniquement je voterai cette subvention. Mais la barbarie et le terrorisme ne doivent pas paralyser toute réflexion, ce serait donner raison à la violence et l’intolérance. Cette association pour moi est un lobby qui a des idées que je ne partage pas. Un lobby politique défendant des postures politiciennes comme on l’a vu récemment. » poursuivait Cécile Chevillard en appuyant ses propos sur un article de la NR pour dénoncer le soutien présumé à la GPA (Gestation pour Autrui) et aux travailleurs du sexe de la part du Centre LGBT. « Des idées rejetées par le parti auquel j’adhère » expliquait l’élue tout en reconnaissant des « actions louables » par ailleurs de ce même Centre LGBT.
Des propos auquel le Centre LGBT a tenu à réagir par communiqué pour rejeter les accusations de Cécile Chevillard :
« Le Centre LGBT de Touraine souhaite rassurer Cécile Chevillard en portant à sa connaissance le fait que l’association, contrairement à ce qu’elle a affirmé, n’a jamais pris position sur les questions relatives à la GPA ou aux droits des travailleurs du sexe. Une simple « promenade » sur le site internet de l’association aurait normalement suffi à dissiper ce malentendu. En cas de doute, nous invitons donc l’élue à prendre contact dorénavant avec l’association pour s’assurer de ses sources. Il convient néanmoins de noter que ces thématiques, qui touchent les familles hétéro- et homoparentales, sont des sujets d’actualité dont la société devrait débattre.
Par ailleurs, il serait certainement souhaitable que Cécile Chevillard quitte enfin son manteau de porte-parole du lobby « Manif pour tous » afin de devenir une élue pour tous les administrés de Tours, qu’ils soient LGBT ou non ». Et de poursuivre : « C’est avec grand regret que le Centre LGBT de Touraine constate qu’il faille un meurtre de masse pour pouvoir participer symboliquement à la lutte contre le suicide des jeunes LGBT. »
Difficile de ne pas voir dans les propos de Cécile Chevillard une réaction à ceux de Christophe Bouchet lors de la Marché des Fiertés : « Avec le maire, Serge Babary, nous représentons la ville dans sa grande diversité politique, seuls ceux qui n’ont pas voulu être là se reconnaitront ». Les propos de Cécile Chevillard n’auront par ailleurs pas laissé de marbre les élus de gauche mais aussi une partie de la majorité qui se dissociaient de leur collègue, certains allant jusqu’à évoquer dans l’histoire de l’attribution de cette subvention au Centre LGBT, une pression de la droite conservatrice de la majorité, ce qui expliquerait que l’association n’était pas présente lors de la première mouture des associations aidées en mars dernier. Rappelons qu’à cette époque, l’élue d’opposition socialiste Monique Maupuy s’était étonnée publiquement de cette absence. Serge Babary de son côté a simplement temporisé ce lundi soir, en soulignant que « la subvention était votée » et a appelé « à respecter l’éthique de chacun » en réponse à Cécile Jonathan qui avait pris la parole suite à l’intervention de Mme Chevillard. Une position que Serge Babary avait déjà affirmé par le passé, notamment lorsque candidat (et alors qu’il avait lui-même participé, à l’instar de beaucoup de personnalités de droite, à certaines « Manif pour Tous »), il avait répondu à un questionnaire du Centre LGBT en évoquant « des initiatives et convictions personnelles qui n’engageaient pas la liste ».
Une position qu’il a donc en quelque sorte réaffirmé ce lundi en Conseil Municipal. Difficile de ne pas y voir une certaine façon de préserver un semblant d’unité au sein de sa majorité et de ne pas s’opposer publiquement à une partie de son équipe municipale. Une unité qui s’effrite néanmoins depuis plusieurs mois, ce dont les élus eux-mêmes ne semblent plus vouloir cacher publiquement.
Crédit photos : Pascal Montagne